Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

[Livre] Un bûcher sous la neige

un bucher sous la neige.jpg

 

Lecture terminée le : 11 décembre 2019

 

Résumé : Au coeur de l'Ecosse du XVIIe siècle, Corrag, jeune fille accusée de sorcellerie, attend le bûcher.

Dans le clair-obscur d'une prison putride le Révérend Charles Leslie, venu d'Irlande espionner l'ennemi, l'interroge sur les massacres dont elle a été témoin. Mais, depuis sa geôle, la voix de Corrag s'élève au-dessus des légendes de sorcières, par-delà ses haillons et sa tignasse sauvage. Peu à peu, la créature maudite s'efface; du coin de sa cellule émane une lumière, une sorte de grâce pure. Et lorsque le révérend retourne à sa table de travail, les lettres qu'il brûle d'écrire sont pour sa femme Jane, non pour son roi.

Chaque soir, ce récit continue, Charles suit Corrag à travers les Highlands enneigés, sous les cascades où elle lave sa peau poussiéreuse des heures de chevauchée solitaire. Chaque soir, à travers ses lettres, il se rapproche de Corrag, la comprend, la regarde enfin et voit que son péché est son innocence et le bûcher qui l'attend le supplice d'un agneau.


Auteur : Susan Fletcher

 

Edition : J'ai Lu

 

Genre : Historique

 

Date de parution : 29 Mars 2013

 

Prix moyen : 8€

 

Mon avis : Ce roman ne ressemble pas à ceux que je lis d’ordinaire.
Il est à deux voix. Celle de Charles, d’abord, un ecclésiastique, mais aussi un jacobite qui espère trouver de quoi faire tomber Guillaume d’Orange et rétablir Jacques Stuart sur le trône en enquêtant sur un massacre commis en Ecosse.
Celle de Corag, ensuite, une jeune fille dont j’estime l’âge à 18 ans, qui aurait été témoin du massacre et qui attend, dans une geôle sordide, que le dégel permette de construire le bûcher auquel on la destine.
Il faut noter d’abord que ce roman se classe dans les historiques car les éléments principaux sont bel et bien réels. Le massacre dont il est question a bien eu lieu (et il a d’ailleurs servi d’inspiration à George R.R. Martin pour ses noces pourpres) ; Charles Leslie a bien existé (vous pouvez lire sa biographie, en anglais ICI) et Corrag fait l’objet d’une légende que vous pouvez découvrir, toujours en anglais, ICI. On ne sait donc pas si elle a vraiment existé, mais il n’est pas rare que les légendes soient tissées autour de personnes bien réelles.
Pour en revenir au livre de Susan Fletcher, il est donc à deux voix. Mais ces voix ne s’adressent qu’indirectement l’une à l’autre.
La voix de Charles, on ne l’entend qu’à travers les lettres qu’il écrit à l’épouse qu’il a laissé en Irlande. D’abord très rigide, presque obtus, il semble pourtant autant touché par Corrag que j’ai pu l’être. Entre les doux reproches de son épouse, qu’on devine au fil des lettres de Charles, et le récit de la jeune femme, on sent clairement certaines de ses certitudes vaciller.
Corrag est la seconde voix de ce livre, et la plus présente.
Avant d’accéder à la demande de Charles et de lui dire ce qu’elle sait sur le massacre, Corrag exige de raconter son histoire.
Et bon sang, quelle histoire !

J’ai été tellement émue par Corrag. Alors qu’elle est promise à une mort atroce, que sa terreur fait parfois surface, que la vie ne lui a fait aucun cadeau, elle tient un discours sur la vie, la nature, les croyances, absolument époustouflant.

Une réflexion de Corrag a le mérite de faire réfléchir Charles : Pourquoi ceux qui sont proches de la nature sont-ils presque toujours accusés de sorcellerie si la nature est une création de Dieu ?
Dans ce roman, on écoute une histoire, un récit sans dialogue.
D’habitude, l’absence de dialogue est plutôt rédhibitoire pour moi, mais là j’étais tellement prise dans l’histoire de Corrag que j’ai presque entendu les dialogues se détacher de son récit.
Et puis, au fil de l’histoire, il y a ces petites mentions à la neige qui fond, au bûcher qui se construit. Avec l’approche du dégel, une angoisse a commencé à poindre. La peur de voir la fin de Corrag.
La fin est magnifique, avec, pour moi, une grande mélancolie.
Ce n’est pas un livre qui se dévore, c’est un livre qui se savoure.

Et je vous le conseille vivement.

 

Un extrait : Quand ils viendront me chercher, je penserai à l’extrémité de la corniche du nord, car c’est là que j’ai été le plus heureuse, avec le ciel et le vent, et les collines toutes sombres de mousse ou de l’ombre d’un nuage les survolant. Je reverrai ce moment où un coin de montagne s’éclaire soudain, comme si ce rocher avait été choisi entre tous les autres par le soleil, marqué par ses rayons. Il va briller, puis s’assombrir à nouveau. Je serai là cheveux au vent puis rentrerai chez moi. J’aurai en moi ce rocher éclairé par le soleil. Je le garderai en sécurité.

Ou bien je penserai à ma course dans la neige. Il n’y avait pas de lune mais je voyais l’étoile du matin, on dit que c’est l’étoile du diable mais c’est aussi celle de l’amour. Elle luisait cette nuit-là, elle luisait très fort. Et moi je courais au-dessous en me répétant que tout aille bien que tout aille bien. Puis j’ai vu les terres en bas qui étaient tellement paisibles, tellement blanches et immobiles et endormies que j’ai pensé que l’étoile avait peut-être entendu, alors tout allait bien, la mort n’approchait pas. C’était une nuit de beauté, à ce moment. La plus grande beauté que j’avais vue de toute ma vie. Ma courte vie.

Ou encore je penserai à toi.

Dans mes derniers instants silencieux, je penserai à lui près de moi. Comment, très doucement, il a dit : toi…

Certains l’appellent un sombre endroit, comme s’il n’y avait rien de bon à trouver dans ces collines. Mais du bon, moi je sais qu’elles en étaient pleines. Je grimpais sur les hauteurs enneigées. Je m’accroupissais au bord du loch et je me penchais pour y boire, si bien que mes cheveux flottaient dans l’eau, et je levais la tête pour voir la brume tomber. Par une claire nuit de gel, alors qu’on racontait que tous les loups avaient disparu, j’en ai entendu un qui hurlait du côté de Bidean nam Bian. C’était un cri tellement long et triste que j’ai fermé les yeux en l’entendant. Il pleurait sa propre fin, je crois, ou la nôtre, comme s’il savait. Les nuits là-bas ne ressemblaient à aucune autre. Les collines étaient très noires, des formes découpées dans du drap, le drap du ciel bleu foncé, étoilé. Je connaissais les étoiles, mais pas ces étoiles-là.

Voilà de quoi elles étaient faites, les nuits. Et les jours, c’étaient des nuages et des rochers. Les jours, c’étaient des sentiers dans l’herbe, et cueillir mes plantes dans des coins détrempés qui me tachaient les mains et laissaient sur moi leur odeur de tourbe. J’étais mouillée, je sentais la tourbe. Des biches suivaient leurs chemins. Je les suivais moi aussi, ou me blottissais dans leurs tanières et le reste de leur chaleur. Je voyais ce que leurs yeux noirs avaient vu avant mes yeux à moi. Les jours là-haut, voilà de quoi ils étaient faits : des petites choses. Par exemple, observer la rivière qui se sépare en deux autour d’un rocher et après se réunit.

Ce n’était pas sombre. Non.

L’obscurité, il fallait que je la trouve. Il fallait basculer des rochers ou la chercher dans des grottes. Les nuits d’été pouvaient être tellement claires, tellement remplies de lumière que je me recroquevillais comme une souris, me couvrais les yeux avec la main pour avoir un peu d’obscurité où dormir. C’est comme ça que je dors, même maintenant, recroquevillée.

 

coup de coeur.jpg

Écrire un commentaire

Optionnel