Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Cette semaine, je vous présente Nevermoor T01 de Jessica Townsend
Avant même l’arrivée du cercueil, les journalistes étaient là. Pendant la nuit, ils s’étaient peu à peu rassemblés devant le portail. À l’aube, une foule de gens les avaient rejoints. À neuf heures, c’était noir de monde.
Il était midi passé lorsque Corvus Crow sortit enfin de chez lui et descendit l’allée jusqu’à la grande grille en fer forgé qui retenait les importuns.
— Chancelier Crow, cela pèsera-t-il sur votre décision de vous représenter aux élections ?
— Monsieur le chancelier, quand aura lieu l’enterrement ?
— Le président vous a-t-il présenté ses condoléances ?
— Vous devez être soulagé, n’est-ce pas, monsieur le chancelier ?
— S’il vous plaît, les interrompit Corvus en levant une main gantée de cuir pour les faire taire. J’ai une déclaration à vous faire, au nom de toute ma famille.
Il sortit un morceau de papier de la poche de son élégant costume noir.
— « Nous remercions les citoyens de notre grande République de nous avoir soutenus ces onze dernières années, lut-il du ton articulé et autoritaire qu’il avait développé au cours de ses années de chancellerie. Notre famille a connu bien des malheurs, et le chagrin nous accablera encore longtemps. »
Il se tut un instant pour s’éclaircir la voix, les yeux levés vers son auditoire silencieux. Une multitude d’objectifs et de regards curieux étaient braqués sur lui. Soudain, il fut assailli par un crépitement de flashs.
— « Le deuil d’un enfant est une chose terrible, reprit-il. Ce deuil est une épreuve pour notre famille, mais aussi pour tous les habitants de Jackalfax, qui, nous le savons, partagent notre profonde tristesse. »
Au moins cinquante paires de sourcils se haussèrent. Quelques toussotements gênés brisèrent le silence.
— « Mais ce matin, alors que nous entrons dans la Neuvième Ère de la République de la Mer d’Hiver, nous savons que le pire est derrière nous. »
Des coassements lugubres se firent entendre au-dessus d’eux. Tous rentrèrent les épaules, visages tendus. Personne ne leva la tête. Les oiseaux planaient en cercles depuis le matin.
— « La Huitième Ère m’a volé ma femme adorée, et voilà qu’elle vient d’emporter ma seule enfant. »
Un nouveau coassement vibra dans les airs. Un journaliste fit tomber le micro qu’il tenait tout près du visage du chancelier et plongea vers le sol pour le récupérer. Il se redressa en rougissant et en marmonnant des excuses, que Corvus ignora.
— « Mais, en partant, elle a aussi balayé le danger et le désespoir qui avaient assombri sa si courte vie. Ma… très chère Morrigane. »
Il marqua une pause, le visage déformé par le chagrin.
— « Elle est enfin en paix, comme nous devons l’être aussi. La ville de Jackalfax ainsi que l’État entier des Grandes Plaines du Loup sont enfin à l’abri du danger. Il n’y a plus rien à craindre. »
Un murmure empreint d’incertitude parcourut la foule, et les flashs se raréfièrent. Le chancelier leva des yeux humides. Son morceau de papier s’agitait dans le vent. Ou étaient-ce ses mains qui tremblaient ?
— Merci.
Corvus Crow ne répondrait à aucune question.
Alors, tenté