Lecture terminée le : 06 août 2020
Résumé : Hiver 1945. Quatre adolescents. Quatre destinées.
Chacun né dans un pays différent. Chacun traqué et hanté par sa propre guerre.
Parmi les milliers de réfugiés fuyant à pied vers la côte devant l'avancée des troupes soviétiques, quatre adolescents sont réunis par le destin pour affronter le froid, la faim, la peur, les bombes... Tous partagent un même but : embarquer sur le Wilhem Gustloff, un énorme navire promesse de liberté...
Auteur : Ruta Sepetys
Edition : Gallimard
Genre : Historique
Date de parution : 16 Juin 2016
Prix moyen : 16€
Mon avis : Il semblerait que Ruta Sepetys soit une spécialiste des romans se déroulant lors de la seconde guerre mondiale. J’en ai repéré plusieurs, le sel de nos larmes est le premier que je lis.
Dans ce roman, Ruta Sepetys revient sur un événement peu connu de la seconde guerre mondiale : le naufrage du Wilhem Gustloff, un bateau allemand qui devait évacuer les militaires blessés et le plus grand nombre possible de civil allemands qui fuyaient devant l’avancée des forces russes, et qui fut torpillé par un sous-marin russe, entrainant la mort de plus de 9000 personnes.
L’histoire étant écrite par les vainqueurs, et la découvertes des horreurs perpétrés par le 3ème Reich, fait que, pendant des années, on a occulté toute référence à ce qu’on subit les allemands (qui n’étaient pas tous fidèles aux idées d’Hitler et dont bon nombre ont été, autant que les autres peuples, les victimes de la folie destructrice de cet homme).
Dans ce livre, on suit quatre personnages très différents les uns des autres. Les chapitres alternent entre ces quatre personnages. Ces chapitres sont très (trop) courts.
Ce passage rapide d’un personnage à l’autre a fait que j’ai eu du mal à ressentir de l’empathie pour les protagonistes et à m’attacher à eux. En fait, je me suis surtout attachée au vieux cordonnier qui est présent dans les chapitres de trois des quatre personnages et qui a de nombreuses interactions avec eux.
En revanche, pour l’un des personnages, les chapitres ne sont jamais assez courts tant ce gamin qui se prend pour un homme est abject. Totalement en admiration devant Hitler, il chantonne à longueur de temps la liste des « ennemis » du Reich, et il vit en permanence dans une sorte de délire mégalomaniaque, se pensant supérieur à tous.
La plus grande partie du roman se déroule sur le chemin pour arriver au port et sur l’embarquement.
On va peu à peu découvrir le passé des quatre personnages principaux. Chacun d’entre eux cache des secrets, plus ou moins lourd. Certains de ces secrets met leur détenteur en danger.
Ruta Sepetys détaille avec beaucoup de précision les dangers rencontrés sur la route ainsi que le tri de la population et la montée dur les bateaux avec toute l’horreur qui en découle : trier les soldats selon la gravité de leurs blessures et laisser sur le carreau les plus durement touchés, les condamnant à une mort certaine. Le tri des civils est encore plus déchirant : les enfants embarquent parce que le régime sait qu’ils pourront être éduqués dans leur idéologie, les femmes de type aryen en âge d’enfanter aussi, pour des raisons évidentes… Tous ceux qui peuvent être utiles au régime… et même là, tous ne peuvent pas être sauvés.
Bien que les paquebots aient une capacité d’environ 1000 à 1500 personnes, c’est plus de 10000 âmes qui seront embarqués sur le Wilhem Gustloff. On imagine donc sans peine la façon dont ces pauvres mastres vont être entassés.
Au regard du temps passé sur le trajet et la durée de l’embarquement, le naufrage en lui-même est presque survolé. Il est raconté de manière très froide, presque clinique. Toujours du point de vue de chacun des personnages mais je n’ai pas ressenti le chaos que je m’attendais à ressentir.
J’ai également été un peu déçue par la rapidité de la fin. En elle-même c’est une très belle conclusion, remplie d’espoir et d’amertume, mais j’aurais aimé qu’elle soit un peu plus développée.
Le prochain livre de Ruta Sepetys que je compte lire est « Tout ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre », car, apparemment, le personnage principal est lié à l’un des personnages principaux de ce roman.
Un extrait : La culpabilité n’a de cesse de vous poursuivre.
Ma conscience, railleuse, me cherchait querelle comme un enfant de mauvaise humeur.
C’est entièrement ta faute, chuchota la voix.
J’accélérai le pas et rattrapai notre petit groupe. « Si jamais les Allemands nous trouvent sur cette route de campagne, pensai-je, ils nous chasseront aussitôt. » Les routes étaient réservées aux militaires. Les autorités n’avaient pas encore émis d’ordres d’évacuation, et quiconque était surpris à fuir la Prusse-Orientale se voyait catalogué comme déserteur. Mais peu importait ! C’était déjà mon cas quatre ans plus tôt, quand j’avais fui la Lituanie.
La Lituanie.
J’avais quitté mon pays en 1941. Que se passait-il là-bas ? Fallait-il croire aux rumeurs effroyables qui se propageaient de rue en rue à voix basse ?
Nous approchions d’un remblai sur le côté de la route. Le petit garçon qui marchait devant moi poussa un cri aigu en désignant quelque chose du doigt. Deux jours plus tôt, il était sorti de la forêt, seul, et avait commencé tranquillement à nous suivre.
– Hé, petit bonhomme, avais-je demandé, quel âge as-tu ?
– Six ans.
– Avec qui voyages-tu ?
Il s’était arrêté pour répondre, tête baissée :
– Ma Omi.
J’avais alors essayé de voir si sa grand-mère avait émergé des bois.
– Où est ta Omi maintenant ?
Le petit garçon avait levé vers moi des yeux clairs écarquillés.
– Elle ne s’est pas réveillée.