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Premières lignes #126

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

Cette semaine, je vous présente Ne la réveillez pas d'Angelina Delcroix

Ne la réveillez pas.jpg

10 mars 2015, Seine-­et-Marne

Il m’a vu ! Je dois courir plus vite. Si je me retourne, je suis mort.

Des cris horribles ! C’est ça qui m’a réveillé. Et tout ce sang ! Mais qu’est-­ce que je faisais dans cette forêt ?

Impossible de me souvenir.

Le goût métallique sur mes lèvres me balance de violents coups de pied à l’estomac.

Je dois sauver ma peau.

Je le sens, il se rapproche de moi. Putain ! Non ! Je ne veux pas mourir !

J’ai si mal dans ma poitrine. Mon cœur va exploser, mais je ne dois pas ralentir.

C’est qui, ce type ? Et la femme ? Ça ne peut pas être elle.

La nuit tombe. Je n’y vois plus rien. Les branches se jettent devant moi. Mes pieds s’emmêlent dans les souches. Merde !

Pourtant, ces cheveux blonds, ce jogging gris et ces baskets roses. Je sais qu’elle vient courir ici deux soirs par semaine. Non ! Impossible !

J’y suis. L’arbre tressé. C’est juste derrière. Ma gorge me brûle et laisse échapper des sifflements ridicules.

Les ronces s’acharnent sur moi. Je n’ai pas le temps de les esquiver. Je fonce à travers toutes ces griffes. L’une d’elles m’agrippe le coin de la paupière et gagne un bout de chair. Mon œil se ferme sous la douleur, et ma main vient monter la garde.

La stupeur me fige. C’est quoi, ça ? Pourquoi je porte des gants ?

Et tout ce sang dessus ! Beaucoup trop pour qu’il vienne de mon œil.

La voilà ! Elle est immense, cette baraque ! Pourquoi je me sens si mal en la voyant ? Et si la gueule du loup était devant moi ? Je suis pris au piège et la peur se propage en moi à une vitesse hallucinante.

Je n’ai plus le choix. Mes muscles, inondés de vagues brûlantes, se tétanisent. Je n’arrive plus à accélérer.

Je me jette contre la porte en bois et tape de toutes mes forces en regardant derrière moi. S’il arrive avant qu’on m’ouvre ! J’veux pas crever, pitié !

Une lucarne à l’étage s’allume. Je continue à tambouriner en hurlant d’ouvrir.

 

J’entends le bruit de la clé dans la serrure. Mon instinct de survie irradie chaque partie de mon corps. Je force sur la porte pour m’engouffrer à l’intérieur, mais une main se pose sur mon torse et me repousse fermement.

— Doucement, Numéro 10.

— Laissez-­moi rentrer ! Il va me buter !

J’essaye de me faufiler sur le côté, mais l’homme m’en empêche.

Numéro 10. Pourquoi il m’appelle Numéro 10 ?

— N’oublie pas, Numéro 10, tout ceci n’est qu’un jeu.

Le jeu ! J’arrête de lutter. L’homme enlève sa main.

Je regarde derrière moi. Tout est calme.

— Tu as réussi, Numéro 10.

Réussi quoi ? Je ne comprends rien à ce qu’il raconte, et j’ai une sensation désagréable quand sa voix pénètre mes oreilles.

— Il était juste derrière moi, là ! Il est où ?

— Il est là, me dit-­il froidement.

Quoi ? La peur se transforme en un truc monstrueux dans mon ventre. Mon cœur essaye de sortir de ma poitrine. Tout se brouille.

— Tu as accompli la mission, Numéro 10.

La mission !

Ça me revient !

Ma mère. Son jogging gris et ses baskets roses. Ses boucles blondes qui se sont colorées en un carmin effrayant sous mes yeux. Non ! Pas elle !

Je baisse lentement la tête. Mes vêtements sont recouverts de sang. Comment c’est possible ?

Je glisse mes yeux vers l’homme en face de moi. Ce regard, je le connais. Je bloque dessus.

— Excellent. Tu es prêt, dit-­il en souriant.

Mon crâne ! Ça serre tellement ! C’est horrible. Mes mains se plaquent de chaque côté de ma tête pour l’empêcher d’exploser. En vain.

18 mars 2015, Alpes-­Maritimes

Il m’a vu ! Je dois fuir. Si je me retourne, je suis mort.

Mais qu’est-­ce que je foutais dans cette maison ?

La table en verre. Elle a explosé, et c’est là que je me suis réveillé.

Il était déjà trop tard. Le corps était désarticulé sur l’amas de rasoirs transparents, et la gorge n’en finissait pas de se purger.

C’était qui, cette femme ? Impossible de le savoir, vu l’état de son visage.

Je cours à travers les ruelles sombres. Je dois sauver ma peau.

Je sors de la ville. Je sais qu’il faut aller à droite juste après le panneau. Le panneau ! Villefranche-­sur-Mer.

Mon souffle est court. Je ressemble à un gibier traqué qui pue la mort.

Deuxième à gauche.

Les lampadaires n’éclairent pas plus loin que leurs pieds ! J’y vois rien. Il peut surgir de n’importe où.

La peur grossit mes muscles, et mes foulées s’accélèrent.

Maintenant, première à droite.

C’est quoi, ce GPS dans ma tête ?

Villefranche, c’est là qu’elle habite. Non ! Impossible !

Voiture grise au plafonnier allumé. C’est là que je dois aller.

Comment je le sais ?

J’entends des pieds frapper le bitume. Il est tout près ! Non, c’est moi ! J’en sais rien ! La peur trompe tous mes sens.

Le nom sur la sonnette. Ça me revient ! Non ! Elle ne peut pas être morte. Pas elle.

Je vois la voiture. Elle est garée de l’autre côté de la route. Il y a un homme au volant.

Et si c’était un piège ? Je ferais mieux de continuer.

Mais je ne peux plus. Mon corps souffre trop.

J’ouvre la portière. Une bâche en plastique recouvre mon siège.

Je penche la tête pour voir qui m’attend. Je le connais, je grimpe et lui crie de démarrer.

Il ne bouge pas.

— Allez, on se casse ! Il arrive !

Il est trop calme, ce n’est pas normal !

— Je sais. Ça va, Numéro 10, n’oublie pas que tout ceci n’est qu’un jeu.

Le jeu !

Je regarde dans le rétro. Tout est calme. Rien d’autre que des halos orangés à intervalles réguliers sur la route. Je n’ai pas rêvé, pourtant ! Il était bien derrière moi !

— Tu as réussi, Numéro 10.

Réussi quoi ? Je n’aime pas ce que je ressens. Sa voix me tétanise. Mon esprit se brouille. Quelque chose s’empare de moi à l’intérieur de mon crâne et essaye d’arracher mes tempes pour sortir.

Je baisse la tête. Mon pantalon… J’hallucine ! C’est pas possible !

Je ferme les yeux pour chasser la vision malsaine. Quand mes paupières finissent par s’ouvrir, tremblantes, le sang est toujours là. Partout. Il y en a trop ! Mes mains aussi sont recouvertes de ce rouge visqueux. Mon cœur frôle mes lèvres.

Je regarde l’homme à côté de moi. Ses yeux absorbent les miens. Je ne peux plus m’en extraire.

— Mission accomplie, Numéro 10.

La mission !

Ça me revient !

Ma mère. Villefranche. Son nom sur la sonnette. Non ! Pas elle.

— Excellent.

Mon crâne ! Mon cerveau va partir en bouillie ! Mes yeux se verrouillent en une grimace atroce. Plus rien.

 

Alors, tentés?

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