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[Livre] Mousseline la sérieuse

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Résumé : Sylvie Yvert se glisse dans les pas de Madame Royale et donne voix à cette femme au destin hors du commun qui traversa les événements avec fierté et détermination. Sous sa plume délicate et poignante, la frontière entre victoire collective et drame intime se trouble pour révéler l’envers du décor de cette histoire de France que nous croyons connaître.

 

Auteur : Sylvie Yvert

 

Edition : France Loisirs

 

Genre : Historique

 

Date de parution : 11 février 2016

 

Prix moyen : 18€

 

Mon avis : De Marie-Thérèse Charlotte de France, Madame Royale, puis duchesse d’Angoulême, j’avais déjà lu : « La princesse effacée » d’Alexandra de Broca.
Ici, on (re)découvre la princesse dans un récit à la première personne, comme un témoignage qui nous serait délivré par-delà le temps.
L’auteur a fait de nombreuses recherches. Elle s’est bien sûr appuyée sur les 18 feuilles du journal écrit par Marie-Thérèse durant sa captivité, mais aussi sur les archives, sur les minutes des différents procès, sur les témoignages des contemporains ayant approchés les prisonniers du temple de plus ou moins près…
Le récit est bien sûr fictif mais sonne étrangement juste à nos oreilles. Il est évident qu’une fillette de onze ans qui voit sa vie basculer sans réellement comprendre pourquoi et qui va rester prisonnière jusqu’à ses 17 ans, dont plus d’un an sans avoir connaissance de l’exécution de sa mère et de sa tante, va avoir un regard sans complaisance sur les révolutionnaires.
Le titre du livre vient du surnom que lui donnait sa mère, Marie-Antoinette, et un de ses oncles (je ne sais plus si c’était le comte de Provence ou le comte d’Artois) : Mousseline la sérieuse ou Mousseline la triste, du à son exceptionnelle gravité.
Très proche de ses parents, tout en précisant que sa mère était plus stricte que son père, la fillette a le caractère de  Marie-Antoinette (un révolutionnaire dira de la reine : « Louis XVI n’a qu’un homme à ses côtés, c’est la reine » et napoléon qualifiera, des années plus tard, Marie-Thérèse de « seul homme de la famille ») et de sa grand-mère qui lui a donné son nom.
C’est (selon l’histoire) au crépuscule de sa vie qu’elle décide de rendre public les évènements tels qu’elle les a vécus. Si la majorité du livre tourne autour de la révolution, une seconde partie, plus courte, raconte ce qu’il s’est passé après qu’elle ait été échangée contre des prisonniers (dont l’infâme Drouet, celui qui a dénoncé son père lors de la « fuite » de Varenne).
Marie-Thérèse a embarrassé les révolutionnaires. D’un côté elle était fille de roi, donc une « ennemie », d’autant plus que les révolutionnaire ne reconnaissait pas comme valable la loi salique qui interdit aux femmes de régner. D’un autre côté, c’était une fillette, un peu trop grave, un peu trop réservée, ayant vécu un emprisonnement éprouvant, et les chefs de la révolution craignaient que le peuple ne prenne fait et cause pour elle (d’ailleurs lorsque l’échange contre les prisonniers a eu lieu, ils l’ont fait partir de nuit et sous un faux nom… juste au cas où).
Le mieux pour eux était de la laisser dans l’ombre, oubliée. Dans des conditions de détentions lamentables qui ne se sont légèrement améliorées qu’après la chute de Robespierre.
Marie-Thérèse a toujours gardé une haine tenace envers les révolutionnaires (on peut le comprendre), haine qui ne s’est pas étendu à la France ou au peuple français qu’elle a toujours aimé. Quitter la France pour l’exil fut un vrai déchirement pour elle.
Lorsque son oncle d’Artois va monter sur le trône, elle va le voir, impuissante, se rapprocher d’un extrémisme monarchique qu’elle condamne aussi sévèrement que l’extrémisme révolutionnaire. Hélas, il ne prendra en compte ses conseils que trop tard.
Par la voix de la duchesse, Sylvie Yvert nous livre un portrait nouveau de Louis XVI, plus qu’un homme incapable de décision et faible, elle nous dépeint un homme résolu à ne pas recourir à la violence, prêt à renoncer à la monarchie absolue mais pas à ses convictions (d’où son refus de signer la loi faisant des prêtres réfractaires des criminels).
Quelques soient les souffrances du peuple, quelle que soit la part de manipulation de la part des grand bourgeois, les conditions de détention de la famille royale après l’exécution de Louis XVI ont été lamentables, surtout en ce qui concerne les enfants.
On a un peu trop tendance à parer les révolutionnaires de toutes les vertus, et les nobles de tous les vices, en oubliant que les monstres, eux, n’ont pas de classe sociale.

 

Un extrait : De votre roi j’étais la fille. La fille oubliée de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La sœur aînée de Louis XVII et la seule rescapée de la prison du temple. Née princesse royale sous le drapeau blanc, dans une monarchie de droit divin, au milieu des ors d’un palais voulu par le Roi-Soleil, j’ai assisté il y a peu à la première élection d’un président de la République au suffrage universel sous la bannière tricolore. Entre-temps, j’ai affronté les convulsions de l’Histoire : trois révolutions, l’Empire, la Restauration, la monarchie de juillet, la Seconde République.
Aujourd’hui exilée, j’avais dix ans lorsque la monarchie s’est effondrée, et jamais princesse ne fut davantage poursuivie par le malheur. Qu’on en juge : emprisonnée plus de trois années, dont une sans savoir que ma mère et ma tante, à l’instar de mon père, avaient été exécutées ni que mon frère les avait suivi dans la tombe. Libérée, je fus trois fois contrainte à l’exil, pendant quatre décennies, passant ainsi la moitié de mon existence éloignée de ma chère France.

A soixante-dix ans, usée et lucide, je suis une survivante. Aujourd’hui, en 1850, je prends la plume, au bord du Grand Canal de Venise – et non celui de Versailles où, enfant, je pêchais à la ligne. Si j’ai fait montre d’une réserve légendaire, ne confiant mes peines qu’au ciel, je cède maintenant au besoin que mon cœur éprouve de témoigner et de léguer mon histoire qui se confond avec celle, Ô combien tourmentée de notre pays.
Si la Révolution évoque la Bastille, le serment du Jeu de Paume, Varennes, l’incarcération de ma famille, la décapitation de mes parents et la mort de mon frère au temple, peu en connaissent les cruels détails. Ceux-ci paraitront minutieux aux cœurs froids qui n’ont pas connu nos misères. Et je n’y pense jamais sans m’étonner d’être encore en vie, étant restée sur le volcan révolutionnaire si souvent en éruption, prêt à m’ensevelir dans ses gouffres où tant de malheureux, en sus des miens, ont péri.
Que sait-on, en vérité, des évènements qui ont suivi, hormis qu’un général corse a prétendu fonder un nouvel Empire romain ? Se souvient-on que les Bourbons ont repris, une dernière fois, la destinée du royaume, rétablissant la paix et la prospérité dans un pays exsangue ?
Fille, nièce et belle-fille des trois derniers rois de France, j’ai été l’ultime et furtive reine de France et de Navarre, selon Napoléon « le seul homme de la famille ». Qui se le rappelle ?

Depuis la disparition des miens, j’ai été regardée comme une « mangeuse de reliques » voire comme « ce qui nous reste de Louis XVI », ou encore la fille du roi martyr, l’orpheline du temple, l’Antigone française. N’ai-je été que cela ?
Au seuil de la tombe, j’entends défendre les Bourbons devant le seul tribunal recevable ici-bas : la postérité. Tant de sottises ont été écrites, tant de contrevérités assénées… Faisant violence à mon tempérament peu loquace, je veux enfin raconter une histoire vécue, de chair et de sang. Si l’on venait à croire que j’ai voulu sacrifier la vérité à la reconnaissance, cela n’est pas mon intention. Je ne cherche pas non plus à attirer la pitié, je ne l’ai que trop subie. Mais si l’Histoire est un mensonge que personne ne conteste, alors qu’on me permette de la réfuter, car les faits que je vais rapporter pourraient se révéler plus surprenants que les œuvres de l’imagination.

 

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