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[Livre] Lire Lolita à Téhéran

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Lecture terminée le : 14 mars 2020

 

Résumé : Après avoir dû démissionner de l'Université de Téhéran sous la pression des autorités iraniennes, Azar Nafisi a réuni chez elle clandestinement pendant près de deux ans sept de ses étudiantes pour découvrir de grandes œuvres de la littérature occidentale. Certaines de ces jeunes filles étaient issues de familles conservatrices et religieuses, d'autres venaient de milieux progressistes et laïcs ; plusieurs avaient même fait de la prison. Cette expérience unique leur a permis à toutes, grâce à la lecture de Lolita de Nabokov ou de Gatsby le Magnifique de Scott Fitzgerald, de remettre en question la situation " révolutionnaire " de leur pays et de mesurer la primauté de l'imagination sur la privation de liberté. Ce livre magnifique, souvent poignant, est le portrait brut et déchirant de la révolution islamique en Iran.


Auteur : Azar Nafisi

 

Edition : 10/18

 

Genre : Témoignage

 

Date de parution : 01 septembre 2005

 

Prix moyen : 9€

 

Mon avis : Lire Lolita à Téhéran n’est que la 1ère des quatre parties composant le roman d’Azar Nafisi.
Je pense qu’il vaut mieux avoir lu les romans dont parle l’auteur avant de lire ce livre. Déjà parce qu’elle en raconte les éléments clefs, voire la fin de chacun d’entre eux, mais aussi parce qu’elle en fait une analyse qu’il est intéressant de découvrir en ayant connaissance de ces histoires.
Azar Nafisi nous raconte la révolution islamique telle qu’elle l’a vécu de l’intérieur.
J’ai trouvé vraiment intéressant cette analyse de la révolution faite en parallèle de l’analyse des livres.
Elle montre le manque d’arguments des islamistes conservateurs pour justifier leur haine de l’occident, leur incapacité à distinguer la fiction de la réalité, mais aussi leur lâcheté et leur hypocrisie car ce qu’ils interdisent farouchement aux autres, il ne s’en prive pas eux-mêmes.
On voit que bon nombre de personnes n’ont pas pris les islamistes au sérieux, y compris l’auteur. D’ailleurs, une scène dans un café montre à quel point elle a pu se montrer parfois irresponsable.
D’un côté, elle fait preuve à la fois de courage et de prudence en ne prenant que des filles dans son séminaire, et de l’autre, elle achète ouvertement des livres interdits dénichés dans de vieux stocks (ou des livres en passe d’être interdit par le régime), rencontre un homme qui n’est pas son époux dans des lieux publics…
On dirait parfois qu’elle cherche à se faire arrêter.
Ce qui est le plus étonnant, c’est de voir à quel point les valeurs dans les fictions anglo-saxonnes, celles-là même que la république islamistes interdit à cause de leur « décadence », sont en fait proche de celles prônées par le régime. Les conventions sociales à l’époque de Jane Austen étaient même parfois plus strictes et plus codifiées.
Le roman n’est pas raconté chronologiquement mais en fonction des souvenirs qui se rattachent aux divers romans qu’elle analyse.
J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur et lire la montée de la république islamique par une personne qui aime son pays et qui est revenue y vivre volontairement change des récits de ceux qui y sont retenus contre leur gré (comme dans jamais sans ma fille). D’ailleurs, si on sait que l’auteur est mariée, son époux n’est que très peu évoqué dans le livre et ne semble,  à aucun moment, tenter de contrôler les actes de son épouse.
Même si tous les points de vue, tous les témoignages sont sans nul doute digne d’intérêt et éclairent chacun à sa façon la vie du peuple iranien, lire le témoignage d’une personne qui ne s’est pas trouvé dans un danger particulier (crime d’honneur, prison, mariage forcé…) montre à quel point tout iranien, quel que soit ses idées et son niveau de vie, a été impacté par le changement de régime.

 

Un extrait : Pour recréer cet autre monde, celui qui s’étendait dehors, je ne peux une fois de plus que faire appel à votre imagination. Prenons une de mes étudiantes, disons Sanaz, quand elle quitte ma maison, et suivons-la jusqu’à sa destination finale. Elle nous dit au revoir, enfile sa longue robe et son foulard noirs par-dessus son jean et son tee-shirt orange, serre le nœud autour de son cou pour recouvrir ses énormes boucles d’oreilles en or.
Elle tire sous le tissu quelques mèches rebelles, met ses papiers dans le grand sac qu’elle porte en bandoulière et sort sur le palier. Elle s’arrête un moment en haut des escaliers pour enfiler les gants qui cacheront son vernis à ongle.
Suivons Sanaz dans l’escalier, jusqu’à la porte qu’elle ouvre, puis dans la rue. Vous remarquerez peut-être que son allure et ses gestes ont changé. Elle a tout intérêt à ne pas se faire remarquer, à ne pas être vue, ni entendue.
Elle ne se tient pas droite, mais baisse la tête vers le sol et ne regarde pas les passants qu’elle croise. Elle marche vite, avec une certaine détermination. Dans les rues de Téhéran et des autres villes d’iran, la milice patrouille dans des Toyota blanches, quatre individus des deux sexes par voiture, armés de fusils, avec quelquefois un minibus qui les suit.
On les appelle le Sang de Dieu. Ils surveillent les rues pour s’assurer que des femmes comme Sanza portent bien leur voile, qu’elles ne se sont pas maquillées, qu’elles ne se promènent pas en publiant avec d’autres hommes que leurs pères, leurs frères ou leurs maris. Sanaz va passer devant des slogans, citations de Khomeyni et d’un groupe appelé Parti de Dieu : LES HOMMES QUI PORTENT LA CRAVATE SONT LES LAQUAIS DE L’AMERIQUE. LE VOILE PROTEGE LES FEMMES. A côté de ce slogan un dessin au fusain : un visage sans traits encadré par un sombre tchador. GARDE TON VOILE, MA SŒUR. GARDE TES YEUX, MON FRERE.
Si elle prend le bus, elle s’assied du côté des femmes. Elle doit monter par la porte de derrière et s’installer dans les dernières rangées, qui leur sont réservées.
Mais dans les taxis, qui prennent jusqu’à cinq passagers et passagères, tous sont, selon l’expression consacrée, serrés comme des sardines, de même que dans les minibus où, selon nombre de mes étudiantes à qui cela était arrivé, les filles se faisaient tripoter par des barbus prétendant craindre Dieu.

 

Beaucoup aimé 4 étoiles.jpg

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