Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !
Cette semaine, je vous présente Qui je suis de Mindy Mejia dont vous pouvez lire ma chronique ICI
Fuguer, ça craint.
J’étais là, à l’endroit même dont j’avais si souvent rêvé pendant les cours de maths, devant le tableau des départs de l’aéroport de Minneapolis, et chaque détail était exactement tel que je me l’étais représenté. Je portais ma tenue de voyage : legging noir, ballerines et sweat-shirt couleur crème, trop grand, qui avalait mes mains et faisait paraître mon cou encore plus long et fin qu’en temps normal. J’avais ma belle valise en cuir et assez d’argent dans mon porte-monnaie pour m’envoler vers tous les endroits que j’avais imaginés. Je pouvais aller n’importe où. Faire tout ce que je voulais. Alors, pourquoi me sentais-je prise au piège ?
J’avais quitté la maison en douce à 3 heures du matin, en laissant un mot sur la table de la cuisine, qui disait simplement : « À un de ces jours. Je vous aime, Hattie. » Un de ces jours, évidemment, ça pouvait vouloir dire n’importe quand. Dans dix ans peut-être. Je ne savais pas. Peut-être que la douleur ne disparaîtrait jamais. Peut-être que je ne pourrais jamais partir assez loin. Le « Je vous aime, Hattie », c’était un peu trop. Dans ma famille, on n’était pas du genre à laisser des messages d’amour dans toute la maison, mais même si mes parents soupçonnaient un truc louche, jamais ils ne penseraient que j’allais traverser le pays en avion.
J’entendais presque la voix de maman : Ça ne ressemble pas à Hattie. Il ne lui reste plus que deux mois d’école avant la remise des diplômes et elle joue Lady Macbeth dans la pièce du lycée, bon sang ! Elle était tout excitée.
Je chassai cette voix imaginaire pour parcourir de nouveau la liste des destinations, en espérant connaître cette exaltation que j’aurais cru ressentir en quittant enfin Pine Valley. Je n’avais pris l’avion qu’une seule fois, quand nous étions allés voir de la famille à Phoenix. Je me souvenais qu’il y avait un tas de boutons et de lumières sur mon siège et que les toilettes ressemblaient à un engin spatial. J’avais voulu commander quelque chose à l’hôtesse qui passait avec son chariot, mais maman avait des pâtes de fruit dans son sac, et c’était tout ce qu’on avait à manger, à part des cacahouètes, et je n’en avais même pas eu. Greg savait que je n’aimais pas ça, et il avait pris les miennes. J’avais été en colère pendant tout le reste du voyage parce que j’étais certaine que j’aurais aimé les cacahouètes de l’avion. C’était il y a huit ans.
Aujourd’hui, ce serait mon deuxième vol, pour ma deuxième vie.
Et je n’aurais pas été plantée là, paralysée et pitoyable, s’il y avait eu une place disponible dans l’un des vols à destination de La Guardia ou de JFK. C’était ça le problème quand on décidait, sur un coup de tête, de fuguer la veille de Pâques. L’aéroport ressemblait à un grand magasin le premier jour des soldes et la queue aux contrôles s’étendait jusque dehors, sur le trottoir. Il n’y avait pas de place pour New York avant lundi matin à 6 heures, mais ça faisait trop long à attendre. Il fallait que je quitte cet État dans la journée.
Alors, tentés?