Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !
Cette semaine, je vous présente Une journée exceptionnelle de Kaira Rouda
Je regarde ma femme s’installer sur le siège passager. Le soleil se reflète dans sa chevelure d’un blond clair et elle lance des étincelles, comme ces cierges magiques qu’on allume pendant les célébrations du quatre juillet. Je suis confiant. Les choses se passent exactement comme prévu.
Nous sommes ensemble, juste tous les deux, prêts à partir passer le week-end dans notre maison, au bord du lac. Cette journée symbolise tout ce pour quoi j’ai tant travaillé, tout ce que nous avons bâti. Côté conducteur, où je suis assis, le soleil transperce la vitre avec une telle intensité que je ressens le besoin de porter la main à ma tempe. Les verres sombres de mes lunettes devraient pourtant suffire à protéger mes yeux. Ils l’auraient fait dans d’autres circonstances, j’en suis sûr. Un autre jour. Aujourd’hui, quelque chose a changé entre ma femme et moi. Une étrange tension pulse dans l’air stagnant de l’habitacle. Elle n’est pas visible mais je sens bien qu’elle est là. J’aimerais pouvoir lui donner un nom, trouver sa source. L’éliminer.
La matinée a été stressante, c’est certain. On est vendredi et, quand on a des enfants, le dernier jour de la semaine semble voué à la frénésie. Réveiller les garçons, faire en sorte qu’ils s’habillent et enfin les déposer dans leur école élémentaire, une bâtisse de brique rouge entourée de pelouses impeccables, qui affiche des résultats exemplaires et où ils excelleront sans aucun doute, l’un en CP l’autre en CE2. Pour dire la vérité, mon rôle dans l’emploi du temps que je viens de décrire est assez limité. Le matin, c’est à Mia, ma femme, qu’incombent toutes les tâches liées aux garçons. De ce point de vue, nous sommes un foyer de banlieue des plus traditionnels. Quand je me réveille, je prépare du café, je prends ma douche, je m’habille et je pars au bureau avant le lever des enfants. Je dois bien avouer que, la plupart du temps, mes préoccupations sont assez égoïstes, voire égocentriques.
Voilà pourquoi cette journée est si particulière. Ce matin, c’est moi qui ai accompagné les garçons à l’école, qui leur ai expliqué qu’au lieu de leur maman, ce serait la baby-sitter qui viendrait les chercher à la sortie des classes. Une fois rentré à la maison, j’ai rangé nos couverts sales dans le lave-vaisselle. Je peux être serviable, quand je le veux, mais je préfère éviter car Mia risquerait de s’y habituer. Une fois la table du petit déjeuner débarrassée, j’ai appelé Mia, à l’étage, pour qu’elle se dépêche. Cela fait plus d’un an que nous n’avons pas passé de week-end tous les deux, en amoureux. Cette journée nous appartenait tout entière et il était temps de se mettre en route.
Sa réponse m’est parvenue en voletant comme un papillon depuis le haut de l’escalier. Elle avait besoin de mon aide pour les bagages. Quelques instants plus tard, je portais deux énormes valises jusqu’en bas de notre grand escalier. Mia me suivait, les bras chargés d’un panier à linge rempli d’on-ne-sait-quoi.
— Tu comptes y rester un bon moment, à ce que je vois ! l’ai-je taquinée.
Elle a rougi, gênée de confirmer sa réputation de voyager lourd, mais je n’ai pas râlé. C’était sa journée. Elle pouvait emporter tout ce qu’elle voulait. Au moment où tout fut casé dans le coffre de la voiture, quand Mia a enfin commencé à se dérider, visiblement soulagée d’avoir terminé ses valises, mon téléphone s’est mis à sonner. J’aurais mieux fait de ne pas répondre, c’est vrai, mais cette erreur ne mérite pas qu’on s’y attarde. Ce n’était qu’un tout petit faux pas dans une journée qui s’annonçait formidable.
Alors, tentés?