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Premières lignes - Page 3

  • Premières lignes #118

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente Arrêt d'urgence de Belinda Bauer

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    Il faisait tellement chaud dans la voiture que l’odeur des sièges donnait l’impression qu’ils étaient en train de fondre. Jack était en short, et à chaque fois qu’il desserrait les jambes, elles faisaient un bruit de scotch qu’on décolle.

    Pas un souffle d’air ne passait à travers les vitres baissées : on n’entendait que le grésillement de petits insectes, comme le froissement d’un papier ancien. Tout là-haut était suspendu un unique lambeau de nuage, tandis qu’un avion invisible laissait une traînée de craie dans le ciel d’un bleu éclatant.

    Des gouttes de sueur ruisselaient sur la nuque de Jack, il ouvrit la portière d’un geste brusque.

    — Non ! protesta Joy. Maman a dit de rester dans la voiture !

    — Mais je ne pars pas ! répliqua-t-il. J’essaie juste de me rafraîchir un peu.

    L’après-midi était calme et il n’y avait pas beaucoup de circulation, mais à chaque fois qu’une voiture passait, la vieille Toyota vibrait un peu.

    Quand c’était un camion, elle vibrait beaucoup.

    — Ferme la porte ! ordonna Joy.

    Jack s’exécuta avec un tss… tss d’agacement. Joy en faisait des tonnes. À neuf ans, elle ne cessait de passer du rire aux larmes… quand elle ne chantait pas. En général, elle obtenait ce qu’elle voulait.

    — Ça fait combien de temps, maintenant ? demanda-t-elle en pleurnichant.

    Jack regarda sa montre. Il l’avait eue en cadeau pour son dernier anniversaire – celui de ses onze ans – alors qu’il avait demandé une PlayStation.

    — Vingt minutes, répondit-il.

    Il mentait. Cela faisait près d’une heure que le moteur avait toussoté et que la voiture avait fait une embardée, avant de s’arrêter en crissant sur la bande d’arrêt d’urgence de la M5, l’autoroute du Sud. Plus d’une demi-heure s’était donc écoulée depuis que leur mère les avait laissés là pour partir à la recherche d’un téléphone d’urgence.

    Restez dans la voiture. Je ne serai pas longue.

    Eh bien, si ; elle était longue, justement, et l’irritation de Jack monta d’un cran – comme toujours quand sa mère se retrouvait dans une situation que son père aurait mieux gérée. Papa aurait su ce qui n’allait pas avec la voiture. Il n’aurait pas vidé la batterie en essayant de redémarrer mille fois la voiture. Il aurait eu un téléphone portable et n’aurait pas été obligé de remonter la route à pied comme un homme des cavernes pour trouver un téléphone d’urgence.

    Merry se mit à chouiner en se tortillant dans son siège auto. Le soleil lui piquait les yeux.

    Joy se pencha et lui remit sa tétine dans la bouche.

    — Merde, qu’est-ce qu’il fait chaud, lâcha Jack.

    — Tu as dit « merde ». Je le dirai à Maman, fit Joy – mais sans sa conviction habituelle.

    La chaleur anéantissait toute conviction.

    Une chaleur écrasante.


    Alors, tenté?

  • Premières lignes #117

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
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    Cette semaine, je vous présente Innocent de Emmanuel Valnet

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    Septembre 2013
    La radio crépita et cracha une fois encore le même avis de recherche diffusé depuis plus de trois heures sur les ondes de la police de la ville de New York. Toutes les forces disponibles étaient mobilisées. Plus de quinze mille officiers en uniforme et en civil avaient été dispatchés dans les rues de la métropole et tous les commissariats étaient en alerte.

    Tim Burns remonta la vitre de la portière. Le réveil avait été brutal. Averti en pleine nuit de cette nouvelle disparition, il avait immédiatement sauté au bas de son lit en prenant seulement quelques minutes pour se préparer avant de foncer tête baissée pour sillonner les rues de la ville au volant de sa Dodge Charger.

    Le temps maussade n’arrangeait rien. Une pluie nocturne et froide s’écrasait en continu sur le pare-brise en formant de la buée, ce qui diminuait fortement la visibilité. En plus de l’avis de recherche diffusé régulièrement, les messages réguliers de chaque patrouille pour signaler qu’elles n’avaient encore retrouvé personne lui tapaient sur les nerfs. Il avait envie d’un café ou de n’importe quoi de réconfortant et de chaud pour endiguer ce froid qui ne le quittait pas.

    Surtout, il avait besoin d’entendre que tout allait bien, qu’elle allait réapparaître et que ce n’était qu’une erreur. Peut-être s’était-elle perdue dans le lit d’un quelconque amant, ou bien était-elle partie pour une nuit de fête en oubliant tout le reste ? Ce ne serait pas la première des frasques auxquelles Tim devait faire face. Il avait toujours été là pour elle, même lorsqu’elle plongeait au fond de ces gouffres où il avait failli plusieurs fois la suivre. Mais cette fois, le contexte était différent.

    L’enseigne d’un bar apparut au coin de la rue et Tim décida de s’accorder une pause. Alors qu’il rangeait sa Dodge le long du trottoir, la radio annonça que la voiture correspondant à l’avis de recherche avait été localisée quelque part dans Bay Ridge. Tim oublia immédiatement son envie de café et enfonça l’accélérateur. Il se trouvait à seulement une vingtaine de minutes de l’endroit. Cramponné au volant, Tim lança la sirène pour se frayer un chemin dans la circulation.

    Quand il parvint enfin à destination, les véhicules de patrouille étaient déjà nombreux sur les lieux. Les lueurs bleues des gyrophares tournoyaient dans la nuit et venaient compléter un éclairage de rue défaillant, en lui ajoutant une dimension tragique. Tim gara sa voiture et, avant d’en sortir, s’empara de sa Maglite réglementaire. D’un pas lent, il avança vers la Ford Crown Victoria qui était déjà l’objet de toutes les attentions du département de la scientifique. À quelques mètres, il stoppa sa progression et s’immobilisa.

    Balancé entre crainte et désespoir, Tim braqua le faisceau de sa lampe torche sur le siège vide du conducteur. Des projecteurs installés à la hâte éclairaient l’intérieur, mais sur l’instant, il avait eu besoin de croire que ce geste contribuerait à la faire revenir. Son cœur se serra, car contre toute attente, le véhicule demeurait désespérément vide. La réalité frappa Tim de plein fouet : Carole avait disparu.

    Alors, tenté?

  • Premières lignes #116

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    Cette semaine, je vous présente Cogito de Victor Dixen

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    Roxane Le Gall

    De : Stages Science Infuse <stages-science-infuse@noosynth.com>

    Envoyé : Jeudi 2 février, 10 h 09

    Objet : Présélection bourse au stage Science Infuse de printemps

    Pièce jointe : Dossier de candidature.doc

     

    Chère mademoiselle Le Gall,

    Je me permets de vous contacter aujourd’hui pour vous annoncer que vous avez été présélectionnée pour une bourse offerte par l’entreprise Noosynth, afin de participer au stage « Science Infuse » du printemps prochain – du 14 au 22 avril inclus –, dans les eaux internationales de l’Atlantique.

    Ce séjour de préparation intensive au BAC (brevet d’accès aux corporations) repose sur la technologie révolutionnaire de la programmation neuronale. D’une valeur marchande d’un million d’euros, il offre un taux de réussite à l’examen de 100 %.

    Votre profil a été repéré parmi des milliers d’autres lycéens en forte difficulté scolaire, sur la base des résultats du contrôle continu, librement accessibles aux corporations sur les serveurs de l’Éducation nationale.

    Pour valider votre candidature et tenter de bénéficier de cette bourse, veuillez compléter le dossier en pièce jointe et me le renvoyer avant le 15 février.

    Je vous prie d’agréer, chère mademoiselle Le Gall, mes studieuses salutations.

    Illustration
    Édouard Delaunay

    Directeur du pôle Recrutement, Stages Science Infuse

    Noosynth France

    Quai de Grenelle

    75008 Paris

     

    Alors, tenté?

  • Premières lignes #115

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    Cette semaine, je vous présente C'était un accident de Isabelle Lagarrigue

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    Liste « Pourquoi est-ce un privilège d’être née rousse ? »

     

    1) Tu te nourris de phrases drôles et subtiles délicatement affichées sur ton mur Facebook :

    « Si mon enfant est roux, je le vendrai sur ebay. »

    « Congelez vos enfants roux, on trouvera une solution un jour ! »

     

    2) Tu es source d’inspiration pour des slogans publicitaires pertinents :

    « Fumer rend roux » sur les paquets de clopes (il serait plus efficace que « fumer tue »).

    « Le père Noël aime tous les petits enfants, même les roux. » (NDM*: Les lignes ci-dessus ne sont malheureusement pas fictives.)

     

    3) Tu peux enrichir tes connaissances sur ton statut :

    Les roux puent.

    Les roux ne bronzent jamais.

     

    4) Tu reçois des réponses exclusives à tes demandes d’amis sur Facebook :

    « Je ne peux pas t’accepter comme amie parce que tu es rousse. »

    « Excuse-moi mais non, je ne peux m’afficher avec toi. »

     

    5) Tu peux devenir une professionnelle de statistiques passionnantes :

    En France 5 % des personnes sont rousses.

    Et 2 300 filles s’appellent Prune.

    Quelle était la probabilité que je naisse rousse et que je m’appelle Prune ?

    *NDM : Note De Moi

     

    20 décembre

    Je suis rentrée chez moi pour les vacances de Noël.

    J’ai l’impression que rien ne change dans la maison. La vie de famille suit son cours avec les caprices d’Alpha et Bêta, mes sœurs jumelles de cinq ans et les effusions amoureuses de mes parents au milieu du salon.

    J’ai parfois l’impression d’être transparente.

    Ne devraient-ils pas être fous de joie de m’avoir auprès d’eux pendant les vacances ? Ne devraient-ils pas se disputer la place à côté de moi au petit-déjeuner en essayant de me tirer les vers du nez pour que je leur raconte ce qu’il se passe à l’internat ? C’est moi qui ai demandé à partir en pension, pas eux, que je sache. Ne devraient-ils pas être affligés que leur fille aînée préfère vivre ailleurs à quatorze ans que dans leur maison ?

    Mais non. En vrai, les petits déjeuners ressemblent plutôt à ça :

    Pap’s ne dit pas un mot. Il travaille de nuit dans un laboratoire et tient absolument à prendre le petit-déjeuner en famille avant d’aller se coucher. Son visage parle pour lui. C’est écrit en rides sur son front : « Suis crevé – Ne m’énervez pas ! ».

    Mam’s est concentrée sur un nouveau régime à base de raisins, de graines, d’herbe et d’un jus vert (qu’elle boit en faisant la grimace). Bon appétit.

    Et, Alpha et Bêta se chamaillent soit parce qu’Alpha trouve qu’elle a moins de jus d’orange que Bêta, soit parce que Bêta n’aime pas qu’Alpha la regarde comme ça.

     

    Alors, tenté?

  • Premières lignes #114

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    Cette semaine, je vous présente Nevermoor T01 de Jessica Townsend

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    Avant même l’arrivée du cercueil, les journalistes étaient là. Pendant la nuit, ils s’étaient peu à peu rassemblés devant le portail. À l’aube, une foule de gens les avaient rejoints. À neuf heures, c’était noir de monde.

    Il était midi passé lorsque Corvus Crow sortit enfin de chez lui et descendit l’allée jusqu’à la grande grille en fer forgé qui retenait les importuns.

    — Chancelier Crow, cela pèsera-t-il sur votre décision de vous représenter aux élections ?

    — Monsieur le chancelier, quand aura lieu l’enterrement ?

    — Le président vous a-t-il présenté ses condoléances ?

    — Vous devez être soulagé, n’est-ce pas, monsieur le chancelier ?

    — S’il vous plaît, les interrompit Corvus en levant une main gantée de cuir pour les faire taire. J’ai une déclaration à vous faire, au nom de toute ma famille.

    Il sortit un morceau de papier de la poche de son élégant costume noir.

    — « Nous remercions les citoyens de notre grande République de nous avoir soutenus ces onze dernières années, lut-il du ton articulé et autoritaire qu’il avait développé au cours de ses années de chancellerie. Notre famille a connu bien des malheurs, et le chagrin nous accablera encore longtemps. »

    Il se tut un instant pour s’éclaircir la voix, les yeux levés vers son auditoire silencieux. Une multitude d’objectifs et de regards curieux étaient braqués sur lui. Soudain, il fut assailli par un crépitement de flashs.

    — « Le deuil d’un enfant est une chose terrible, reprit-il. Ce deuil est une épreuve pour notre famille, mais aussi pour tous les habitants de Jackalfax, qui, nous le savons, partagent notre profonde tristesse. »

    Au moins cinquante paires de sourcils se haussèrent. Quelques toussotements gênés brisèrent le silence.

    — « Mais ce matin, alors que nous entrons dans la Neuvième Ère de la République de la Mer d’Hiver, nous savons que le pire est derrière nous. »

    Des coassements lugubres se firent entendre au-dessus d’eux. Tous rentrèrent les épaules, visages tendus. Personne ne leva la tête. Les oiseaux planaient en cercles depuis le matin.

    — « La Huitième Ère m’a volé ma femme adorée, et voilà qu’elle vient d’emporter ma seule enfant. »

    Un nouveau coassement vibra dans les airs. Un journaliste fit tomber le micro qu’il tenait tout près du visage du chancelier et plongea vers le sol pour le récupérer. Il se redressa en rougissant et en marmonnant des excuses, que Corvus ignora.

    — « Mais, en partant, elle a aussi balayé le danger et le désespoir qui avaient assombri sa si courte vie. Ma… très chère Morrigane. »

    Il marqua une pause, le visage déformé par le chagrin.

    — « Elle est enfin en paix, comme nous devons l’être aussi. La ville de Jackalfax ainsi que l’État entier des Grandes Plaines du Loup sont enfin à l’abri du danger. Il n’y a plus rien à craindre. »

    Un murmure empreint d’incertitude parcourut la foule, et les flashs se raréfièrent. Le chancelier leva des yeux humides. Son morceau de papier s’agitait dans le vent. Ou étaient-ce ses mains qui tremblaient ?

    — Merci.

    Corvus Crow ne répondrait à aucune question.

     

    Alors, tenté

  • Premières lignes #113

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    Cette semaine, je vous présente Au bonheur des filles de Elizabeth Gilbert

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    New York, avril 2010

    J’ai reçu une lettre de sa fille, l’autre jour.

    Angela.

    J’avais souvent pensé à Angela au cours des années passées, mais cette lettre n’était que notre troisième contact direct.

    Le premier remontait à 1971, l’année où j’avais réalisé sa robe de mariée.

    Le deuxième datait de 1977 : elle m’avait écrit pour m’annoncer la mort de son père.

    Cette fois, elle prenait la plume pour m’informer du décès de sa mère. Je ne sais pas trop à quelle réaction de ma part elle s’attendait. Elle se doutait peut-être que cette nouvelle allait me remuer. Pour autant, je ne soupçonne Angela d’aucune intention malveillante. Elle n’est pas comme ça. C’est quelqu’un de bon. Et surtout, bien plus important, d’intéressant.

    Il n’empêche, apprendre que sa mère avait vécu tout ce temps a été une sacrée surprise. Je la supposais disparue depuis longtemps comme tant et tant d’autres, hélas. Mais pourquoi m’étonner de la longévité de quiconque quand moi-même je me cramponne à l’existence telle une bernacle à la quille d’un bateau ? Pourquoi serais-je la seule vieille femme qui continue à déambuler dans New York de son pas chancelant, en se refusant catégoriquement à abandonner sa vie ou ses biens immobiliers ?

    De la lettre d’Angela, cependant, c’est la dernière phrase qui m’a affectée le plus.

    « Vivian, m’écrivait-elle, maintenant que ma mère n’est plus là, je me demandais si vous accepteriez de me raconter qui vous étiez pour mon père. »

    Ah.

    Qui étais-je pour son père ?

    Lui seul aurait pu répondre à cette question. Et puisqu’il a choisi de ne jamais parler de moi avec sa fille, ce n’est pas à moi de dire à Angela qui j’étais pour lui.

    En revanche, je peux lui dire qui il était pour moi.


    Alors, tenté?

  • Premières lignes #112

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    Cette semaine, je vous présente Pour le pire de E.G. Scott

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    Avec un sourire de vainqueur, il monte dans sa BMW rouge sang ; elle démarre en ronronnant, et le bruit des gravillons qui crissent sous ses roues me rappelle la première fois qu’on m’a conduite ici. Les circonstances n’étaient pas du tout les mêmes ; il n’était pas prévu que je m’en aille.

    Cette nuit-là, privée de ma vue par l’obscurité, je comptais sur mes autres sens pour m’indiquer où il m’emmenait. La brise qui soufflait dans les arbres pouvait provenir de l’océan ténébreux et mêlait l’odeur des pins au goût du sel. Mon cœur avait manqué un battement quand j’avais senti la voiture ralentir et entendu les pneus écraser les cailloux ; quand nous nous étions arrêtés, j’ignorais à quel point ma vie allait changer.

    Le son familier du klaxon me ramène devant la maison. Je fais au revoir de la main, et les trois carats jaune vif étincellent à mon doigt sous le soleil de l’après-midi ; la voiture accélère en soulevant une vague de petits cailloux lisses. Il tourne la tête et me fait un clin d’œil ; son beau profil du côté conducteur s’amenuise avec la distance et finit par disparaître. J’ai l’impression que je le reverrai.

    Je franchis le seuil et souris en refermant la porte sur le monde extérieur. Que d’événements pour m’amener à cette étape de mon existence ! C’est ici que je vis désormais.

    Je m’immerge dans la splendeur. Ce qui m’entoure aujourd’hui contraste de façon spectaculaire avec le décor qui se dressait autour de la dalle glacée sur laquelle je gisais cette nuit-là, à peine vivante. La cheminée traversante en pierre monte vertigineusement jusqu’au plafond de cathédrale et au-delà ; les nombreuses fenêtres créent un ravissant effet de prisme sur les planchers. Pendant quelques minutes, je demeure immobile à l’entrée du hall, perdue dans ma contemplation. Le premier étage, entièrement visible du rez-de-chaussée, évoque le chœur d’une église et le vestibule une chaire.

    Je traverse les pièces les unes après les autres en notant lentement tous leurs détails. Je revois la dernière fois où je me suis trouvée ici, dans le noir, souffrant le martyre, sans savoir si j’allais m’en tirer. Chaque centimètre que je parcours prend aujourd’hui une nouvelle signification ; je caresse de la main des bois, des pierres et des granites soigneusement sélectionnés et j’ôte mes chaussures pour sentir les textures merveilleusement diverses sous mes pieds.

    Je passe devant la porte du sous-sol, et je sais qu’il faudra peut-être longtemps avant que je puisse emprunter ces marches sans songer à la première fois où je les ai gravies dans l’obscurité. Mais je suis heureuse d’être de retour, et selon mes conditions. J’ai décidé de laisser les pièces du bas dans le noir et fermées à clé ; c’est désormais l’heure d’entamer une nouvelle vie.

    Une odeur de nettoyant industriel imprègne l’air ; toute trace de ce qui s’est passé a été effacée. Peu importe ; c’est le témoignage du combat difficile que j’ai dû mener. La maison est silencieuse, paisible. J’éprouve une émotion nouvelle et durement gagnée, un bonheur calme, quelque part entre mon cœur et ma gorge.

    Paul est partout, dans les planchers en cerisier, dans les poutres en pin du plafond, dans la vaste baie vitrée qui prend tout l’arrière du bâtiment et qui ouvre sur un décor de forêt dense dominé par le ciel. La maison n’a pas été construite pour moi, et c’est douloureux, mais elle a été bâtie avec amour – et en désespoir de cause.

    Je ferme les yeux et je revois ma première nuit ici. Le bruit du moteur de sa voiture au ralenti, l’obscurité, mon rejet puis mon retour en grâce, nouvelle occasion d’accéder à ce que j’ai toujours désiré.

    Les voies les plus sombres finissent par nous conduire à la lumière.


    Alors, tentés?

  • Premières lignes #111

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    Cette semaine, je vous présente Les gardiens des anges - T01 - Les ailes perdues de Michelle Beck

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    Octobre 1187

    près de Galway, côte ouest de l’Irlande

    La neige enveloppait la ville et étouffait les sons habituels du port, dont les activités commerciales tournaient au ralenti en cette saison. Un voile d’hibernation s’était posé sur le bourg, si bien que les rues semblaient abandonnées.

    Malgré le froid piquant, Maithias sortit tôt pour retrouver un informateur. Il se devait de maintenir le contact, peu importe le temps.

    Il marchait depuis une heure quand la nervosité le gagna. Il perçut la présence d’une créature inconnue, et qui l’attirait irrésistiblement, comme s’ils étaient liés par un fil imaginaire. Il quitta le chemin, enjamba la congère et s’enfonça dans la forêt. Il avança dans une neige épaisse et dure, le souffle coupé par ce sentiment d’urgence qu’il ressentait, jusqu’à atterrir dans un champ, avec en son milieu, une grange abandonnée.

    Et il vit la créature.

    Étendue contre la porte de la vieille bâtisse, une femme aux cheveux de feu baignait dans une flaque écarlate.

    Captivé par la vision de ce rouge outrageusement planté au cœur de l’hiver, Maithias ne se méfia pas de la jeune femme.

    Ce fut sa première erreur.

    Vêtue comme une paysanne, elle n’avait rien d’une chasseuse, aussi Maithias s’agenouilla sans crainte afin de vérifier si elle respirait encore. Il allait poser deux doigts dans son cou quand elle tourna brusquement la tête et le transperça de ses yeux verts.

    Maithias eut un moment d’hésitation, sa seconde erreur. Son cœur manqua un battement, et l’inconnue en profita. D’un croche-pied, elle le propulsa à terre et glissa une fine lame sous sa gorge. Hypnotisé par son regard émeraude, Maithias reprit ses esprits avec difficulté. Il lui saisit le poignet pour se libérer, et lui arracha le couteau. Ils roulèrent ensemble sur plusieurs mètres, dans un mélange de sang et de neige fondue. Il s’agenouilla et lui bloqua les bras au-dessus de la tête. Une main sur son menton, il la secoua.

    — Qui es-tu ? Qui t’a fait ça ?

    Elle marmonna une réponse incompréhensible. Maithias lui dégagea les cheveux du visage, ses doigts s’attardant sur sa peau bouillante. Il lui fit boire quelques gorgées d’eau de sa gourde. Elle toussa et reprit son souffle en fermant les yeux. Quand elle les rouvrit, elle l’observait en fronçant les sourcils.

    — Toi… C’est toi… Je t’ai enfin trouvé, murmura-t-elle avant de s’évanouir.

    Maithias glissa ses bras sous ses genoux et la souleva. Elle ne pesait rien, à peine une plume. Il la ramena chez lui pour la soigner, mais aussi pour en savoir plus. C’est en tout cas ce qu’il se disait sur le moment, car elle n’en repartit plus jamais. C’était il y a trois ans.

     

    Alors, tentés?

  • Premières lignes #110

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    Cette semaine, je vous présente Marie-Antoinette de Stefan Szweig

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    Pendant des siècles, sur d’innombrables champs de bataille allemands, italiens et flamands, les Habsbourgs et les Bourbons se sont disputé jusqu’à épuisement l’hégémonie de l’Europe. Enfin, les vieux rivaux reconnaissent que leur jalousie insatiable n’a fait que frayer la voie à d’autres maisons régnantes ; déjà, de l’île anglaise, un peuple hérétique tend la main vers l’empire du monde ; déjà la marche protestante de Brandebourg devient un puissant royaume ; déjà la Russie à demi païenne s’apprête à étendre sa sphère à l’infini : ne vaudrait-il pas mieux faire la paix, finissent par se demander – trop tard, comme toujours – les souverains et leurs diplomates, que de renouveler sans cesse le jeu fatal de la guerre, pour le grand profit de mécréants et de parvenus ? Choiseul, ministre de Louis XV, Kaunitz, conseiller de Marie-Thérèse, concluent une alliance ; et afin qu’elle s’avère durable et ne soit pas un simple temps d’arrêt entre deux guerres, ils proposent d’unir, par les liens du sang, la dynastie des Bourbons à celle des Habsbourgs. La maison de Habsbourg n’a jamais manqué de princesses à marier ; et en ce moment, précisément, elles sont nombreuses et de tous les âges. Les ministres envisagent d’abord d’unir Louis XV, bien qu’il soit grand-père, et en dépit de ses mœurs plus que douteuses, à une princesse habsbourgeoise ; mais le roi très chrétien se réfugie vivement du lit de la Pompadour dans celui de la du Barry. D’autre part, l’empereur Joseph, deux fois veuf, ne manifeste guère le désir de se laisser marier à l’une des trois filles de Louis XV qui ne sont plus toutes jeunes. Il reste donc une troisième combinaison, la plus naturelle, l’union du dauphin adolescent, petit-fils de Louis XV et futur héritier de la couronne de France, à une fille de Marie-Thérèse. En 1766, Marie-Antoinette, âgée alors de onze ans, peut déjà faire l’objet d’un projet sérieux ; le 24 mai de cette année-là, l’ambassadeur d’Autriche mande expressément à l’impératrice : « Le roi s’est expliqué de façon que votre majesté peut regarder le projet comme décidé et assuré. » Mais les diplomates ne seraient pas diplomates s’ils ne mettaient pas leur point d’honneur à rendre difficiles les choses simples, et surtout à retarder savamment toute affaire importante. Des intrigues de cour sont menées des deux côtés, une année passe, une deuxième, une troisième, et Marie-Thérèse, méfiante, non sans raison, craint que pour finir son incommode voisin, Frédéric de Prusse, « le monstre » comme elle l’appelle dans sa franche indignation, n’entrave aussi ce plan, si décisif pour la puissance de l’Autriche, par un de ses artifices machiavéliques ; elle met donc en jeu toute son amabilité, sa passion et sa ruse pour que la cour de France ne puisse pas retirer la promesse à demi donnée. Avec l’obstination inlassable d’une entremetteuse professionnelle, la patience tenace et inflexible dont elle a seule le secret, elle ne cesse pas de faire valoir à Paris les qualités de la princesse ; elle inonde les ambassadeurs de civilités et de présents pour qu’ils rapportent enfin de Versailles une demande en mariage définitive ; plus impératrice que mère, songeant davantage à accroître la puissance de sa maison qu’au bonheur de son enfant, son ambassadeur a beau l’informer que « la nature semble avoir refusé tous dons à Monsieur le Dauphin, que par sa contenance et ses propos ce prince n’annonce qu’un sens très borné, beaucoup de disgrâce et nulle sensibilité », rien ne peut la retenir. D’ailleurs une archiduchesse a-t-elle besoin d’être heureuse, ne suffit-il pas qu’elle devienne reine ? Mais plus Marie-Thérèse met d’ardeur à obtenir un engagement formel, plus Louis XV, en bon psychologue, se réserve ; pendant trois ans il se fait envoyer des portraits et des rapports sur la petite archiduchesse et se déclare en principe favorable au projet de mariage ; mais il ne fait pas la demande tant attendue et ne s’engage pas.


    Alors, tenté?

  • Premières lignes #109

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente La vie est belle et drôle à la fois de Clarisse Sabard

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    19 décembre 2017

    Je hume à pleins poumons l’odeur de feu de bois qui prédomine dans l’air, puis souris.

    Ma grand-mère, enveloppée dans un élégant manteau de laine, dévale les escaliers comme si elle avait vingt ans de moins que son âge réel. Elle a teint ses cheveux comme Mylène Farmer et a appliqué de façon méticuleuse mascara et rouge à lèvres.

    — Ce que je suis heureuse de vous voir, les enfants !

    Violette, la fille de mon frère, s’avance timidement vers elle et se retrouve engloutie entre ses bras volumineux.

    — Eh bien, constate-t-elle en m’enlaçant à mon tour, je suis sûre que tu te nourris mal. Tu as maigri depuis la dernière fois.

    Je vais éviter de lui dire que j’ai trop souvent tendance à sauter le repas du midi à cause de mon travail très prenant, car elle serait capable de venir s’installer chez moi.

    — Et tu ressembles à un vieux phoque fatigué,
    termine-t-elle. Tu ne dors pas assez.

    À l’évidence, ma grand-mère était absente le jour de la distribution de la diplomatie, mais nous avons tous fini par nous y habituer. Ce n’est jamais méchant, c’est juste sa façon d’être.

    Mon frère, Tom, m’envoie un clin d’œil, auquel je réponds par une grimace. Mamie sort une clé de sa poche.

    — Votre mère m’a chargée de vous la remettre.

    — Elle n’est pas là ? s’étonne Tom.

    — Pour le moment, non. Vous feriez bien de vous mettre au chaud. J’ai déposé sur la table de la cuisine des tartelettes aux fruits secs et aux raisins.

    Notre goûter de Noël préféré lorsque nous étions petits ! J’en salive à l’avance ! Nous nous fixons rendez-
    vous pour dîner, chez elle. Ça a du bon, que les demeures soient voisines. Malgré le divorce de mes parents, ma mère et ma grand-mère sont restées en très bons termes, désireuses de maintenir les liens. Tant mieux, je ne me serais pas vue grandir ailleurs que dans cette jolie maison, sur laquelle le lierre grimpe le long de la façade en pierres, soulignant ainsi le bleu éclatant des volets.

    Mon frère introduit la clé dans la serrure. Le parfum de ma mère (Le Premier Parfum, de Lolita Lempicka) me chatouille aussitôt les narines. Elle l’aime tellement qu’elle en vaporise partout. Tom allume la lumière dans l’étroit vestibule.

    — Il fait un froid de canard, ici ! fait-il remarquer. Maman aurait quand même pu laisser un peu de chauffage.

    — Comme c’est trop abusé ! râle Violette en frottant ses mains l’une contre l’autre. Ça va être sympa si on attrape la grippe…

    Cette attitude ressemble peu à ma mère. Sachant que nous arrivions cet après-midi, c’est étonnant qu’elle n’ait pas laissé tourner les radiateurs… Tom se dirige vers la salle à manger et s’affaire à préparer un feu dans la cheminée. Ma nièce et moi laissons les bagages dans l’entrée et nous précipitons vers la cuisine, alléchées par la perspective des tartelettes qui nous y attendent.

    Tom ne tarde pas à nous rejoindre et propose de nous réchauffer avec un chocolat chaud. Évidemment, Violette et moi ne nous faisons pas prier ! Nous nous asseyons autour de la table en hêtre, l’assiette de tartelettes nous tendant les bras. Je me revois, petite, aider Mamie à mélanger sucre, miel et crème épaisse, puis à faire caraméliser le mélange. Cette succulente odeur embaumait alors toute la maison !

     

    Tom dépose devant nous les boissons chaudes et je me réchauffe les mains contre la tasse à tête de renne, lorgnant le motif d’un œil mauvais. On ne sait jamais, des fois que j’aurais oublié que Noël approche.

    Je croque avec gourmandise dans ma tartelette et m’exclame aussitôt, au bord de l’extase :

    — Mon Dieu, que c’est bon !

    Tom envoie un léger coup de coude à sa fille.

    — Tu vas voir que, dans cinq minutes, elle va à nouveau aimer Noël, chambre-t-il.

     

    Alors, tentés?