Résumé : Décembre 2008, dans une vallée encaissée des Pyrénées. Au petit matin, les ouvriers d’une centrale hydroélectrique découvrent le cadavre d’un cheval sans tête, accroché à la falaise glacée. Le même jour, une jeune psychologue prend son premier poste dans le centre psychiatrique de haute sécurité qui surplombe la vallée. Le commandant Servaz, 40 ans, flic hypocondriaque et intuitif, se voit confier cette enquête, la plus étrange de toute sa carrière. Pourquoi avoir tué ce cheval à 2 000 mètres d’altitude ? Serait-ce, pour Servaz, le début du cauchemar ? Une atmosphère oppressante, une intrigue tendue à l’extrême, une plongée implacable dans nos peurs les plus secrètes, ce premier roman est une révélation !
Auteur : Bernard Minier
Edition : Pocket
Genre : Thriller
Date de parution : 10 mai 2012
Prix moyen : 9€
Mon avis : Comme souvent dans les romans de Bernard Minier, j’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire. Il ne m’a fallut, cela dit, qu’une soixantaine de pages pour que l’écriture de Bernard Minier fasse mouche et que je plonge toute entière dans les montagnes des Pyrénées et dans la première enquête de Martin Servaz.
Les pratiques psychiatriques évoquées dans le livre font froid dans le dos (d’autant plus que, dans une note à la fin du livre, Bernard Minier explique qu’il n’a rien inventé et que toutes les pratiques qu’il évoque ont bien court).
Les différents aspects de l’enquête semblent, à première vue, n’avoir aucun liens entre eux, mais, contrairement à d’autres romans dans lesquels on ne sait pas où on va, ici, on sait qu’il y a un lien. La police le sait aussi. Reste à trouver lequel. Cela dit, savoir qu’il existe un lien a changé ma façon de lire car j’étais à l’affut du moindre indice pouvant m’expliquer comment les différents éléments étaient reliés.
La pression sur les personnages est constante que ce soit la pression de la hiérarchie pour certains, ou la peur, qu’elle soit dû à l’isolement ou au danger, ressentie par d’autres.
On voit que l’auteur, en plus de s’être renseigné sur les pratiques psychiatriques, s’est aussi rencardé sur le coin où se déroule son histoire.
Ses descriptions, sans être lourdes, nous plongent merveilleusement bien dans l’ambiance de cette vallée isolée, entourée de montagnes.
J’ai beaucoup aimé le fait que l’enquête tourne parfois en rien, piétine, puis qu’un détail vienne infirmer certaines pistes, confirmer d’autres ou encore ouvre la voie à une nouvelle piste. Cela rend l’enquête plus réaliste.
Les personnages, même quand ils ne sont pas attachants, ont beaucoup de profondeur. L’auteur dissémine des informations sur leur passé, sur leur vie, que ce soit au cours de l’enquête pour l’entourage des victimes ou lors de scènes intermédiaires qui, en plus de nous rendre les protagonistes plus réels, font un peu redescendre la pression tout au long du livre.
Même si je vous déconseille de faire la même erreur que moi, à savoir lire ce livre dans l’obscurité (sauf si ça ne vous fait rien d’aller vérifier toutes les 5 minutes que les portes et fenêtres sont bien fermées), je ne peux que vous recommander ce roman et même, tant qu’à faire, cet auteur et toutes les enquêtes de Martin Servaz.
Un extrait : L’hélico s’élança à l’assaut de la montagne comme un moustique survolant le dos d’un éléphant. Le grand toit d’ardoise de la centrale et le parking plein de véhicules s’éloignèrent brusquement – trop brusquement au goût de Servaz, qui sentit un trou d’air lui siphonner l’estomac.
Sous l’appareil, les techniciens allaient et venaient, en combinaison blanche sur le blanc de la neige, de la gare du téléphérique au fourgon-laboratoire, transportant des mallettes qui contenaient les prélèvements effectués là-haut. Vue d’ici, leur agitation paraissait dérisoire : l’effervescence d’une colonne de fourmis. Il espéra qu’ils connaissaient leur travail. Ce n’était pas toujours le cas, la formation des techniciens en scènes de crime laissait parfois à désirer. Manque de temps, manque de moyens, budgets insuffisants – toujours la même rengaine, malgré les discours politiques promettant des jours meilleurs. Puis le corps du cheval fut emballé dans sa housse, la fermeture à glissière tirée sur lui et le tout roulé sur une grande civière jusqu’à une longue ambulance qui démarra sirène hurlante, comme s’il y avait une quelconque urgence pour ce pauvre canasson.
Servaz regarda devant lui à travers la bulle de Plexiglas.
Le temps s’était dégagé. Les trois tuyaux géants qui émergeaient de l’arrière du bâtiment escaladaient le flanc de la montagne ; les pylônes du téléphérique suivaient le même trajet. Il hasarda un nouveau coup d’œil vers le bas – et le regretta aussitôt. La centrale était déjà loin au fond de la vallée, les voitures et les fourgons rapetissaient à grande vitesse, dérisoires points de couleur aspirés par l’altitude. Les tuyaux plongeaient vers la vallée comme des sauteurs à skis du haut d’un tremplin : un vertige de pierre et de glace à couper le souffle. Servaz pâlit, déglutit et se concentra sur le haut du massif. Le café qu’il avait avalé au distributeur dans le hall flottait quelque part dans son œsophage.
— Ça n’a pas l’air d’aller.
— Pas de problème. Tout va bien.
— Vous avez le vertige ?
— Non…
Le capitaine Ziegler sourit sous son casque à écouteurs. Servaz ne voyait plus ses yeux derrière ses lunettes de soleil – mais il pouvait admirer son bronzage et le léger duvet blond de ses joues caressées par la lumière violente qui se réverbérait sur les crêtes.
— Tout ce cirque pour un cheval, dit-elle soudain.
Il comprit qu’elle n’approuvait pas plus que lui ce déploiement de moyens et qu’elle profitait qu’ils fussent à l’abri des oreilles indiscrètes pour le lui faire savoir. Il se demanda si sa hiérarchie lui avait forcé la main. Et si elle avait renâclé.
— Vous n’aimez pas les chevaux ? dit-il pour la taquiner.
— Je les aime beaucoup, répondit-elle sans sourire, mais ce n’est pas le problème. Nous avons les mêmes préoccupations que vous: manque de moyens, de matériel, de personnel, et les criminels ont toujours deux longueurs d’avance. Alors, consacrer autant d’énergie à un animal…
— En même temps, quelqu’un capable de faire ça à un cheval…
— Oui, admit-elle avec une vivacité qui lui fit penser qu’elle partageait son inquiétude.