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Romans contemporains - Page 7

  • [Livre] Voici venir les rêveurs

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    Résumé : Nous sommes à l'automne 2007 à New York et Jende Jonga, un immigrant illégal d'origine camerounaise, est en passe de réaliser son rêve : après avoir été plongeur et chauffeur de taxis, il vient de décrocher un emploi de chauffeur pour Clark Edwards, riche banquier à la Lehman Brothers. Pour Jende, tout est désormais possible : il va enfin pouvoir offrir à Neni, son amoureuse, les études de pharmacienne dont elle rêve. Et surtout, pour les Jonga, le Graal est en vue : obtenir leur carte verte et devenir enfin des Américains.
    Mais rien n'est simple au pays de l'American
    Dream. Entre Jende, loyal, discret, compétent, et son patron Clark, noyé dans le travail et les difficultés de la banque se noue une vraie complicité. Les deux familles se rapprochent, mais si les Jonga sont soudés malgré l'épée de Damoclès de l'expulsion, les Edwards sont en proie à de nombreux problèmes. Pour tous, l'interminable demande d'asile des Jonga et la menace d'éclatement de la bulle des subprimes vont remettre en question leurs certitudes...

     

    Auteur : Imbolo Mbue

     

    Edition : Belfond

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 18 aout 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : J’ai beaucoup aimé l’écriture et le style de ce roman. L’histoire en elle-même : le rêve américain confronté à la réalité de la vie aux USA pour les étrangers, est vraiment bien menée.
    J’ai eu plus de problèmes avec les personnages.
    Les Edwards sont stéréotypés : lui, qui a un poste très élevé dans une banque de Wall Street, trompe son ennui et ses angoisses devant l’imminente faillite de sa société en visitant régulièrement des escorts ; elle, sous une apparence de femme comblée, se bourre de médicaments et d’alcool pour oublier que son mariage n’est qu’une mascarade.
    Quant aux Jonga, je ne sais même pas par où commencer. Déjà, je n’ai aucune compassion pour des clandestins qui pleurent parce qu’ils n’obtiennent pas les papiers en mentant aux services de l’immigration. Si Jende avait été en danger dans son pays, je pourrais le comprendre, mais il y avait un travail et une famille. La seule difficulté étant que le père de Neni refusait leur mariage parce que Jende n’était pas assez riche, et ce malgré le fait qu’il lui avait fait deux enfants.
    Ensuite, Jende est un homme qui veut les avantages de la vie aux Etats-Unis sans chercher à s’intégrer. Il veut vivre comme au Cameroun, c'est-à-dire en étant le maître absolu chez lui, sans que sa femme n’ait jamais son mot à dire. Je n’ai vraiment pas réussi à ressentir la moindre sympathie pour lui.
    En revanche j’ai bien aimé Neni. Au début elle est assez naïve, comme si le seul fait de vivre aux USA allait changer sa vie, puis elle prend conscience de la réalité, mais ça ne l’abat pas, bien au contraire. Elle a une force et une volonté incroyable. C’est dommage qu’elle ne soit pas capable de rejeter sa culture pour tenir tête à Jende parce qu’elle a beaucoup plus de pugnacité que lui.
    Malgré l’antipathie générale que j’ai ressenti pour la majorité des personnages (à part les enfants, Liomi, Mighty et Vince), j’ai quand même plongé dans le roman en ayant beaucoup de mal à en ressortir avant la dernière page.

     

    Un extrait : ON NE LUI AVAIT JAMAIS DEMANDÉ de porter un costume pour un entretien d’embauche. Jamais dit d’apporter un curriculum vitae. Une semaine plus tôt, il ne possédait d’ailleurs pas de curriculum, quand il s’était rendu à la bibliothèque à l’angle de la 34e Rue et de Madison Avenue et qu’un bénévole lui en avait rédigé un, détaillant son parcours afin de montrer qu’il était un homme aux grandes qualités : fermier responsable du labourage des terres et de la bonne santé des récoltes ; cantonnier chargé de préserver la beauté et la rutilance de la ville de Limbé ; chargé de vaisselle dans un restaurant de Manhattan, veillant à ce que les clients mangent dans des assiettes sans traces ni microbes ; taximan officiel dans le Bronx, responsable du bon acheminement des passagers.

    Il n’avait jamais eu à s’inquiéter de savoir si son profil correspondrait, si son anglais conviendrait, s’il passerait pour un homme suffisamment intelligent. Mais ce jour-là, vêtu de son costume croisé vert à fines rayures, celui-là même qu’il portait quand il avait débarqué aux États-Unis, une pensée l’obsédait : serait-il capable de faire impression sur un homme qu’il n’avait jamais rencontré ? Malgré tous ses efforts, il ne pouvait penser à autre chose qu’aux questions qu’on lui poserait, aux réponses qu’il faudrait donner, à la manière dont il devrait marcher, s’exprimer, s’asseoir, aux moments où il faudrait parler, à ceux où il faudrait écouter et acquiescer, aux choses qu’il faudrait dire ou ne pas dire, à la réponse à donner si on l’interrogeait sur son statut dans le pays. Sa gorge devint sèche. Ses mains, moites. Incapable d’attraper son mouchoir dans le métro bondé qui le conduisait dans le centre de Manhattan, il les essuya sur son pantalon.

    « Bonjour, s’il vous plaît, dit-il à l’agent de sécurité en entrant dans le hall du building Lehman Brothers. Mon nom est Jende Jonga. Je suis venu voir M. Edwards. M. Clark Edwards. »

    L’agent, bouc et taches de rousseur, lui demanda une pièce d’identité que Jende s’empressa de sortir de son portefeuille marron deux volets. L’homme s’en empara, examina le recto puis le verso, leva les yeux vers lui, les baissa vers son costume, sourit et voulut savoir s’il se présentait en tant qu’agent de change ou quelque chose comme ça.

    Jende secoua la tête.

    « Non, répondit-il sans sourire en retour. Chauffeur.

    — Ah, fit le vigile en lui tendant un passe de visiteur. Eh bien, bonne chance. »

    Cette fois, Jende sourit.

    « Merci, mon frère. Toute cette chance, je vais vraiment en avoir besoin aujourd’hui. »

     

  • [Livre] Station Eleven

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    Résumé : Une pandémie foudroyante a décimé la civilisation. Une troupe d’acteurs et de musiciens nomadise entre de petites communautés de survivants pour leur jouer du Shakespeare. Ce répertoire classique en est venu à représenter l’espoir et l’humanité au milieu des étendues dépeuplées de l’Amérique du Nord.
    Centré sur la pandémie mais s’étendant sur plusieurs décennies avant et après, Station Eleven entrelace les destinées de plusieurs personnages dont les existences ont été liées à celle d’un acteur connu, décédé sur scène la veille du cataclysme en jouant Le Roi Lear. Un mystérieux illustré, Station Eleven, étrangement prémonitoire, apparaît comme un fil conducteur entre eux…

     

    Auteur : Emily St John Mandel

     

    Edition : Rivages

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 24 aout 2016

     

    Prix moyen : 24€

     

    Mon avis : Quand on voit dans quel état me met une petite bronchite de rien du tout (et la facilité avec laquelle je chose ce genre de saleté), autant le dire, dans Station Eleven, j’aurais fait partie des premières victimes.
    L’histoire commence avec la mort sur scène d’un acteur, Arthur Leander, d’une crise cardiaque. Moins de 24h plus tard, une souche mutante de la grippe porcine, appelée grippe de Géorgie (le pays, pas l’état des USA), se propage sur le monde et décime 99% de la population.
    Vingt ans plus tard, on voit comment les survivants se sont organisés au travers d’un groupe de musiciens et d’acteurs qui se font appeler la symphonie itinérante et qui se déplacent de communautés en communauté en jouant du Shakespeare.
    Souvent bien accueillis, ils se trouvent parfois face à des groupes plus hostiles, comme une communauté à la tête de laquelle se trouve un mystérieux prophète qui fonctionne un peu comme les mormons au temps de la polygamie.
    Au fil du roman, on balance entre le passé d’Arthur Leander, le moment où l’épidémie se déclenche, et les vingt années qui suivent.
    Alors qu’il meurt plusieurs heures avant que l’épidémie se déclare, Arthur Leander devient le pivot de l’histoire, la majorité des personnages ayant eu un lien (amical, familial, professionnel) avec lui.
    Même si l’identité du prophète est supposé rester mystérieuse jusqu’à la fin, j’ai très vite deviné son identité. En cherchant les connexions possibles, ce n’était pas très compliqué.
    Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est qu’il est réaliste. Ici pas de zombies, pas de complots, juste une épidémie foudroyante et des survivants qui tentent de survivre dans un monde en ruine.
    A un moment, un des personnages pose une question très juste : « faut-il continuer à parler de l’ancien monde aux enfants ? » Au risque de les perturber ? Leur dire qu’avant il y avait l’eau courante, le chauffage, des réfrigérateurs, des fours, des supermarchés ? Qu’on ne mourrait pas parce qu’on avait marché sur un clou ? Ne vaut-il pas mieux reconstruire une société en oubliant l’ancienne ?
    Dans le cas de certains personnages, on se demande longtemps ce qu’ils sont devenus car ils semblent avoir été oubliés mais ce n’est qu’une impression : l’auteur parlera de chacun des personnages en temps et en heure.
    Sans être un coup de cœur, ce roman est un très bon roman post apocalyptique et j’ai passé un bon moment de lecture.

    Un extrait : Liste non exhaustive :

    Plus de plongeons dans des piscines d’eau chlorée éclairées en vert par en dessous. Plus de matchs de base-ball disputés à la lumière des projecteurs. Plus de luminaires extérieurs, sur les vérandas, attirant des papillons de nuit les soirs d’été. Plus de trains filant à toute allure sous la surface des métropoles, mus par la puissance impressionnante du troisième rail. Plus de villes. Plus de films, sauf rarement, sauf avec un générateur noyant la moitié des dialogues – et encore, seulement les tout premiers temps, jusqu’à ce que le fuel pour les générateurs s’épuise, parce que l’essence pour voitures s’évente au bout de deux ou trois ans. Le carburant d’aviation dure plus longtemps, mais c’était difficile de s’en procurer.

    Plus d’écrans qui brillent dans la semi-obscurité lorsque des spectateurs lèvent leurs portables au-dessus de la foule pour photographier des groupes en concert. Plus de scènes éclairées par des halogènes couleur bonbon, plus d’électro, de punk, de guitares électriques.

    Plus de produits pharmaceutiques. Plus aucune garantie de survivre à une égratignure à la main, à une morsure de chien, à une coupure qu’on s’est faite au doigt en éminçant des légumes pour le dîner.

    Plus de transports aériens. Plus de villes entrevues du ciel à travers les hublots, scintillement de lumières ; plus moyen d’imaginer, neuf mille mètres plus bas, les vies éclairées en cet instant par lesdites lumières. Plus d’avions, plus d’hôtesses vous priant de bloquer votre tablette en position relevée – non, ce n’était pas vrai : il y avait encore des avions, çà et là, cloués au sol sur des pistes d’envol et dans des hangars. La neige s’amoncelait sur leurs ailes. Les mois d’hiver, ils faisaient d’excellents garde-manger. En été, les appareils immobilisés à proximité de vergers étaient remplis de cageots de fruits qui se déshydrataient à la chaleur. Des adolescents s’y faufilaient pour faire l’amour. Des traînées de rouille zébraient les carlingues.

    Plus de pays, les frontières n’étant pas gardées.

    Plus de pompiers, plus de police. Plus d’entretien des routes ni de collecte des ordures. Plus de navettes spatiales décollant de Cap Canaveral, du cosmodrome de Baïkonour, de Vandenberg, de Plessetsk, de Tanegashima, traçant dans l’atmosphère des sillons incandescents.

    Plus d’internet. Plus de réseaux sociaux, plus moyen de faire défiler sur l’écran des litanies de rêves, d’espoirs fiévreux, des photos de déjeuners, des appels à l’aide, des expressions de satisfaction, des mises à jour sur le statut des relations amoureuses grâce à des icônes en forme de cœur – brisé ou intact –, des projets de rendez-vous, des supplications, des plaintes, des désirs, des photos de bébés déguisés en ours ou en poivrons pour Halloween. Plus moyen de lire ni de commenter les récits de la vie d’autrui et de se sentir ainsi un peu moins seul chez soi. Plus d’avatars.

     

  • [Livre] Les insatiables

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    Résumé : Dix-sept lignes – c’est tout ce que son rédacteur en chef demande à Marc Rappaport au sujet du meurtre d’une prostituée perpétré vingt-sept ans auparavant à Paris et considéré aujourd’hui comme résolu grâce à l’obtention de l’ADN du meurtrier présumé. Suivant son intuition, le journaliste cherche à en savoir davantage sur le destin de cette jeune femme. Son enquête fiévreuse le confronte aux manquements graves d’une usine chimique, responsable de la mort d’une quarantaine d’ouvriers. Des Insatiables, tout en haut de l’échelle sociale, œuvrent dans l’ombre ; les révéler expose à tous les dangers. Une fiction belle et haletante qui explore avec virtuosité les pistes politiques, économiques, historiques et émotionnelles menant au véritable meurtrier.

     

    Auteur : Gila Lustiger

     

    Edition : Actes sud

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 07 septembre 2016

     

    Prix moyen : 23€

     

    Mon avis : « Il y avait trop d’informations contradictoires. Trop de points de départ. Trop d’histoires. »

    Chapitre 24

    Cette phrase, qui commence le chapitre 24, résume parfaitement mon ressenti sur ce livre.
    Ce roman est affiché comme roman contemporain mais est davantage un polar. Le problème est, qu’étant à cheval sur deux genres, il n’arrive pas à s’intégrer à l’un d’eux.
    Il est trop centré sur la recherche d’un coupable pour être un simple roman contemporain et part trop dans tous les sens sur un problème de société pour être vraiment un polar.
    Au final, il ne trouve réellement sa place nulle part, et si l’écriture est agréable, il est difficile de conserver son intérêt pour l’histoire.
    En effet, celle-ci s’essouffle à force de trop de détails. Etait-il vraiment nécessaire d’expliquer chacune des actions des protagonistes ? Non, ce sont des paragraphes entiers qu’on finit par lire en diagonale pour enfin renouer avec le fil directeur de l’histoire.
    Les errances sentimentales du journaliste apportent-elles quoi que ce soit à l’histoire ? Non, pas même un peu de légèreté, ce qui est généralement le rôle de ces « intrigues » secondaires dans un roman au sujet un peu lourd.
    Le désir de Gila Lustiger de dénoncer la société actuelle où les bénéfices d’une minorité prime sur la sécurité même de la masse, à grand renfort de corruption et de magouille politique, était une bonne idée de sujet, mais il est mal amené. On ne sait pas bien comment on passe du meurtre d’une escort girl à un scandale politico-financier. Et arrivé à la fin du livre, on n’en sait guère davantage.
    J’aurais préféré une fin plus claire. Ici j’ai refermé le livre avec l’impression qu’il manquait un paragraphe pour clore l’histoire.

    Un extrait : La prostituée s’appelait Emilie Thevenin. Marc avait passé une bonne demi-heure à téléphoner ici et là pour dénicher une information qu’il n’était même pas certain d’utiliser. Après tout, qui voulait vraiment connaître le nom d’une pute étranglée presque trente ans auparavant ? D’autres se seraient contentés d’appeler Emilie « la victime », mais ceux-là n’avaient pas son talent.
    Elle n’avait même pas fêté ses vingt ans. Il ne savait presque rien d’elle – seulement qu’elle venait d’une petite ville de province et qu’elle était partie à Paris à dix-huit ans pour étudier l’histoire à la Sorbonne -, mais il aurait pu retracer dans les moindres détails la façon dont les choses s’étaient déroulées. Il l’imaginait, en plus de ses études, tenter de gagner sa vie comme vendeuse (ou comme serveuse). Et puis, un week-end ou un autre, dans une discothèque ou une autre, rencontrer une vieille amie. Se laisser convaincre d’essayer – Allez, rien qu’une fois, pour voir. Pas de quoi en faire toute une histoire, hein, il faut envisager les choses calmement.
    Subir les lubies d’un chef toute la sainte journée, c’est vraiment ce qu’elle veut ? Quelle idée de se tuer comme ça à la tâche pour un salaire de misère ! Où est le mal, pourquoi ne pas faire jouir quelques hommes d’affaires friqués et savourer en plus (bonus de l’escort) bons vins et bonne chère ? Elle ne va quand même pas rester vierge pour le seul et l’unique ? Ah ! Alors… - et, pour finir, se convaincre elle-même d’être fière de son choix. Non, elle n’est pas de ces femmes à la dérive qu’on force à la prostitution. Pas elle. Elle couche de son plein gré, contre un dédommagement qu’on peut qualifier de significatif. Car elle est jeune, cultivée (en première année d’histoire), française, jolie. Et si quelqu’un trouve quelque chose à y redire, c’est par mesquinerie, voilà tout. Avec un corps sans défauts, une fraîcheur et une naïveté toutes juvéniles, elle a accès au monde de l’argent facile, sans parler de la liberté de pouvoir choisir ses horaires : oui, elle peut s’y faire. El l’expérience aurait même pu durer encore un an ou deux, peut-être plus, si au mois de mai, en fin d’après-midi, Gilles Neuhart, employé de banque, ne l’avait pas étranglée. Frappée, attachée, violée, étranglée. 
    Assassinée.

     

  • [Livre] Les règles d'usage

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    Résumé : Wendy, treize ans, vit à Brooklyn. Le 11 septembre 2001, son monde est complètement chamboulé : sa mère part travailler et ne revient pas. L’espoir s’amenuise jour après jour et, à mesure que les affichettes DISPARUE se décollent, fait place à la sidération. Le lecteur suit la lente et terrible prise de conscience de Wendy et de sa famille, ainsi que leurs tentatives pour continuer à vivre. Le chemin de la jeune fille la mène bientôt en Californie chez son père biologique qu’elle connaît à peine – et idéalise. Son beau-père et son petit frère la laissent partir le coeur lourd, mais avec l’espoir que cette expérience lui sera salutaire. Assaillie par les souvenirs, Wendy est tiraillée entre cette vie inédite et son foyer new-yorkais qui lui manque. Elle délaisse les bancs de son nouveau collège et, chaque matin, part à la découverte de ce qui l’entoure, faisant d’étonnantes rencontres : une adolescente tout juste devenue mère, un libraire clairvoyant et son fils autiste, un jeune à la marge qui recherche son grand frère à travers tout le pays. Wendy lit beaucoup, découvre Le Journal d’Anne Frank et Frankie Addams, apprend à connaître son père, se lie d’amitié avec sa belle-mère éleveuse de cactus, comprend peu à peu le couple que formaient ses parents – et les raisons de leur séparation. Ces semaines californiennes la prépareront-elles à aborder la nouvelle étape de sa vie ? Retournera-t-elle à Brooklyn auprès de ceux qui l’ont vue grandir ?

     

    Auteur : Joyce Maynard

     

    Edition : Philippe Rey

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 01 septembre 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Au début du roman, j’ai été très gênée dans ma lecture par le non respect des règles typographiques du dialogue. Il est difficile de distinguer les dialogues du récit et ça a considérablement ralenti ma lecture, même quand je m’y suis un peu habitué.
    C’est un point qui fera que je ne relirais pas ce roman et que je ne le conseillerais qu’avec quelques réserves et en mettant bien en garde de cette construction difficile.
    J’ai beaucoup aimé Josh et Carolyn. Les « pièces rapportées » de la famille sont aussi celles qui sont les plus attachantes.
    Garrett, le père de Wendy, reste un peu insouciant, même s’il semble s’être amélioré depuis l’époque où il était avec son ex femme.
    Pour Janet, c’est plus difficile, car on ne la connaît qu’à travers les souvenirs qu’en a Wendy. Et avec la culpabilité qu’elle ressent de ne pas avoir dit au revoir à sa mère ce matin là, elle a tendance à revoir leurs disputes plus que leurs bons moments. Ainsi on voit une femme qui m’a parut amère et vindicative, désireuse de voir sa fille en vouloir à son père autant qu’elle-même lui en veut. A chaque fois que Wendy repense aux moments où sa mère et elle parlaient de son père, elle se souvient de la hargne de Janet à l’encontre de Garrett.
    Kate, après la mort de Janet, se fait un peu le relais de cette colère. Et, alors que Josh décide de laisser partir Wendy, parce qu’il se dit qu’elle a peut être besoin de faire cette expérience pour surmonter la perte de sa mère, elle n’hésite pas à culpabiliser l’adolescente. J’ai trouvé qu’elle était un peu intrusive. Le fait d’avoir été la meilleure amie de Janet ne lui donne aucun droit de regard sur la vie de Wendy.
    Garrett a été agaçant au début. Cette manière de débarquer après plusieurs années d’absence pour récupérer sa fille en occultant presque l’existence de Josh et de Louis, le petit frère, en disant qu’il ne lui reste que lui, est particulièrement énervante, parce que Josh était là, lui, pendant tout ce temps où Garrett était absent. Mais on se rend vite compte que c’est plus de la maladresse qu’autre chose et son attitude, par la suite, le rachète largement à mes yeux.
    On croise beaucoup de personnages, Violet, Todd, Alan… qui vont aider Wendy à se reconstruire, chacun à leur niveau.
    L’auteur a réussi à nous faire ressentir toute l’angoisse de l’attente insupportable, le chagrin, le refus de regarder la réalité en face, que beaucoup de famille des victimes du 11 septembre ont du ressentir. Le fait que, n’ayant pas de corps à enterrer, certaines personnes ont eu du mal à faire leur deuil car, comment ne pas garder un infime espoir ?
    Le roman montre la reconstruction de Wendy, on la voit grandir aussi, pas seulement en âge, car il se déroule sur moins d’une année, mais aussi mentalement. Elle grandit, elle mûrit, elle avance, coûte que coûte.
    Pour moi, il n’y avait pas de « bonne » fin. Que Wendy décide de rester en Californie avec son père et Carolyn, ou de rentrer à New York avec Josh et Louis, dans un certain sens, une des parties sera toujours lésée. Que ce soit sa famille et ses amis en Californie ou son autre famille et ses autres amis à New York, elle manquera cruellement à quelqu’un. D’autant plus qu’il ne s’agit pas là seulement de vivre dans une ville ou une autre, mais dans l’un ou l’autre d’Etats qui ne peuvent pas être plus éloignés.
    Finalement, Wendy va devoir faire preuve d’un peu d’égoïsme, et choisir ce qui est le mieux pour elle.

    Même si Joyce Maynard nous offre un roman résolument optimiste, puisqu’il est question avant tout de reconstruction, j’ai été au bord des larmes pendant la majorité du roman, parce que, même si je ne suis pas américaine, que je n’étais pas à New York le 11 septembre et que je n’ai perdu personne dans la catastrophe, l’auteur nous a fait ressentir toutes ses émotions, presque comme si on y était. Mais seulement presque, heureusement.

     

    Un extrait : Plus tard, Wendy se repasserait ce matin-là pour tenter d’en graver le moindre détail dans sa mémoire. Elle n’oublierait jamais l’odeur du beurre chaud dans la poêle, ni la voix de Josh qui accompagnait Madonna. Ni le soleil doré qui tombait sur le toit de l’église de l’autre côté de la rue, en face de leur appartement, ni la femme qui était montée dans le bus à la même station qu’elle et déblatérait sur la liaison amoureuse d’un représentant du Congrès américain. Elle avait dû refaire trois fois la combinaison de son casier avant de réussir à en ouvrir le verrou. Le chef d’orchestre lui avait lancé : Je parie que tu es la seule clarinettiste à avoir travaillé ton instrument cet été, ce qui était vrai.
    Elle établirait la liste de tous les trucs qu’elle était prête à faire – se couper les cheveux, se couper un bras, les deux jambes, prendre vingt-cinq, cent kilos, ne jamais rencontrer quelqu’un qui tombe amoureux d’elle pour la vie, se mettre nue devant toute la classe en cours d’EPS – si seulement elle pouvait retourner en arrière.
    Pause, aimait dire Louis quand il se levait du canapé pour aller aux toilettes ou prendre un cookie et qu’il ne voulait pas qu’on fasse quoi que ce soit avant son retour. Rembobine, ordonnait-il quand il revenait en courant dans la pièce et croyait que le film avait continué sans lui. Parfois ils regardaient une vidéo, mais il le disait aussi quand on lui lisait un livre, quand ils jouaient au jeu des sept familles ou aux dames. Il pensait qu’on pouvait arrêter le temps dans la vraie vie comme dans les vidéos.
    Si on ne pouvait pas rembobiner, alors on se mettait sur pause. On s’immobilisait pour toujours à cet instant sans jamais passer au suivant, et c’était encore un million de fois plus supportable que ce qui arrivait quand on laissait tourner.

    Plus tard, elle reconstituerait ce qu’elle était en train de faire à la seconde exacte où c’était arrivé. Elle s’approchait du taille-crayon près du bureau de la classe et se demandait en aiguisant sa mine si les autres la trouvaient grosse. Griffonnait au dos de son cahier de textes une fille en combinaison orange style manga japonais avec une coupe punk et un ghetto-blaster sur l’épaule, un dessin qu’elle ne finirait jamais. Entrouvrait son classeur pour jeter un nouveau regard à la photo de la cabane aux cactus que son père lui avait envoyée. Les belles-de-jour, le pick-up vert funky et son papa adoré serrant le chiot contre sa poitrine.

    Je parie qu’ils ont encore déréglé la sonnerie car elle aurait dû déjà retentir, leur dit Mrs Volt. Si elle n’a pas encore sonné dans une ou deux minutes, je vais vous envoyer à votre premier cours.
    A cet instant précis, la voix du principal résonna dans le haut-parleur.
    Je vous prie tous de garder votre calme. Nous cherchons encore des informations. Il y a eu un accident.

     

  • [Livre] Tropique de la violence

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    Résumé : «Ne t’endors pas, ne te repose pas, ne ferme pas les yeux, ce n’est pas terminé. Ils te cherchent. Tu entends ce bruit, on dirait le roulement des barriques vides, on dirait le tonnerre en janvier mais tu te trompes si tu crois que c’est ça. Écoute mon pays qui gronde, écoute la colère qui rampe et qui rappe jusqu’à nous. Tu entends cette musique, tu sens la braise contre ton visage balafré? Ils viennent pour toi.»

    Tropique de la violence est une plongée dans l’enfer d’une jeunesse livrée à elle-même sur l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien.

     

    Auteur : Nathacha Appanah

     

    Edition : Gallimard

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 25 août 2016

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : Que dire sur ce livre ? Le texte en lui-même est bien écrit même si j’ai été gênée par les énumérations sans virgules. Je suppose que c’est pour donner un sentiment d’urgence dans ces énumérations mais je n’ai pas réussi à dépasser le fait que quand on énonce ainsi plusieurs choses, on doit les séparer par une virgule. Sans, le texte m’a parut incorrect.
    Le fait que le texte se raconte à 5 ou 6 voix m’a empêchée de ressentir de l’empathie pour les personnages. Marie est l’origine de l’histoire, si l’on peut dire, mais sans plus. Olivier et Stéphane n’ont pas de réelle utilité.

    Reste Moïse et Bruce.
    Bruce n’a aucune excuse. Il a beau nous raconter son enfance pour expliquer son présent, ça n’explique rien en fait. Il a eu une enfance normale, des parents qui voulaient l’envoyer à l’école, qui était prêts à lui faire intégrer une école spécialisé quand il a été clair qu’il n’était pas capable de suivre une scolarité normale. Ce qu’il est devenu ne relève que de ses choix. Mais la racaille se cherche toujours des excuses pour ne pas être responsables de leurs actes.
    La seule chose que je ne comprends pas, c’est qu’il n’ait pas été mis hors d’état de nuire plus tôt.
    Il est impossible de ressentir la moindre empathie pour lui quand on voit son attitude, son arrogance, la violence dont il fait preuve malgré son âge, sa cruauté… tout en lui rebute et donne envie de le voir disparaître.

    Moïse est le personnage principal. Il a été plus marqué par le destin que Bruce, d’abord abandonné par sa mère à cause de ses yeux vairons, suivi de ce qu’il peut ressentir comme un abandon de la part de Marie.
    Mais personne ne l’a jeté dehors, personne ne l’a poussé à aller rejoindre les clandestins, et toute la racaille de Mayotte.
    Je comprends qu’il ait été en pleine crise d’identité et qu’il ait rejeté sa mère. Cela arrive à beaucoup d’enfants adoptés et le cas de Moïse est particulier. Mais le choix qu’il fait est impardonnable en plus d’être incompréhensible.
    Au final, malgré une écriture plaisante, j’ai trouvé le roman brouillon dans son déroulé, je me suis ennuyée et je n’ai pas réussi à m’intéresser aux personnages qui semblent n’avoir aucun bon côté.
    J’ai juste à une ou deux reprises ressentie une grande colère contre l’administration et la police qui laissent un quartier comme « Gaza » se développer.
    Un livre dont je me demande encore qu’elle était la finalité.

     

    Un extrait : J’ai bientôt trente-trois ans et ce soir-là, le 3 mai, je travaille. Il pleut à verse depuis plusieurs jours, il n’y a pas grand monde et je suis dans la salle des infirmières, seule, à lire. Je n’ai plus d’amis, je ne vois plus ceux qui me connaissaient quand j’étais avec Cham. De toute façon, je n’ai plus envie de ces choses-là, les soirées au clair de lune, les bavardages sur le pays, sur la misère, sur la décrépitude. Il n’y a que Patrick, l’aide-soignant, qui m’adresse encore la parole. Parfois quand je le vois avec sa chemise à fleurs, son ventre en goutte d’huile, quand je surprends son regard de chasseur sur les jeunes femmes noires, j’essaie d’imaginer le Patrick qui est arrivé à Mayotte il y a quinze ans avec femme et enfants. Avait-il cette odeur de cigarette, de sueur et d’eau de Cologne sur lui, avait-il déjà fermé son cœur et sa tête, imaginait-il passer ses vendredis soir à la discothèque Ninga, assis comme un nabab, entouré de jeunes Comoriennes et Malgaches qui se parfument le sexe au déodorant ?
    Avait-il au moins essayé de résister ou avait-il tout envoyé balader quand il avait compris le pouvoir qu’a un homme blanc ici ? Mais je ne le juge pas, ce pays nous broie, ce pays fait de nous des êtres malfaisants, ce pays nous enferme entre ses tenailles et nous ne pouvons plus partir.


     

  • [Livre] La vieille dame qui avait vécu dans les nuages

     

    Je remercie Babelio et les éditions Harper Collins pour cette lecture

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    Résumé : A 87 ans, Mary Browning sent que le temps est venu pour elle de raconter son histoire et les secrets qu’elle garde enfouis depuis de si longues années. En fait, depuis le jour où un parachutiste est tombé dans le jardin de ses parents, faisant éclore son rêve : devenir aviatrice. Cette passion, Mary l’a vécue intensément, à chaque seconde de sa vie. Mais, en retour, elle a payé le prix fort, allant jusqu’à renier ses origines juives et sa famille pour suivre son destin.

    A qui confier et transmettre le récit de ce qui fut à la fois son feu sacré et sa grande faute ? La réponse arrive en la personne d’une très jeune fille. En elle, Mary croit retrouver les traits de Sarah, sa sœur adorée qu’elle a dû abandonner. Un signe du destin qui marque le début d’une amitié aussi belle qu’improbable, faite de confidences et de récits extraordinaires jusqu’à l’émouvante révélation finale...

     

    Auteur : Maggie Leffler

     

    Edition : Harper Collins

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 02 novembre 2016

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : J’ai eu un immense coup de cœur pour ce livre qui sort début novembre.
    La structure du roman m’a rappelé celle du train des orphelins avec Christina Baker Kline : Deux voix, une vieille femme et une adolescente, deux vies parallèles, un passage de l’histoire américaine peu connu (les trains d’orphelins dans le livre de Christine Baker Kline et le WASP ou
    Women Airforce Service Pilots dans ce roman)…
    Du coté de Mary Browning, on voit sa vie actuelle, alors qu’elle est âgée de 87 ans et on voit également ce qu’a été sa vie, sa vie d’aviatrice sous la seconde guerre mondiale. Les parties concernant Elyse Strickler nous permettent de reprendre notre souffle dans l’histoire de Mary et de la rattacher au présent.

    On découvre la vie de Mary au travers de ses mémoires que tape Elyse. L’adolescente, fragilisée par une situation familiale difficile, trouve en la vieille dame une confidente, quelqu’un à qui elle peut tout dire sans être jugée et sans que cela ne revienne aux oreilles de sa mère.
    Dans le train des orphelins, les deux protagonistes étaient liées par leur statut d’orphelines, ici elles sont liées, même sans le savoir, par leurs mères.
    Que ce soit la mère de Mary ou la mère d’Elyse, les deux sont des femmes négatives, qui semblent ne pas supporter que quiconque autour d’elles soient heureux. Elles sont toutes les deux, à des niveaux différents, et l’exprimant de manière différentes, aigries et méchante, refusant de voir leur enfants évoluer et voler de leurs propres ailes. Cependant la mère d’Elyse semble capable de se remettre en question, ce que n’a pas fait celle de Mary.
    Dans la période se déroulant pendant la guerre, on assiste à l’apprentissage du pilotage de Mary et ses amies. Le programme est constamment remis en question tant les hommes sont réticents à laisser des femmes faire un travail qu’ils considèrent leur être réservé. Et il ne s’agit pas uniquement de mauvaise volonté, de mise à l’écart etc… les avions qu’elles pilotent sont sabotés, leurs vies mises en danger parce que ces messieurs sont atteints dans leur orgueil et leur virilité. C’est lamentable.
    Dès les première pages, on sait que Miriam (Miri) Lichtenstein et Mary Browning sont une seule et même personne. On va découvrir au fil des pages le pourquoi du comment de ce changement de nom et ses conséquences. Mary a du faire des choix difficiles dans sa vie, celui-ci en est un parmi d’autres.
    Au fur et à mesure du texte, on découvre certains éléments. Celui concernant Dave, le fils de Mary m’a surprise, je ne m’attendais pas à ça. La « révélation finale » annoncée par le résumé, elle, ne m’a pas surprise. Je m’y attendais depuis la fin du premier tiers du livre. Mais avoir deviné cette révélation ne m’a pas dérangée, au contraire, j’attendais avec une impatience encore plus grande que les personnages la découvrent également pour voir leurs réactions.
    C’est un roman dans lequel les émotions de bousculent, un roman qu’on peut difficilement lâcher quand on l’a commencé.

    Un extrait : Le jour de mon quatre-vingt-septième anniversaire, je vis Sarah, ma sœur, entrer dans la salle de réunion de la bibliothèque Carnegie. Pour une raison mystérieuse, c’était encore une jeune fille d’une quinzaine d’années, et une tresse de cheveux blond pâle lui pendait dans le dos, comme à l’époque où elle escaladait l’arbre dans le jardin, et me jetait des pommes, à moi qui restais en bas sur la terre ferme. Bien sûr, je compris que cette adolescente ne pouvait pas vraiment être ma sœur. Peut-être cette vision de Sarah était-elle un des multiples effets secondaires de l’âge. Après tout, plus je vieillissais, plus les gens que je rencontrais me rappelaient quelqu’un que j’avais aimé dans le passé. Je ne me doutais pas que cette jeune fille à la natte risquait de tout changer.
    La journée avait débuté comme toutes les autres, bien que ce fût mon anniversaire. Lorsque mon médecin avait appelé pour me communiquer les résultats de ma récente ostéodensitométrie, ce petit geste d’humanité m’avait touchée malgré l’objet de l’appel.
    - Alors c’est officiel, vous m’annoncez que je suis une petite vieille qui rapetisse, lui dis-je
    Elle rit, puis me refila de nouveaux comprimés – contre l’ostéoporose ceux-là – qui pouvaient à la fois éviter une fracture à la hanche et provoquer une cécité soudaine et irréversible chez certains sujets sensibles.
    - Honnêtement, à l’âge que j’ai, je veux bien me fracturer la hanche, du moment que j’y reste.
    - Seriez-vous déprimée, madame Browning ?

    Elle ne plaisantait pas, la chère créature. C’est pourquoi je mentis un peu en répondant à cette jeune doctoresse qui devait avoir la moitié de l’âge de Dave, mon fils :
    - Mon petit, tout comme les jeunes gens attendent avec impatience leur anniversaire, je ne peux m’empêcher de me demander à quoi ressemblera ma mort. Vous pouvez peut-être vous offrir le luxe de penser à autre chose, mais moi, la mort est le prochain grand événement qui m’attend.
    Elle se tut et j’attendis qu’elle termine de consigner notre conversation sur son satané ordinateur, tout en guettant le moment où elle changerait de voix en s’apercevant qu’elle m’appelait le jour de mon anniversaire.
    - Avez-vous des idées suicidaires, madame Browning ?
    C’était si loin des vœux auxquels je m’attendais que je me mis à rire. A mes dépens. Je la rassurai : je n’avais pas la moindre intention de me priver de la surprise de la mort.

     

  • [Livre] Le dernier des nôtres

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    Résumé : « La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue… » Cette jeune femme qui descend l’escalier d’un restaurant de Manhattan, élégante, rieuse, assurée, c’est Rebecca Lynch. Werner Zilch, qui l’observe, ne sait pas encore que la jeune artiste est aussi une richissime héritière. Werner n’a pour lui que ses yeux bleus délavés. Son nom étrange. Et une énergie folle : enfant adopté par un couple de la classe moyenne, il rêve de conquérir New-York avec son ami Marcus.

    Werner poursuit Rebecca, se donne à elle, la prend : leur amour fou les conduit dans la ville en pleine effervescence au temps de Warhol, Patti Smith et Bob Dylan… Jusqu’au jour où Werner est présenté à la mère de Rebecca, Judith, qui s’effondre en voyant son visage. Ainsi se rouvre le dossier douloureux des origines de Werner. Qui Judith a-t-elle reconnue dans ces traits blonds et ces yeux presque gris ? Quels souvenirs hideux cache-t-elle sous ses bracelets d’or ?

     

    Auteur : Adélaïde De Clermont-Tonnerre

     

    Edition : Grasset

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 17 Août 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Je ressors de ma lecture un peu mitigée.
    J’ai beaucoup aimé l’alternance entre les deux époques 1945 et 1969 et le lien qui les relient et qui va au-delà du personnage de Werner. Le fait que 1945 soit raconté à la troisième personne et que 1969 le soit à la première personne du point de vue de Werner nous permet de savoir immédiatement à quel moment du récit on se trouve, même si on n’a pas fait attention à la mention de la date en début de chapitre (cela dit, même si j’apprécie que l’auteur distingue ainsi les deux périodes, il est difficile de les confondre).

    Concernant les personnages, je n’ai pas réussi à m’y attacher et pour moi c’est un vrai problème dans un livre.
    J’ai déjà lu des livres dans lequel le personnage principal était antipathique, mais soit son caractère était nécessaire à l’histoire, soit il était contrebalancé par des personnages secondaires plus attachants.
    Ici, non seulement les caractères abominables de la plupart des personnages n’apportent rien à l’histoire, mais il y a une caricature systématique des personnages. A l’exception de Marcus, l’associé et ami de Werner, qui, bien qu’il soit toujours là, n’est qu’un personnage secondaire, et de quelques personnages sans grande importance, on a vraiment le sentiment qu’il n’y a rien de bon chez les protagonistes. L’un est égoïste, arrogant et possessif, l’autre odieux, la troisième une enfant gâtée qui se fiche des conséquences de son comportement…
    Je ne vais pas aller jusqu’à dire que ces personnages à dominante négative m’ont empêché de me plonger dans l’histoire, mais, ne ressentant pas d’empathie à leur égard, j’ai été plutôt indifférente quant à la réalisation de leur quête. Je me fichais un peu qu’ils découvrent ou non la vérité, d’autant plus que cette vérité, je l’ai vu arriver comme un camion près de 200 pages avant qu’elle ne soit enfin révélée. Alors pour l’effet de surprise…
    De surprise, il y en a effectivement une, dans les derniers chapitres, mais une surprise sur 496 pages, c’est trop peu pour moi.
    Au final j’ai beaucoup apprécié les parties se déroulant en 1945, tout ce qui entoure la fin de la guerre ; un peu moins les parties 1969 que j’ai trouvé trop centré sur le côté « je t’aime moi non plus » de la relation entre Werner et Rebecca.
    L’histoire est un peu lente à démarrer, mais le livre reste difficile à lâcher malgré tout.
    On peut dire que c’est un roman assez addictif, mais le manque d’attachement que suscitent les personnages fait qu’il ne restera pas gravé dans ma mémoire.

    Un extrait : Nous déjeunions avec Marcus au rez-de-chaussée de cette trattoria de SoHo. Nous y venions presque tous les jours. Le patron accueillait Shakespeare, mon chien, comme une divinité. Il lui préparait de généreuses gamelles. C’était précieux car Shakespeare en effrayait plus d’un. Dressé sur ses pattes arrière, il atteignait le mètre quatre-vingts. Sa fourrure d’ours beige et feu ne faisait pas oublier sa gueule qui, s’il n’avait eu si bon caractère, aurait pu régler son compte à un homme en quelques secondes. Je me penchais avec appétit sur mes spaghettis al pesto, lorsque la cheville qui allait changer ma vision des femmes apparut sur les tomettes de l’escalier. Elle capta immédiatement mon attention. Sa propriétaire, qui descendait de la salle au premier étage, marqua une pause. Elle parlait à quelqu’un. Je mis un certain temps à isoler sa voix, moqueuse, dans le brouhaha des discussions et des bruits de couverts. Ses pieds pivotèrent légèrement. J’admirai ses orteils enfantins aux ongles brillants. Elle continuait à parler d’une voix insistante. Elle voulait déjeuner en bas. En haut la salle était presque vide. Il n’y avait personne, c’était triste. Une voix d’homme, dont j’apercevais les mocassins marron, protestait. C’était plus calme en haut. Le pied gauche de la fille descendit une marche, dévoila le début d’un mollet. Il remonta, descendit à nouveau, et enfin s’engagea. A mesure qu’elle se révélait, je caressais du regard la ligne fine de ses tibias, ses genoux, le début de ses cuisses que creuse cette diagonale du muscle qui m’affole chez une femme. La peau à peine dorée, d’une perfection irréelle, disparaissait ensuite sous la corolle d’une étoffe bleue. Une ceinture mettait en valeur sa taille où j’aurais voulu d’emblée ancrer mes mains. Son chemisier sans manches laissait voir des bras d’une fraîcheur ronde, appétissante. Plus haut, dans l’échancrure, émergeait un cou élégant que j’aurais pu briser d’une main. Elle dévala les trois dernières marches en riant. Une lumière entra avec elle dans la pièce, celle de ses cheveux. Elle traînait par la cravate un homme d’une quarantaine d’années, habillé d’un pantalon beige et d’un blazer bleu marine à pochette jaune. Tiré par le col, rouge et très contrarié, il tentait de la suivre sans tomber. Elle lui rendit sa liberté en laissant filer la cravate entre ses doigts presque transparents de finesse puis s’exclama :

    « Ernie, tu es assommant ! »

    Je l’observais avec une telle attention qu’alertée par un instinct animal, elle croisa mon regard et s’immobilisa une fraction de seconde. Dès qu’elle tourna ses yeux insolents vers moi, je sus que cette fille me plaisait plus que toutes celles que j’avais pu connaître ou simplement désirer. J’eus l’impression qu’une lave coulait en moi, mais la jeune femme ne sembla pas troublée, ou, si elle le fut, mon étincelante créature avait suffisamment de retenue pour ne pas le montrer. Le type au blazer s’agaça de l’intérêt que je lui portais. Il me dévisagea d’un air irrité. Instantanément, mon corps se tendit. J’étais prêt à me battre. Il n’avait rien à faire dans ce restaurant. Il ne méritait pas cette déesse. Je voulais qu’il me la laisse et qu’il foute le camp. Je lui adressai un sourire narquois, espérant qu’il viendrait me provoquer, mais Ernie était un pleutre. Il détourna les yeux. Ma beauté fit une volte-face gracieuse lorsque le serveur, aussi ébloui que moi, lui indiqua leur table. Il écartait les chaises sur son passage, tandis qu’elle avançait, tête légèrement baissée, avec cet air modeste des filles qui se savent admirées.

     

  • [Livre] Le chagrin des vivants

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

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    Résumé : Durant les cinq premiers jours de novembre 1920, l’Angleterre attend l’arrivée du Soldat inconnu, rapatrié depuis la France. Alors que le pays est en deuil et que tant d’hommes ont disparu, cette cérémonie d’hommage est bien plus qu’un simple symbole, elle recueille la peine d’une nation entière. 
    À Londres, trois femmes vont vivre ces journées à leur manière. Evelyn, dont le fiancé a été tué et qui travaille au bureau des pensions de l’armée ; Ada, qui ne cesse d’apercevoir son fils pourtant tombé au front ; et Hettie, qui accompagne tous les soirs d’anciens soldats sur la piste du Hammer-Smith Palais pour six pence la danse. 
    Dans une ville peuplée d’hommes incapables de retrouver leur place au sein d’une société qui ne les comprend pas, rongés par les horreurs vécues, souvent mutiques, ces femmes cherchent l’équilibre entre la mémoire et la vie. Et lorsque les langues se délient, les cœurs s’apaisent.

     

    Auteur : Anna Hope

     

    Edition : Gallimard

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 25 janvier 2016

     

    Prix moyen : 23€

     

    Mon avis : Bien que ce ne soit pas un coup de cœur, j’ai beaucoup apprécié cette lecture.
    On va suivre trois femmes : Ada, la cinquantaine, qui a perdu son fils au front, dans des circonstances qu’elle ignore, ce qui la ronge. N’ayant pas reçu de lettre personnalisée lui racontant les derniers instants de son fils et le lieu où il a été enterré, elle refuse d’accepter sa mort et le voit sans arrêt, à tous les coins de rue, délaissant son époux, jack, qui semble vivre plus mal les réactions de sa femme que la perte de son fils.
    Evelyn, la trentaine, fille de bonne famille, qui rejette les siens et leur mode de vie depuis que son fiancé a été tué en France. Elle est amère et sèche envers les siens, distante et hautaine envers les soldats qu’elle croise au bureau des pensions où elle travaille. Elle cherche à comprendre ce qui a changé son frère, qui est revenu indemne, du moins physiquement, du front.
    Enfin, il y a Henrietta « Hettie ». Elle est danseuse de compagnie pour 6 pences la danse et doit verser la moitié de son salaire à sa mère, vu que son frère, traumatisé, ne cherche pas de travail et que son père est mort de maladie. Elle semble étouffer dans sa vie, elle supporte mal de se voir dépouiller de son salaire, de ne rien pouvoir s’acheter et étouffe avec une mère qui voudrait qu’Hettie soit aussi terne et résignée qu’elle. Mais difficile de demander à une jeune fille de 19 ans de renoncer à la vie.
    A l’exception de Hettie, j’ai toutefois eu du mal à m’attacher aux personnages. Evelyn m’est apparue trop distante et Ada trop peu présente.
    Ces trois femmes ne se sont jamais vues, ne se connaissent pas, et pourtant, sans le savoir, leur vie sont liées, par le biais de certaines de leurs relations (que ce soit un frère, un prétendant…).
    La guerre est omniprésente, bien qu’elle soit terminée depuis environ 2 ans. Parce qu’il y a le souvenir des morts, certes, mais il y a surtout ceux qui sont revenus : mutilés, changés profondément, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Ces personnes-là oscillent entre mépris envers celles qui, selon eux ne peuvent pas comprendre ce qu’ils ont vécu, souhait de se réintégrer à une société qu’ils dérangent, désir de trouver enfin la paix…
    L’histoire se déroule sur 5 jours et a pour toile de fond le rapatriement du « soldat inconnu » qui doit devenir le symbole de tous les disparus de la guerre, ceux sur la tombe desquels les familles ne pourront jamais se recueillir.
    A travers le déroulement de la vie d’Ada, Hettie et Evelyn sur ces cinq jours, on peut voir à quel point la guerre a un impact sur ceux qui ne l’ont pas vécu en première ligne. En dehors du black-out et des risques de bombardements, il y a l’inconnu que vivent les êtres aimés qui sont au front et qu’on ne peut qu’imaginer, l’incertitude, l’incompréhension, les lettres type annonçant le pire mais si impersonnelles qu’elles ne permettent pas de faire son deuil…
    Les récits concernant les trois femmes s’alternent assez rapidement, on ne reste pas centré sur l’une d’elle pendant des pages et des pages avant de passer à la suivante. Cela accentue le fait que le roman s’étale sur un délai assez court et que les évènements vécus par les trois femmes se déroulent en parallèle les uns des autres.
    Régulièrement, on suit le trajet du soldat inconnu, depuis la tombe anonyme à laquelle il a été arraché jusqu’à son arrivée pour la cérémonie à Londres où on espère qu’il aidera le pays à faire son deuil.

    C’est un roman très touchant, et j’ai beaucoup aimé, même s’il a manqué la petite étincelle, le petit je-ne-sais-quoi qui fait d’un livre un coup de cœur.

    Un extrait : Hettie frotte sa manche contre la vitre embuée du taxi et scrute au-dehors. Elle ne discerne pas grand-chose, en tout cas rien qui ressemble à un night-club, seulement des rues vides et obscurcies. Jamais on n’aurait cru qu’elles ne se trouvaient qu’à quelques secondes de Leicester Square.

    « Là, s’il vous plaît, lance Di au chauffeur, penchée en avant.

    — Ça fera une livre, alors. »

    Il allume son enseigne lumineuse, le moteur ronronne.

    Hettie donne sa contribution de dix shillings. Un tiers de sa paie. Son estomac se serre quand l’argent est passé à l’avant. Mais le taxi n’est pas un luxe, pas à cette heure-là : les bus ne roulent plus et le métro est fermé.

    « Ça les vaudra, murmure Di alors qu’elles s’extirpent de la voiture. Promis. Je le jure sur ma vie. »

    Le taxi s’éloigne et leurs mains se cherchent dans la descente d’une ruelle sans éclairage, leurs chaussures de danse crissant sur le gravier et le verre. Malgré le froid, un îlot de transpiration se forme au creux des reins de Hettie. Il doit être une heure bien tassée, elle n’est jamais sortie aussi tard. Elle pense à sa mère et à son frère, qui dorment à poings fermés à Hammersmith. Dans quelques petites heures, ils se lèveront pour aller à l’église.

    « Ce doit être ça. »

    Di s’est arrêtée devant une vieille maison à trois étages. Aucune lumière ne filtre à travers les volets clos et seule une petite ampoule bleue éclaire la porte.

    « Tu es sûre ? demande Hettie, dont la respiration se condense dans l’air glacial.

    — Regarde. »

    Di désigne une petite plaque clouée au mur. Ce panneau est très ordinaire, ce pourrait même être celui d’un médecin ou d’un dentiste. Mais il y a un nom là, gravé dans le bronze : DALTON’S No 62.

    Dalton’s.

    Night-club légendaire.

    Tellement légendaire que d’aucuns disent qu’il n’existe pas.

    « Prête ? »

    Di décoche un sourire grivois fugitif, puis lève la main et frappe. Un panneau coulisse. Deux yeux pâles dans un rectangle de lumière.

    « Oui ?

    — J’ai rendez-vous avec Humphrey », répond Di.

    Elle prend sa voix distinguée. Derrière elle, Hettie est submergée par l’envie de rire. Mais la porte s’ouvre. Elles doivent se mettre de profil pour entrer. De l’autre côté il y a un hall exigu, à peine plus grand qu’un placard, où un jeune portier se tient derrière un haut bureau en bois. Son regard glisse sur Hettie, vêtue de son manteau marron et de son béret écossais, mais s’attarde sur Di, avec ses yeux sombres et les pointes coupées de ses cheveux qui dépassent tout juste de son chapeau. Di a cette façon particulière de regarder en coin vers le bas, avant de remonter lentement. Cela pousse les hommes à la dévisager. Elle le fait à présent. Hettie voit les yeux du portier s’agrandir, pareils à ceux d’un poisson à l’hameçon.

    « Il faut signer le registre, finit-il par dire en désignant un grand livre ouvert à plat devant lui.

    — Sûr. »

    Di retire un gant, se penche et signe d’un grand geste exercé.

    « À toi », lance-t-elle en tendant le stylo à Hettie.

    Du niveau inférieur leur parvient la pulsation de la musique : une trompette grisante. Une femme pousse un cri de joie. Hettie sent son cœur : poum poum poum. Sur la signature de Di, laquelle a débordé de son cadre sur la ligne en dessous, l’encre brille. À son tour Hettie retire son gant et griffonne son nom : Henrietta Burns.

    « Bien, allez-y. »

    L’homme recule le registre en désignant derrière lui l’escalier plongé dans l’obscurité.

    Di passe en premier. Les vieilles marches grincent et alors que Hettie tend le bras pour se stabiliser, elle sent sous ses doigts des écaillures de mur humides. Ce n’est pas ce qu’elle s’était imaginé : cela n’a rien à voir avec le Palais, où le prestige fait devanture. Jamais on ne croirait que ce vieil escalier moisi mène où que ce soit d’intéressant. Cependant à présent elle entend distinctement la musique, des gens qui parlent, le bruit rapide des pieds sur le sol, et comme elles atteignent le bas des marches, une vague de panique menace de la balayer.

    « Tu vas rester près de moi, n’est-ce pas ? s’inquiète-t-elle en attrapant le bras de Di.

    — Sûr. »

    Di lui attrape la main, la serre, puis ouvre la porte.

     

  • [Livre] Abraham et fils

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

     

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    Résumé : Printemps 1963. Sur la Grand-Place de Tilliers-en-Beauce, une Dauphine jaune se gare à l'ombre du monument aux morts. Ses passagers reviennent de loin. Abraham est médecin et il cherche du travail. Son fils Franz n'a pas dix ans et aucun souvenir de leur vie passée. Bientôt, ils emménagent dans une maison trop grande pour eux. Ensemble et séparément, ils vont découvrir la France du Général, de la télévision d'État, du Canard Enchaîné, des commémorations et des secrets empoussiérés.

     

    Auteur : Martin Winckler

     

    Edition : POL

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 11 février 2016

     

    Prix moyen : 23€

     

    Mon avis : Le bon point de ce livre, c’est l’écriture. C’est le genre d’écriture qui fait que l’on ne peut pas poser le livre, même si on n’accroche pas vraiment à l’histoire.
    La narration alterne entre le point de vue de Franz, fils d’Abraham, amnésique depuis « l’accident » qui semble avoir couté la vie à sa mère, récit à la première personne, et le point de vue d’un narrateur quasi omniscient, dont on ne découvrira l’identité qu’à la fin du livre. Ce récit là est à la troisième personne.
    Les personnages principaux sont attachants, que ce soit Abraham qui couve son fils à l’extrême, Franz et sa passion de la lecture, Claire et sa fille Lucianne, qui viennent compléter la petite famille.
    En fait, les personnages secondaires sont, dans leur grande majorité, assez sympathiques aussi, excepté Gérald, le camarade de classe de Franz, une petite brute, et l’étrange homme qui parle à plusieurs reprise au jeune garçon, mais dont on ne sait rien.
    L’histoire se passe juste après la guerre d’Algérie, ce qui fait que, que ce soit entre les personnages, au travers de l’histoire du village ou encore lors des cours d’histoire que reçoit Franz à l’école, on parle beaucoup des deux guerres mondiales et des évènements en Algérie.

    La seconde guerre mondiale est la plus importante dans le livre car la plupart des personnages secondaires étaient présent et assez âgés pour comprendre ce qu’il se passait à cette période.

    En revanche, ce qui m’a dérangée dans ce livre c’est d’une part qu’on apprend à la fin qu’il doit y avoir une suite. Or, j’ai horreur de me plonger dans un livre sans savoir à l’avance qu’il y aura d’autres tomes. Je trouve que c’est prendre les lecteurs en otage.
    D’autre part, j’ai eu l’impression de perdre mon temps. On assiste certes à une très belle compilation de moments entre un père et son fils, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il y avait un but à l’histoire. 568 pages sans réelle « histoire », sans but, sans « fin » digne de ce nom. Même s’il y a, à l’intérieur du récit principal, des histoires parallèles qui elles, trouvent leur résolution, j’ai eu l’impression de lire « pour rien »

    Un extrait : Commençons par leur apparition un beau jour de printemps, au début des années soixante, sur la Grand-Place de Tilliers, ma petite ville au milieu des blés.
    Enfin, quand je dis « leur apparition », c’est une image : ils sont arrivés en voiture.

    Et, pardon, j’ai oublié de vous le préciser : ce que je vous raconte, je n’en ai pas toujours été le témoin direct.
    J'en ai vu se dérouler la plus grande partie - l'essentiel, pour ainsi dire. Le reste, je le tiens de source sûre.
    Un jour, j’ai entendu parler d’individus à la mémoire infaillible, qui se souviennent de tout ce qu’ils ont vécu. Il n’y en a qu’une poignée sur toute la Terre, et ce sont surtout des femmes.
    Elles se rappellent précisément ce qu’elles ont fait le 14 juillet 1973 entre le bal et le feu d’artifice ; elles peuvent décrire les vêtements que portait la belle-mère du marié aux noces de leur meilleure amie ; elles sont capables de nommer tous les objets qu’elles ont mis en carton après la mort de leur père.
    Je suis un peu comme ces femmes-là. J’ai une très bonne mémoire. Pas parfaite – parfois, j’ai des trous -, mais bien meilleure, tout de même, que la plupart des gens.
    Je me souviens de tout ce qui s’est passé entre ces murs, de tout ce qui s’y est dit, de tout ce qui s’y est vu, de ce qu’on y a caché.
    Et je me souviens aussi de tout ce qu’on m’a raconté, de près ou de loin. C’est un bienfait et une malédiction.
    Quand on a une mémoire comme la mienne, on ne se rappelle pas seulement les faits et gestes, mais aussi les mots, les soupirs, les émotions. Surtout les émotions. Ces souvenirs-là sont les plus délicats, parfois les plus inconfortables.
    Et ils ne reviennent pas quand on l’a décidé : dans le grenier de ma mémoire, tout n'est pas rangé dans l'ordre, les épisodes jouent à cache-cache avec le temps. Certains sont devant, frais et vifs comme s'ils venaient d'être vécus. D’autres, assoupis au fond, se réveillent sans prévenir… Alors vous me pardonnerez si, parfois, je prends des chemins de traverse, si je vais et viens au point que vous ne savez plus de quand je parle, si je me répète de temps à autre, et si tout ce que je vous raconte n'est pas tout à fait dans l'ordre. Mes souvenirs se superposent et se chevauchent. Pour tout vous dire, les digressions, c'est un peu mon péché mignon.

     

  • [Livre] Ce qu'il nous faut, c'est un mort

     

    Je remercie ELLE pour cette lecture dans le cadre du grand prix des lectrices

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    Résumé : Trois garçons pleins d'avenir roulent à flanc de falaise.
    C'est la nuit du 12 juillet 1998, celle d'I will survive. Ce que la chanson ne dit pas, c'est à quel prix.
    Les Ateliers Cybelle emploient la quasi-totalité des femmes de Vrainville, Normandie. Ils sont le poumon économique de la région depuis presque cent ans, l'excellence en matière de sous-vêtements féminins, une légende – et surtout, une famille. Mais le temps du rachat par un fonds d'investissement est venu, effaçant les idéaux de Gaston Lecourt, un bâtisseur aux idées larges et au cœur pur dont la deuxième génération d'héritiers s'apprête à faire un lointain souvenir. La vente de l'usine aura lieu dans l'indifférence générale.
    Tout le monde s'en fout. Alors ce qu'il faudrait, c'est un mort.
    De la corniche aux heures funestes de Vrainville, vingt ans se sont écoulés. Le temps d'un pacte, d'un amour, des illusions, ou le temps de fixer les destinées auxquelles personne n'échappe.

     

    Auteur : Hervé Commère

     

    Edition : Fleuve noir

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 10 mars 2016

     

    Prix moyen : 20€

     

    Mon avis : Avant toute chose, ce roman est présenté comme un polar et, quand on lit le résumé, on se dit qu’effectivement, on a affaire à un polar. Mais en fait non. Pour moi ce livre n’a rien d’un roman policier.
    Cela ne veut pas dire que je n’ai pas aimé ma lecture, loin de là, mais il est vrai que l’on est un peu déçu quand on ouvre un bouquin avec certaines attentes et qu’il n’y répond pas.
    Ce livre n’est donc pas un roman policier mais plutôt un roman contemporain à suspense. Je pense que j’aurais été plus déçu, et donc moins encline à apprécier ma lecture si on ne m’avait pas prévenu à l’avance.
    Après, coté lecture, rien à redire d’autre. Le style est clair, direct ; le rythme rapide, on n’a guère le temps de reprendre son souffle entre les évènements.
    Les personnages ne m’ont pas emballée. J’entends par là que je n’ai pas ressentie d’empathie particulière pour tel ou tel personnage, ni d’antipathie d’ailleurs, excepté pour le violeur dont on parle dans les premières pages (mais c’est un vrai tordu, on ne peut que le détester).
    Je ne sais pas si c’est une volonté de l’auteur, mais pour moi, le seul personnage qui fasse vibrer, c’est l’entreprise : les ateliers Cybelle. Car c’est autour de cette entreprise familiale que tourne l’histoire.
    Les péripéties des autres personnages ne semblent presque être faites que pour mettre l’entité Cybelle (entreprise et personnel) en avant.
    Parce que finalement c’est elle que l’on suit le plus, c’est en fonction d’elle que la majorité des décisions sont prises. C’est elle que l’on découvre de sa naissance à son déclin.

    On découvre l’histoire de l’entreprise et des personnages qui lui sont attachée au travers de trois époques : 1919, date de création de l’entreprise ; 1998 où l’on rencontre les personnages principaux et 2016 où l’histoire principale se déroule.
    La fin n’est pas explosive comme elle l’est souvent dans un polar ou un roman à suspense. Je dirais que ce n’est pas vraiment une fin dans le genre point final, mais juste la fin d’un moment dans la vie de personnes que le hasard a amené à se croiser et à vivre ensemble un certain temps.

    Ce n’était certes pas ce à quoi je m’attendais lorsque j’ai ouvert ce livre, mais une chose est certaine, je n’ai regretté à aucun moment de l’avoir ouvert.

    Un extrait : Un accident de voiture au milieu de la nuit, une naissance, le grand amour ou un viol, qui sait comment les choses arrivent ? Peut-être que tout ce qui va suivre n’est dû qu’à trois petits buts : nous somment le dimanche 12 juillet 1998 au soir et, depuis quelques heures, la France est championne du monde de football.
    Pour des raisons différentes, cette date va se graver dans les esprits de chacun des personnages de cette histoire. Ce qui se passera dans dix-huit ans dépend absolument de ce qu’ils vont vivre maintenant.

    Pour une jeune fille qui marche seule dans Nancy, rien ne sera plus jamais beau.
    Pour un jeune homme noir, athlétique et sans faille qui entre en discothèque en banlieue parisienne, cette nuit est celle où, à la surprise générale, à commencer par la sienne, il va se laisser dompter.
    En Normandie, près de Dieppe, pour l’instant occupés à se servir de grands verres de vodka, trois étudiants vont briser leur amitié, ainsi que leur avenir.
    Plus au sud, dans le Var, un bébé va venir au monde.
    Sur le pays entier se lève un formidable vent. Combien de temps soufflera-t-il ?