Résumé : À la mort de Richard Walker, un vieil homme solitaire, acariâtre et très riche, son ex-femme, ses deux enfants et sa petite-fille retournent dans la maison familiale pour la succession. Mais la bâtisse est hantée. Hantée par des souvenirs d’enfance qui resurgissent à mesure que les nouveaux arrivants se réapproprient les lieux. Hantée également par de vrais fantômes qui observent et commentent les agissements de chacun, en espérant qu’un jour, enfin, ils pourront quitter les lieux à tout jamais. La très guindée Alice et la cynique Sandra, toutes deux mortes depuis longtemps, sont peu disposées à laisser la place aux nouveaux occupants. Les deux fantômes jouent des coudes pour rester maîtresses de leur propriété au travers de laquelle elles communiquent : escalier qui grince, radiateur qui siffle et ampoules qui grésillent remplacent les mots pour communiquer avec les nouveaux locataires. Mais bientôt, les vivants comme les morts seront confrontés à leur passé et à des vérités douloureuses…
Auteur : Lauren Oliver
Edition : Le Livre de Poche
Genre : Young adult
Date de parution : 14 Octobre 2015
Prix moyen : 19€
Mon avis : Dans ce roman aux multiples personnages, le point commun à tous est la maison.
Vivants et morts se côtoient dans cette demeure qui a été le témoin muet de tant de drames et de secrets.
Alice et Sandra sont deux défuntes qui cachent de nombreux secrets, elles sont rongées par la rancune, les remords, les regrets, voire la culpabilité.
Autour des obsèques de Richard Walker, l’actuel propriétaire de la maison, les secrets et les non-dits vont se révéler peu à peu, quel que soit le coté de la barrière.
A part Trenton, Amy et Alice, je n’ai franchement pas trouvé les personnages sympathiques. La plupart d’entre eux sont emplis de haine et se comportent de manière intolérable.
Minna est sans doute celle qui est le plus détestable au premier abord : elle est agressive, violente, cruelle, odieuse même. Elle se comporte comme une vraie nymphomane, agresse les hommes qui ne cèdent pas immédiatement à ses charmes, reporte son dégoût d’elle-même sur les autres, bref elle est insupportable. Mais au fur et à mesure que ses secrets se dévoilent, on comprend mieux son attitude même s’il est difficile de l’excuser tant elle semble refuser de faire le moindre effort pour s’en sortir, ne serait-ce que par égard pour sa fille de 6 ans.
Trenton et Sandra, on peut les comprendre car on sait de suite ce qu’il leur est arrivé, même si ce qu’on croit savoir n’est que le sommet de l’iceberg ou n’est pas la totale vérité. Cependant, on peut comprendre leur colère et leurs agissements.
Aux premiers abords, Alice semble être la plus instable de tous. Mais on réalise vite que c’est la première occupante de la maison, celle qui a le plus connu la solitude, qui est coincé à l’état d’esprit depuis le plus longtemps. De plus, ses secrets sont sans nul doute les plus difficile à découvrir et ce n’est d’ailleurs qu’à la fin qu’on les découvrira tous. Quand on pense au temps qu’elle a passé à ressasser sa douleur et ses regrets, on ne s’étonne plus de son caractère et de son tempérament.
Finalement, au fil de ma lecture, c’est Caroline qui m’a le plus insupportée. Elle est complètement dérangée. Elle est aussi celle qui se plaint le plus, qui ramène tout à elle, et qui part le plus en vrille alors qu’elle est certainement aussi celle qui a le moins de raisons de se comporter ainsi.
Le rythme est lent, il ne faut pas s’attendre à voir les fantômes surgir des murs en criant « bouh » ou en faisant s’écrouler un lustre sur la tête d’un flic innocent. On a ici plus une introspection qu’une histoire de fantômes et les raisons des comportements de chacun se dévoilent peu à peu. Le roman se découpe selon le plan de la maison, les pièces faisant office de parties et les points de vue des personnages de chapitres.
Seul les points de vues d’Alice et Sandra sont à la première personne. Elles sont les seules à vraiment donner leur sentiment sur les évènements. Les autres points de vue sont écrit à la troisième personne et on a le sentiment qu’il s’agit en fait toujours du point de vue des esprits, mais qu’elles racontent ce que font et voient chaque personnage alors que dans leurs propres chapitres, elles s’attachent à donner leur ressenti.
Tout dans ce livre, des personnages tous plus abîmés les uns que les autres, aux secrets qu’ils dévoilent, en passant par les liens les unissant qui se détendent ou se resserrent, tout fait de ce livre une excellente lecture.
Un extrait : Sandra veut prendre les paris : Richard Walker mourra-t-il chez lui ou non ? Je ne sais pas depuis quand cette passion s’est emparée d’elle. Vivante, elle n’avait rien d’une joueuse. Je suis même en pouvoir d’affirmer que c’était l’un des seuls vices qu’elle n’avait pas. Ces derniers temps, elle s’exclame « Je te parie ceci, je te parie cela » à tout bout de champ.
— Il va clamser ici, tu verras, affirme-t-elle avant d’ajouter : Arrête de m’envahir.
— Je ne t’envahis pas.
— Si. Tu ne me laisses pas respirer.
— De toute façon, tu ne peux pas.
— Je te décris ce que je ressens.
Richard Walker gémit. Serait-il possible qu’aujourd’hui, après toutes ces années, il puisse nous comprendre ?
J’en doute. Malgré tout, l’idée est alléchante.
Quelle langue parlons-nous ? Celle des craquements et des murmures, des grognements et des frémissements. Mais vous le savez. Vous nous avez entendus. Simplement, vous n’avez pas su interpréter ces sons.
L’infirmière de jour prépare les médicaments de Richard dans la salle de bains, alors qu’elle doit bien savoir elle aussi que personne ne peut plus rien pour lui. La chambre sent le sirop pour la toux, la transpiration et l’odeur âcre, animale, d’urine qui imprègne les vieilles granges. Les draps n’ont pas été changés depuis trois jours.
— Alors, tu en penses quoi ? insiste Sandra. Chez lui ? Ou à l’hôpital ?
J’aime faire des paris avec Sandra. Ça désagrège l’espace – les longues heures aqueuses, le temps sirupeux. Le jour n’est plus le jour pour nous, la nuit plus la nuit. Les heures se déclinent en différentes nuances de brûlant et de chaud, d’humide et de sec. Nous n’accordons plus d’attention aux horloges. Pourquoi le ferions-nous ? Midi a le goût de la sciure et est aussi peu plaisant qu’une écharde glissée sous un ongle. Boue et mastic en décomposition, voilà le matin. Odeur de tomates cuites et de moisi, la soirée. Quant à la nuit, elle est frisson, et la sensation de souris nous reniflant la peau.
Des séparations, c’est ce qu’il nous faut. Un espace et des frontières. Ton côté, le mien. Autrement, nous commençons à converger. Il n’y a pas de plus grande peur, de pire danger pour les morts. La lutte pour rester soi-même est permanente.