Lecture terminée le : 22 mai 2020
Résumé : Dans l’immense ville de Scrougne, un garçon nommé Figuin vit très mal le racisme et la misère auxquels il est confronté. C’est alors qu’entre en scène un banquier... Froid, inusable, immensément riche, il cherche à l’être plus encore. Il décide de creuser un fossé au milieu de la population, afin de jeter une moitié aux trousses de l’autre – qui lui achètera des armes au passage. Il lui faut un garçon un peu paumé à endoctriner, pour l’envoyer se faire exploser au milieu d’une fête de quartier.
Auteur : Catherine Dufour
Edition : L'Atalante
Genre : Fantasy
Date de parution : 23 Mai 2019
Prix moyen : 17€
Mon avis : Au moment d’écrire cette chronique, on me dit dans l’oreillette que ce roman est le 5ème tome de la série « Quand les dieux buvaient ». Cependant, il peut se lire de manière totalement indépendante.
L’auteur se sert de son univers complètement déjanté pour dire ce qu’elle pense du fonctionnement de notre société actuelle. Il y est question de racisme, de capitalisme, de violence des civils comme des forces de l’ordre, de radicalisation, de ghettos, d’expansionnisme sauvage…
Malgré ces sujets on ne peut plus sérieux et d’actualité, le livre est bourré d’humour (du genre absurde).
J’ai beaucoup aimé le style d’écriture et le ton de la narration.
En revanche, j’ai eu beaucoup de mal avec les ellipses temporelles. Quelques pages, on saute un siècle, deux chapitres, on saute 300 ans, etc…
Pas le temps de s’attacher aux personnages, pas le temps d’intégrer la société avant qu’elle ne change.
C’est finalement le ton et l’humour plus que l’histoire en elle-même qui m’a fait aller au bout de ma lecture.
Le message politique de l’auteur a tendance à prendre le pas sur l’histoire, comme si en le martelant ostensiblement il allait mieux être plus entendu. J’ai trouvé ça dommage. Soit on profite d’un roman pour lancer quelques pistes de réflexion, soit on écrit un essai pour développer son message politique, mais généralement, tenter de concilier les deux a tendance à faire souffrir les deux faces de la médaille.
Enfin bref, malgré le style appréciable de l’auteur, je n’ai pas vraiment réussi à entrer dans cette histoire qui reste, au final, une déception.
Un extrait : Longtemps, bien longtemps avant le Déluge, la Terre était habitée par la magie.
Fées des arbres et fées des neiges, fées marraines ou Carabosse, enchanteurs et sorciers quittaient volontiers leur monde magique pour venir s’encanailler sur la Terre. Ce qui n’allait pas toujours sans heurts puisqu’une fois sur Terre, il leur fallait cohabiter avec Dieu, Son armée d’anges et Sa cohorte de démons. Car Dieu, dans Son infinie Sagesse, contrôlait les deux. Pas Fou.
Les démons ne posaient guère de problème aux fées, étant plus occupés à griffonner des graffitis obscènes au bas des nuages qu’à gâcher les sortilèges féeriques. Mais les anges…
Ah ! Les anges.
Puis tout fut fini.
Puis tout recommença.
Un jour, la Terre devint laïque. Sur un coup de Tête, Dieu partit vivre Sa vie sur une comète vagabonde. Il emmena à sa suite Son petit personnel angélique et démoniaque. Au même moment, le monde magique claqua la porte, la ferma à double tour et cassa la clef dans la serrure. En une seconde, fées et magiciens, anges et démons disparurent sans retour. Ne restèrent sur Terre que peu de choses : un noyau de fer liquide, mille kilomètres d’écorce terrestre, une atmosphère riche en oxygène, un écosystème complet et, bien sûr, l’inévitable carton oublié dans la précipitation du départ : une poignée de fées des arbres, trois démons au moins, peut-être autant d’anges, hélas… et des hybrides.
Comme souvent les touristes, les créatures magiques n’étaient pas venues sur Terre pour la seule beauté du paysage, ni pour découvrir des cuisines exotiques, ni même pour le plaisir simple de conduire leur balai comme des sagouins en faisant des gestes obscènes. Les créatures magiques étaient venues sur Terre pour forniquer comme des pistons de trompette. Elles laissaient derrière elles d’innombrables hybrides : petites ondines de rivière, sirènes en bord de plage, clochettes dans toutes les fleurs, sylvains et dryades dans les bosquets, sylphes et sylphides dans chaque courant d’air, elfes principalement bleus, korrigans invariablement roux, ogres, nains et métis ogro-nains appelés ograins, minuscules farfadets bioluminescents, et même lutins de champignon (car l’Amour ne connaît pas de frontière, ni n’a inventé les lunettes).
Toutes ces créatures se baptisèrent elles-mêmes, puisque plus personne n’était là pour le faire : féeries.