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Rendez-vous livresques - Page 14

  • C'est lundi que lisez-vous? #263

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    Rendez-vous initié par Mallou qui s'est inspirée de It's Monday, What are you reading ? de One Person’s Journey Through a World of Books. Le récapitulatif des liens se fait maintenant sur le blog I believe in Pixie Dust.

     

    Il s'agit de répondre à trois questions:

    Qu'ai-je lu la semaine passée?
    Que suis-je en train de lire?
    Que lirai-je après?

     

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    Et vous, que lisez-vous?

  • Premières lignes #104

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente Everless de Sara Holland

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    Presque tous les habitants de Sempéra trouvent la forêt effrayante, à cause des vieilles histoires de fées capables de figer le temps contenu dans leur sang ou de sorcières pouvant les vider de leurs années d’un simple chuchotis. On raconte même que l’esprit de l’Alchimiste hante ces bois, et qu’il est assez puissant pour emprisonner des éternités entières dans un souffle.

    Moi, ce ne sont pas les fées qui m’effraient. La forêt recèle des dangers bien réels – des voleurs en embuscade, portant poignard acéré et poudre alchimique à la ceinture, prêts à saigner du temps à quiconque ose s’aventurer loin de son village. On les nomme les saigneurs. C’est à cause d’eux que papa n’aime pas que j’aille chasser, mais nous n’avons pas le choix. En hiver, de toute façon, les sous-bois ne sont pas assez denses pour offrir une cachette aux brigands, et aucun chant d’oiseau ne couvre les bruits de leurs pas.

    De plus, je connais ces bois mieux que personne. J’ai toujours adoré m’y promener, flâner sous les branches enchevêtrées qui masquent le soleil et forment un rempart contre le vent cinglant. Je pourrais y passer mes journées, ou marcher sans plus m’arrêter parmi les arbres miroitants de givre et de glace, sous les rais de soleil effilés comme des dagues. Et disparaître.

    Tu parles ! Jamais je n’abandonnerai mon père, surtout s’il est…

    – Ne dis pas de bêtises, m’interromps-je.

    Ce mensonge gèle dans l’air glacial et retombe comme de la neige. Je le chasse d’un coup de pied.

    Papa raconte que certains arbres sont vieux de mille ans, qu’ils étaient déjà là bien avant la naissance de tous les habitants peuplant le royaume aujourd’hui, avant même que la reine accède au trône, ou que l’Alchimiste et l’Envoûteuse transforment le temps en sang et en métal – si tant est qu’une telle époque ait jamais existé. Ces arbres seront encore debout quand nous aurons tous quitté ce monde. Pourtant, ce ne sont pas des prédateurs comme les loups ou les hommes. Les racines qui s’étendent sous mes pieds ne vivent pas depuis des siècles en aspirant les forces des autres plantes jusqu’à ce qu’elles se flétrissent et deviennent grises. Et l’on ne peut pas les saigner pour en extraire leur temps.

    Si seulement nous ressemblions davantage aux arbres.

    Le vieux mousquet de papa pèse sur mon dos, lourd et inutile. J’ai eu beau marcher des lieues, je n’ai pas croisé de gibier. Dans quelques heures, il fera nuit, et les marchands baisseront l’un après l’autre la toile de leur étal. Bientôt, je serai obligée de rentrer au bourg et de me rendre chez l’extracteur de temps. J’avais espéré que la chasse me calmerait, me donnerait du courage pour ce qui m’attend, mais j’ai encore plus peur qu’avant de partir.

    Demain, nous devrons régler le loyer de notre chaumière de Crofton. Comme tous les mois, la famille Gerling renflouera ses coffres avec notre fer-de-sang, au prétexte que nous lui sommes redevables pour la protection qu’elle nous apporte. Pour les terres qu’elle nous prête. Le mois dernier, nous n’avons pas pu payer, mais nous nous en sommes tirés avec un avertissement du percepteur – parce que papa semblait trop mal en point, et moi trop jeune –, mais ce n’était pas un geste de charité de sa part. Ce mois-ci, il exigera le double, peut-être même plus. Maintenant que j’ai dix-sept ans, l’âge légal pour donner ses années à saigner, je sais que je n’ai plus le choix.

    S’il a toute sa tête, papa sera très en colère.

    J’essaie une dernière fois, me dis-je, alors que j’atteins un ruisseau qui serpente entre les arbres. Le cours d’eau gelé ne gazouille pas, mais, sous la surface, j’aperçois un frétillement vert, brun et doré – une truite, qui remonte quelque courant invisible. Bien vivante sous la couche de glace.

    Je m’agenouille en vitesse et brise la pellicule dure d’un coup de crosse. J’attends que les ondulations de l’eau se calment et qu’un scintillement d’écailles apparaisse, assez désespérée pour implorer l’Envoûteuse en silence. Le fer-de-sang que cette truite me rapportera entamera à peine les dettes de papa, mais je ne veux pas rentrer bredouille au marché. C’est hors de question.

    Je me concentre, j’adjure mon cœur de s’apaiser.

    Et là, comme cela se produit souvent, tout semble ralentir. Non, ce n’est pas qu’une impression. Les branches cessent bel et bien de bruisser au vent. Même les plus discrets des crépitements de la neige en train de fondre s’arrêtent, comme si la forêt retenait sa respiration. Je baisse les yeux vers l’eau trouble, où je distingue un miroitement blafard – emprisonné lui aussi dans le souffle du temps. Avant que ce moment ait pu s’interrompre, je plonge les mains dans le ruisseau.

    Le froid glacial me fait l’effet d’un coup de fouet, se répand dans mes bras et engourdit mes doigts. Le poisson se fige, frappé de stupeur, comme s’il voulait que je l’attrape.

    Quand je referme les doigts sur ses écailles glissantes, le temps reprend son cours normal. Le poisson tout en muscles s’agite avec tant d’énergie que je manque de le lâcher. Avant qu’il ait pu s’échapper, je le sors de l’eau et le fourre dans ma musette d’un geste expert. Pendant quelques instants, un peu écœurée, je l’observe qui se débat dans la toile de jute.

    Puis le sac redevient immobile.

    J’ignore pourquoi le temps ralentit ainsi, de façon tout à fait imprévisible. J’applique les conseils de papa et n’en parle à personne – un jour, il a vu un homme être saigné de vingt ans pour la seule raison qu’il avait prétendu être capable de faire s’écouler une heure à l’envers d’un simple revers de la main. Les divinatrices, comme Calla au village, qui divertissent les gens superstitieux, sont tolérées – tant qu’elles paient leur loyer. Avant, j’allais chez elle écouter ses histoires de temps qui se déforme, reste suspendu, et parfois même provoque des failles dans le sol ou des tremblements de terre, mais un jour papa m’a interdit d’entrer dans son échoppe, de peur que j’attire l’attention sur nous. Je me rappelle encore le parfum de sa boutique – une odeur d’épices mêlées au sang versé pour la pratique de rites ancestraux. Mais papa m’a appris une chose : pour être en sécurité, il ne faut pas se faire remarquer.

    Je glisse mes mains sous les bras pour les réchauffer, puis je m’accroupis de nouveau au bord de la rivière, et m’efforce de me reconcentrer. Malheureusement, aucun autre poisson ne se montre et, petit à petit, les rayons du soleil passent sous la cime des arbres.

    La nervosité me noue l’estomac.

    Je ne peux pas reculer plus longtemps ; je dois me rendre au marché.

     

    Alors, tentés?

  • C'est lundi que lisez-vous? #262

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    Rendez-vous initié par Mallou qui s'est inspirée de It's Monday, What are you reading ? de One Person’s Journey Through a World of Books. Le récapitulatif des liens se fait maintenant sur le blog I believe in Pixie Dust.

     

    Il s'agit de répondre à trois questions:

    Qu'ai-je lu la semaine passée?
    Que suis-je en train de lire?
    Que lirai-je après?

     

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    Et vous, que lisez-vous?

  • Premières lignes #103

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles de Suzanne Hayes et Loretta Nyhan

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    19 janvier 1943

    ROCKPORT, MASSACHUSETTS

    Chère « Sorcière aux mains vertes »,

    À trop vouloir m’appliquer, j’ai de l’encre bleue plein les doigts.

    Mais ce soir, j’avais le cœur lourd… Alors j’ai décidé de faire fi du reste et de prendre ma plus belle plume pour écrire à une parfaite inconnue qui n’aura peut-être ni le temps ni l’envie de me répondre.

    Et si je commençais par le commencement ?

    Notre Club des femmes se réunit au presbytère chaque mercredi après-midi. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, mais il faut bien que je m’occupe. On ne nous a pas donné de vrais noms, juste fait passer une liste d’adresses en nous disant que si nous nous sentions seules (c’est mon cas) ou désespérées (pas encore, mais j’avoue que ça devient de plus en plus pesant), nous pourrions ainsi correspondre avec une autre jeune femme dans la même situation. La « situation ». J’ai particulièrement aimé la manière dont notre vieille Mme Je-sais-tout (Mme Moldenhauer) a prononcé ce mot. Que sait-elle, au juste, de notre « situation » ?

    Un chapeau passait de main en main avec de petits papiers comportant de faux noms et de vraies adresses. Histoire de préserver l’anonymat, je suppose. Mais après tout, pour s’écrire, ne vaut-il pas mieux se connaître ? Les morceaux de papier n’étaient pas pliés et les autres filles fouillaient dans le chapeau pour choisir leur préféré. Tout ce rituel me semblait un peu ridicule et confus, à vrai dire. Je ne voulais pas participer, mais Mme Moldenhauer m’a pincé l’avant-bras si fort que je dois encore avoir une marque. Du coup, j’ai fait exprès de choisir en dernier. Toutes les autres avaient rejeté votre pseudonyme à cause du mot « Sorcière », j’imagine. J’ai de la chance d’être tombée sur vous. En ce moment, j’aurais bien besoin d’un coup de baguette magique. J’en suis à mon septième mois et Robbie Jr. vient d’avoir deux ans. C’est une vraie terreur.

    Voilà… J’espère que ces quelques lignes vous parviendront et vous donneront l’envie de me répondre. Je me réjouis à l’idée de courir jusqu’à la boîte aux lettres pour y trouver une enveloppe sans le cachet de l’armée dessus.

    Mon nom est Gloria Whitehall. J’ai vingt-trois ans. Mon mari, Robert Whitehall, est premier sergent dans la 2e division d’infanterie.

    Ravie de faire votre connaissance.

    Sincères salutations,
    Glory

     

    Alors, tentés?

  • C'est lundi que lisez-vous? #261

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    Rendez-vous initié par Mallou qui s'est inspirée de It's Monday, What are you reading ? de One Person’s Journey Through a World of Books. Le récapitulatif des liens se fait maintenant sur le blog I believe in Pixie Dust.

     

    Il s'agit de répondre à trois questions:

    Qu'ai-je lu la semaine passée?
    Que suis-je en train de lire?
    Que lirai-je après?

     

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  • Premières lignes #102

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente Pretty Dead Girls de Monica Murphy

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    – Tu me rappelles pourquoi je suis là ?

    Incroyable ! Je me débrouille enfin pour me retrouver en tête à tête avec Gretchen et, au bout de quelques secondes à peine, voilà qu’elle commence déjà à me prendre de haut.

    Elle m’arrache des mains le joint que je viens d’allumer, le porte nonchalamment à ses lèvres et en tire une longue bouffée. Puis elle retient la fumée dans ses poumons quelques instants, son regard d’un vert étincelant plissé dans une expression presque douloureuse…

    Avant de tout me recracher à la figure.

    Je vous jure, quelle peau de vache elle fait, parfois ! Pourtant, j’envie son audace. Elle n’a peur de rien. Elle est mal élevée, méchante comme la gale mais, surtout, elle se fiche royalement de ce que pensent les autres.

    Je finis par m’apercevoir qu’elle attend toujours ma réponse, et je me racle la gorge.

    — Écoute, je sais que ça peut paraître étrange, vu qu’on ne se parle presque jamais. Mais ça fait un bail qu’on est dans le même lycée, et je… j’avais juste envie qu’on… qu’on apprenne à mieux se connaître.

    Tss… Je bute sur les mots, ça m’énerve ! Des heures et des heures à préparer ce moment, à répéter mon petit discours, à réciter ces paroles à mon reflet dans le miroir. Jusque tard le soir, dans mon lit, le regard rivé sur le tournoiement hypnotique du ventilateur au plafond.

    Et maintenant que l’instant tant attendu arrive enfin, voilà que je bégaie, que je me débrouille quand même pour tout gâcher. Je me donnerais des claques, tiens ! Et tout ça, juste parce qu’elle se retrouve en face de moi pour de vrai… Elle, c’est Gretchen Nelson, une des filles les plus belles et les plus en vue du lycée. Elle a tout pour elle.

    Et moi, rien.

    Je ne demande pas grand-chose… Juste un petit avant-goût des privilèges dont elle jouit. Un minuscule fragment de ce qu’elle est. Je voudrais pouvoir toucher du doigt la vie dorée qu’elle mène, et que je pourrais avoir, moi aussi. Oui, pourquoi pas ?

    — Et donc… quoi ? Tu m’as juste attirée ici pour me parler ? grince-t-elle, cinglante. Tu veux quoi ? Qu’on sorte ensemble ?

    — Non, rien de tout ça !

    — Alors qu’est-ce que tu entends par « apprendre à mieux se connaître » ? Qu’est-ce que tu veux de moi ?

    Elle tire une nouvelle bouffée sur le pétard, brève et rapide cette fois, se met à tousser et manque de s’étouffer. L’espace d’un instant, le masque de la sublime lycéenne, belle à mourir et parfaite en tout point, se craquelle pour me laisser entrevoir un furtif aperçu de la véritable Gretchen : juste une gamine au tempérament agressif qui aime s’en rouler un de temps en temps et piétiner son entourage à la première occasion. Enfin, pas que ce soit une grande découverte pour moi…

    — Attends… Ne me dis pas que c’est ça que tu appelles un rancard ? conclut-elle, méprisante.

    — Quoi ? Tu rigoles ! m’exclamé-je aussitôt, beaucoup trop sur la défensive, avant de m’interrompre le temps de reprendre contenance. Ce n’était pas du tout ce que j’avais en tête. C’est juste que ça fait longtemps que j’ai envie de… de faire partie de tes amis.

    Confortablement adossée au siège passager de ma voiture, ses lèvres ourlées de dédain et ses délicats sourcils haussés bien haut, elle me gratifie d’un coup d’œil narquois. Les vitres du véhicule sont baissées. Gretchen ne s’est pas changée après son entraînement de volley : avec pour seuls vêtements son short et son T-shirt, elle ne doit pas avoir très chaud. Dans la région, une fois le soleil couché, la température chute à la vitesse de l’éclair.

    Mon regard soudain hypnotisé se pose sur ses jambes musclées. Ses cuisses fuselées, mais robustes, sont plus massives que celles des autres cheerleaders, ce qui faisait d’elle une excellente base pour les portés, il y a quelques années. Personne ne parvenait à propulser les voltigeuses aussi haut qu’elle. Je me rappelle l’avoir observée pendant des heures, elle et toutes les autres filles de sa bande…

    Enfin, de toute façon, Gretchen a raccroché les gants. Elle a quitté l’équipe à la fin de la seconde pour se consacrer à fond au volley. C’est une excellente joueuse. Solide, elle n’a pas froid aux yeux. Sur le terrain, elle est impitoyable. Mais sans jamais rien perdre de son assurance, de son intelligence tactique, ni de sa beauté.

    — Tu veux vraiment faire partie de mes amis ? Toi ?

    Dans sa bouche, ça sonne comme une prouesse inaccessible. Je hoche malgré tout la tête.

    — Mais… on n’a rien en commun ! déclare-t-elle.

    — En fait si, plein de choses.

    — O.K., je t’écoute. Cite-moi dix exemples.

    Elle coince le pétard entre ses lèvres et hoche lentement la tête. Pendu à sa bouche, il lui donne un air intraitable, rebelle, et l’admiration que j’éprouve pour elle revient en force. Au lycée, cette fille, c’est la perfection incarnée. Pourtant, là, renversée sur le dossier de son siège, avec sa crinière cuivrée, sauvagement indisciplinée, qui retombe en vagues autour de son visage, et des traces d’eye-liner sur ses joues rougies par l’air froid de la nuit, elle ne me semble plus si infaillible que ça.

    En revanche, pour une fois, elle est vraiment elle-même.

    Je m’insurge aussitôt :

    — N’importe quoi, comment veux-tu que j’en trouve autant ! C’est complètement débile !

    Elle se redresse d’un seul coup et arrache le joint de ses lèvres peintes pour me dévisager, bouche bée.

    — Je rêve ou tu viens de me traiter de débile ?

    Sa voix pleine de venin me fait esquisser un mouvement de recul.

    — M… Mais non ! C’est le pétard qui me donne le tournis. Comment veux-tu que je trouve dix points communs entre nous, comme ça, de but en blanc ? dis-je en claquant des doigts pour illustrer mon propos.

    — Incroyable, vous êtes vraiment tous pareils… Vous vous imaginez qu’on peut m’acheter à coup d’alcool, de fumette ou de propositions déplacées. (J’évite de peu le joint qu’elle me balance à la figure et qui passe par la fenêtre côté conducteur pour aller s’écraser sur le bitume.) Un rencard sur le parking d’une église, en plus, la grande classe !

    Sur ces mots, elle bondit hors de son siège et claque la portière derrière elle, si fort que le véhicule tangue. Dans ma panique, je m’extirpe de la voiture pour me lancer à sa poursuite à travers le parc de stationnement. Gretchen se dirige à longues enjambées, presque au pas de course, vers l’église Notre-Dame du Mont-Carmel. Mais, l’affolement aidant, je la rattrape en un rien de temps. Lorsque je l’agrippe par le bras, elle se dégage sur-le-champ et fait volte-face, le regard fou.

    — Ne t’approche pas de moi !

    Quand je cherche encore à l’empoigner, elle me repousse plus fort, une expression de pur dégoût sur le visage.

    — Mais t’es complètement dingue ! Fous-moi la paix !

    Aussitôt, je vois rouge. Ce mot, « dingue »… Toujours le même, qui me frappe en plein cœur à chaque fois. Il faut toujours que je récolte ce genre de réaction… Les autres me mettent à part, me montrent du doigt en riant. À chaque pas en avant que je fais, à chaque fois que je m’approche un peu plus de la normalité, un incident comme celui-là se produit et m’envoie valdinguer quatre pas en arrière.

     

    Alors, tentés?

  • C'est lundi que lisez-vous? #260

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    Rendez-vous initié par Mallou qui s'est inspirée de It's Monday, What are you reading ? de One Person’s Journey Through a World of Books. Le récapitulatif des liens se fait maintenant sur le blog I believe in Pixie Dust.

     

    Il s'agit de répondre à trois questions:

    Qu'ai-je lu la semaine passée?
    Que suis-je en train de lire?
    Que lirai-je après?

     

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  • Premières lignes #101

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente Piège conjugal de Michelle Richmond

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    Je me réveille à bord d’un Cessna au vol cahoteux. J’ai la tête qui me lance et la chemise tachée de sang. J’ignore combien de temps s’est écoulé. Je regarde mes mains, m’attendant à les trouver menottées, mais non. Je n’ai qu’une ceinture de sécurité classique autour de la taille. Qui m’a attaché ? Je ne me rappelle même pas être monté dans l’avion.

    J’aperçois la tête du pilote par la porte ouverte du cockpit. Il n’y a personne d’autre à bord. Nous survolons des pics enneigés. De violentes rafales secouent l’appareil. Les épaules tendues, l’homme semble totalement concentré sur les commandes.

    Je porte la main à mon crâne. Le sang a séché, laissant un magma poisseux. Mon estomac gargouille. La dernière fois que j’ai mangé, c’est au petit déjeuner. Mais combien de temps s’est-il écoulé depuis ? Sur le siège à côté de moi, il y a une bouteille d’eau et un sandwich enveloppé dans du papier. Je bois à grandes goulées.

    Je déballe le sandwich – jambon-gruyère – et je mords dedans. Aïe. J’ai trop mal pour mastiquer. Quelqu’un a dû me frapper au visage lorsque j’étais à terre.

    J’interpelle le pilote.

    — Est-ce qu’on rentre à la maison ?

    — Ça dépend de ce que vous appelez la maison. On va à Half Moon Bay.

    — On ne vous a rien dit à mon sujet ?

    — Prénom, destination, c’est à peu près tout. Je ne suis que le taxi, Jake.

    — Mais vous êtes membre, non ?

    — Bien sûr, répond-il d’une voix neutre. Fidèle au conjoint, loyal au Pacte. Jusqu’à ce que la mort nous sépare.

    Il se retourne et me jette un regard éloquent : j’ai assez posé de questions.

    L’avion est happé par un trou d’air. Le choc est si brutal que mon sandwich s’envole. Un bip menaçant retentit. Le pilote jure et appuie frénétiquement sur des boutons. Il crie quelque chose au contrôle aérien. Nous perdons rapidement de l’altitude et je m’agrippe aux accoudoirs, songeant à Alice, à notre dernière conversation, à tout ce que je ne lui ai pas dit.

    Soudain, l’avion se redresse. Je ramasse les morceaux épars de mon sandwich, remets le tout dans l’emballage et le pose sur le fauteuil voisin.

    — Désolé pour les turbulences.

    — Ce n’est pas votre faute. Vous avez assuré.

    Au-dessus de Sacramento, le ciel est dégagé. Le pilote s’autorise enfin à se détendre. Nous parlons des Golden State Warriors, l’équipe de basket d’Oakland qui a remporté une incroyable série de victoires cette saison.

    — Quel jour on est ?

    — Mardi.

    Je regarde la côte familière avec soulagement et j’éprouve une gratitude disproportionnée à la vue du petit aérodrome de Half Moon Bay. L’avion atterrit en douceur. Le pilote se tourne vers moi.

    — Faites en sorte que ça ne devienne pas une habitude, OK ?

    — Je n’en ai pas l’intention.

    J’attrape mon sac et je descends. Sans couper le moteur, l’homme referme la porte, fait demi-tour et décolle.

    Au café de l’aérodrome, je commande un chocolat chaud et envoie un SMS. Il est 14 heures, en pleine semaine. Elle a sans doute dix mille rendez-vous importants, mais j’ai besoin de la voir.

    Sa réponse arrive presque aussitôt : Où es-tu ?

    HMB.

    Je pars dans 5 min.

    Il y a plus de trente kilomètres entre son bureau et Half Moon Bay. Peu après, elle m’écrit qu’elle est coincée dans les embouteillages, alors je commande du pain perdu et du bacon. La salle est vide. Une serveuse enjouée en uniforme impeccable tourne autour de ma table. Quand je paie l’addition, elle me lance : « Bonne journée, mon Ami. »

    Dehors, j’attends Alice sur un banc. Il fait froid et le brouillard arrive par vagues. Lorsque sa vieille Jaguar apparaît enfin, je suis frigorifié. Je me lève et, tandis que je m’assure n’avoir rien oublié, Alice me rejoint. Elle porte un tailleur, mais a troqué ses chaussures à talons contre des baskets pour conduire. Le brouillard dépose un voile humide sur ses cheveux noirs. Ses lèvres sont rouge sombre et je me demande si c’est pour moi qu’elle s’est maquillée. Je l’espère.

    Elle se hisse sur la pointe des pieds afin de m’embrasser. Je réalise tout à coup à quel point elle m’a manqué. Elle recule pour me regarder, puis me caresse la joue.

    — Au moins, tu es entier. Qu’est-ce qui s’est passé ?

    — Je me le demande encore, réponds-je en l’enlaçant.

    — Pourquoi est-ce qu’on t’a convoqué, alors ?

    Il y a tant de choses que je voudrais lui dire, mais j’ai peur. Plus elle en saura, plus ce sera dangereux pour elle. Et puis, inutile de se voiler la face, la vérité risque de ne pas lui plaire.

    Je donnerais n’importe quoi pour revenir en arrière, avant le mariage, avant Finnegan, avant que le Pacte ne bouleverse notre vie.

     

    Alors, tentés?

  • C'est lundi que lisez-vous? #259

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    Rendez-vous initié par Mallou qui s'est inspirée de It's Monday, What are you reading ? de One Person’s Journey Through a World of Books. Le récapitulatif des liens se fait maintenant sur le blog I believe in Pixie Dust.

     

    Il s'agit de répondre à trois questions:

    Qu'ai-je lu la semaine passée?
    Que suis-je en train de lire?
    Que lirai-je après?

     

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    La traque des anciens dieux T02 le magicien, la sorcière et la fée.jpg la bible des fées.jpg

     

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    Et vous, que lisez-vous?

  • Premières lignes #100

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente La rumeur de Elin Hilderbrand

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    On n’aimait pas les ragots. On les adorait.

    Est-ce que tu es au courant ?

    La plupart du temps, vivre à Nantucket nous réconfortait ; on avait l’impression que l’océan nous tenait au creux de sa main. Mais parfois, cette île nous pesait et nous agaçait. L’hiver était difficile à supporter. Quant au printemps, il était pire encore, parce qu’il ressemblait exactement à l’hiver, sauf pendant quelques brèves semaines.

    Que disait T.S. Eliot, déjà ? « Avril est le mois le plus cruel. »

    Les ragots se propageaient toujours de façon effrénée au printemps. Ils coulaient comme l’eau d’un ruisseau après le dégel ; ils se répandaient comme du pollen. On ne pouvait pas s’empêcher de les répéter, de la même façon qu’on ne pouvait s’empêcher de frotter nos yeux allergiques.

    Nous n’étions pas mal intentionnés, méchants ou cruels. On mourait simplement d’ennui et après une longue période sans les touristes, l’argent ou la magie de l’été, nos réservoirs étaient vides.

    De plus, on était des êtres humains, en proie à la curiosité. On avait conscience que des choses se passaient ailleurs dans le monde, qu’on décodait des génomes humains sur le campus du MIT, que les plaques tectoniques bougeaient en Californie, que Poutine faisait la guerre à l’Ukraine, mais ces événements ne retenaient pas autant notre attention que ceux qui se déroulaient sur les cent soixante-huit kilomètres carrés de notre île. On échangeait des ragots chez le coiffeur, chez l’esthéticienne, au rayon « produits frais » du supermarché, au bar du Boarding House ; on recommençait le vendredi soir pendant l’apéritif au Club de pêche, le samedi à 17 heures entre les prie-Dieu de la messe et quand on faisait la queue pour acheter le New York Times, le dimanche matin.

    Est-ce que tu es au courant ?

    Personne ne pouvait prévoir qui serait notre prochaine cible. Mais si quelqu’un nous avait dit, pendant ce mois d’avril glacial et gris, qu’on passerait le plus clair de l’été à parler de Grace et Eddie Pancik…

    … de Trevor Llewellyn et Madeline King…

    … et de Benton Coe, le célèbre paysagiste…

    … on serait sans doute restées muettes de surprise.

    Non, c’est pas vrai.

    Impossible.

    C’était les gens les plus gentils qu’on connaissait.


    Alors, tentés?