Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 4

  • [Livre] L'envol

     

    l'envol.jpg

     

    Résumé : "Je suis différente de la plupart des gens, car mon origine ne se situe pas dans le ventre de ma mère mais dans le cerveau de mon père. Il m'a inventée, voyez-vous. Un jour, il s'est assis et m'a rêvée."
    Frenenqer Paje, à peine dix-sept ans, a vécu dans plein de pays. La seule constante est la main de fer de son père qui l'éduque avec une sévérité qui confine parfois à la cruauté.
    Mais un jour, la jeune fille ose, elle exige de ramener chez elle un chat mourant trouvé au souk. Sachant que chaque pas vers l'indépendance sera contré, que chaque acte de liberté sera puni.
    Le combat entre père et fille s'engage alors, avec un allié inattendu aux côtés de Frenenqer : le chat, qui s'est transformé en jeune homme aux ailes magiques. Avec lui, Frenenqer peut découvrir le monde entier si elle le désire. Mais est-elle prête à s'émanciper à ce point ?

     

    Auteur : Rinsai Rossetti

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 02 octobre 2013

     

    Prix moyen : 15€

     

    Mon avis : J’ai hésité à lire ce livre car j’avais lu pas mal de critiques négatives, notamment sur deux points :
    La phrase du résumé : "Je suis différente de la plupart des gens, car mon origine ne se situe pas dans le ventre de ma mère mais dans le cerveau de mon père. Il m'a inventée, voyez-vous. Un jour, il s'est assis et m'a rêvée." : Beaucoup de lecteurs ont jugé que cette phrase était fausse car Frenenqer n’a pas été crée par son père dans un labo ou autre mais est bien née de sa mère. Mais je ne suis pas d’accord avec eux. J’ai trouvé cette phrase très juste car, même si la jeune fille est bien née d’une femme, on a l’impression que son père n’a choisi sa compagne que dans la mesure où elle respectait certains critères pour qu’il puisse en obtenir sa fille parfaite. Il ne semble avoir quasiment aucune interaction avec sa femme, hormis pour lui faire des reproches et ne s’occupe que de Frenenqer qu’il veut modeler à l’image qu’il s’est faite d’elle bien avant sa naissance. On sent bien qu’il veut qu’elle soit parfaitement conforme à l’image qu’il se fait de la fille (et femme ?) idéale, qu’il veut la contrôler totalement et cela se ressent jusqu’à son prénom atypique, qu’il a choisi parce qu’il veut dire « retenue » dans une langue que l’héroïne ne révèle pas.
    Le second point qui était reproché au livre était des personnages « caricaturaux », là encore, je ne suis pas d’accord. Le père de Frenenqer est un père et mari abusif. S’il n’y a pas de violence physique, la violence psychologique qu’il exerce est inouïe. Et cette violence se porte sur toute la famille. La mère se désintéresse totalement de sa fille, ne cherchant qu’à se conformer aux désidératas de son époux et Frenenqer elle-même est tellement conditionnée qu’elle s’impose une attitude et des obligations sans même que son père n’ait à prononcer un mot. L’attitude du père est facilité par le fait qu’ils vivent dans un pays du Moyen-Orient, dans une ville entourée par le désert et où la toute puissance du père de famille est communément admise.
    Comme tout bon pervers narcissique, le père utilise l’intimidation, la violence sur les animaux (la scène de l’oisillon est quasiment insoutenable), les décisions et règles arbitraires (interdiction de lecture, interdiction de rester dans sa chambre, d’ouvrir la fenêtre…), la culpabilisation (en particulier l’humiliation qui s’abattrait sur lui si Frenenqer se comportait « mal » devant les gens), et surtout la violence verbale.
    La dureté et la brutalité de ses paroles soulèvent le cœur.
    Le roman est très bien écrit, la peur de Frenenqer et les limites qu’elle s’impose à elle-même, que ce soit réellement ou mentalement, sont très bien décrites ainsi que l’ensemble des contradictions qu’elle ressent au fil du roman.
    J’ai vraiment passé un excellent moment et je suis contente de ne pas m’être laissée freiner par les critiques négatives que j’ai pu voir.


    Un extrait : Je marchai en tête, pour lui montrer le point précis où commençait mon histoire. Nous nous installâmes sur le banc de pierre et, par-dessus notre épaule, jetâmes un coup d’œil au champ de tournesols qui dissimulait le sentier de Saint-Jacques.

    – Bel endroit pour être inventée, fit remarquer Sangris.

    – Sans doute. Sauf que mon père s’imaginait une fille qui…

    J’hésitai. Je n’avais encore raconté cela à personne. Mon père me l’avait dit une seule et unique fois. J’avais neuf ans et nous venions de nous installer en Sardaigne. J’avais été punie pour m’être battue avec un gamin à l’école – même si c’était lui qui avait commencé. Il m’avait envoyé un coup de pied dans les tibias et m’avait piqué mon cartable. J’avais calmement riposté de la même façon, ce dont un professeur avait été témoin. Le soir, à la maison, mon père m’avait déclaré, d’une voix à faire trembler l’univers entier : « Ma fille ne lève jamais la main sous l’effet de la colère, même confrontée à un danger de mort. Ma fille est la docilité incarnée. Elle se jetterait du haut d’une falaise si je lui demandais de le faire. Voilà ce qu’il faut que tu sois. C’est à cette fin que tu existes. Pour être la fille que j’ai décidé d’avoir. Une douce et noble créature. Si c’est pour toi chose impossible – si tu devais à nouveau te battre avec quelqu’un –, c’est que tu n’es pas Frenenqer Paje. Que tu n’es rien ni personne. C’est clair ? »


    Sangris grimaça, tandis que son regard errait entre les arbres, les tournesols desséchés et le puits d’eau fraîche.

    – Je ne vois pas en quoi c’est noble de se jeter du haut d’une falaise, dit-il.

    – Parce que ça exige de la volonté. Et de l’obéissance. Les marques d’affection mettent mon père mal à l’aise, ainsi que le fait de se mettre en avant, et tout le reste… C’est pourquoi il rêve d’une fille silencieuse, obéissante et réservée. La femme idéale, en somme.