Lecture terminée le : 24 avril 2020
Résumé : Une catastrophe sans doute planétaire, mais dont l'origine chimique ou nucléaire restera indéfinie, va bouleverser l'existence d'une femme ordinaire. A la suite d'un concours de circonstances, elle se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s'être pétrifiée durant la nuit. Le chalet est confortable, équipé de provisions et des objets de première nécessité. L'héroïne, tel un moderne Robinson, va organiser sa survie en compagnie de quelques animaux familiers.
Auteur : Marlen Haushofer
Edition : Babel
Genre : roman contemporain
Date de parution : 24 Avril 1992 dans cette édition (1963, 1ère édition)
Prix moyen : 8,7€
Mon avis : Quand on commence à lire « le mur invisible », on se dit que, étant donné les circonstances, la narratrice semble quand même très sereine.
Mais très vite, on comprend que le récit qu’on lit est écrit avec un certain recul puisqu’un jour, la narratrice a décidé de mettre par écrit le commencement de sa « captivité ».
A aucun moment, on ne sait ce qui est arrivé, d’où vient ce mur et ce qui est exactement arrivé au reste du monde.
C’est très frustrant mais parfaitement logique. En effet, la narratrice est coupée du monde et n’a aucun moyen de savoir ce qu’il s’est passé. Elle élabore des théories mais plus le temps passe, plus ses théories semblent ne pas coller avec la réalité.
Et comme nous découvrons l’histoire de la narratrice à travers ses propres mots, on ne peut pas en savoir plus qu’elle. Et notre frustration fait finalement écho à la sienne.
Ce livre n’a pas d’action à proprement parler.
En effet, on ne fait finalement que suivre les actions d’une femme pour survivre. Et une fois la routine installée, elle n’en dévie guère.
Cependant, les animaux qui l’entourent : la vache Bella, la vieille chatte et le chien Lynx (pour les principaux) entraînent parfois quelques péripéties.
Dès le début du livre, la narratrice nous parle d’un évènement qui l’a beaucoup marquée.
Du coup, j’ai été dans une tension permanente durant ma lecture, tellement j’avais hâte et en même temps j’avais peur d’en savoir plus sur cet évènement.
La vie est physiquement difficile (couper du bois, chasser, cultiver un champ, couper du fourrage…) et n’est pas exempte de perte.
La première d’entre elle m’a traumatisée tant elle nous est assenée sans la moindre précaution, brutalement, au détour d’une phase sur le temps.
Il a fallu que je relise la phrase trois fois pour y croire.
De la même manière, j’ai eu l’impression que j’avais été plus anéantie par la fin que la narratrice elle-même. Cette fin m’a bouleversée surtout à cause de la gratuité de l’évènement majeur qui s’y passe.
J’ai eu du mal à m’en remettre et ça m’a provoqué un malaise qui a duré plusieurs jours.
Le texte est écrit à la 1ère personne du singulier ce qui nous fait partager sa solitude, sa frustration, sa peine…
L’auteur a écrit ce livre pendant les débuts de la guerre froide, à une époque où on craignait plus que tout qu’une action humaine ne vienne éradiquer la population.
La question qu’on peut se poser est : Pourquoi la narratrice a-t-elle une telle volonté de survivre quand toute l’humanité a, de toute évidence, totalement dépourvue.
L’instinct de survie est-il si fort qu’il s’impose alors que l’on se retrouve seul, sans le moindre contact humain et sans aucune chance d’en avoir un jour ? Ou bien, en dépit des apparences, peut-être est-il simplement humain de garder espoir… quoi qu’il arrive.
Un extrait : Je ne rêvai pas et vers six heures je me réveillai, reposée, au moment où les oiseaux commençaient à chanter. Tout me revint à l’esprit d’un coup et, terrifiée, je refermai les yeux, espérant retrouver le sommeil. Bien sûr, je n’y parvins pas. J’avais à peine bougé, que Lynx avait déjà compris que j’étais réveillée et il s’approcha de mon lit pour me souhaiter le bonjour par de joyeux aboiements. Je me levai donc, ouvris les volets et le fis sortir. Il faisait très frais, le ciel était bleu pâle et les buissons couverts de rosée. Une journée radieuse commençait.
Soudain, il me parut tout à fait impossible de survivre à cette radieuse journée de mai. En même temps, je comprenais que je devais lui survivre et qu’il n’y avait pas de fuite possible. Je devais garder tout mon calme et tout simplement la surmonter. Ce ne serait pas la première journée de ma vie que j’aurais eu ainsi à surmonter. Moins je me défendrais, plus ce serait supportable. L’engourdissement de mon cerveau avait entièrement disparu. J’étais capable de penser clairement, du moins aussi clairement qu’il m’était possible de penser d’habitude. Mais quand mes pensées retournaient au mur, c’était comme si elles aussi se heurtaient à un obstacle froid, lisse et insurmontable. Mieux valait ne pas penser au mur.
J’enfilai ma robe de chambre et mes pantoufles puis traversai le sentier mouillé jusqu’à la voiture pour mettre la radio en marche. Il y eut un grésillement, fragile, vide ; il semblait si étrange et si inhumain que je l’arrêtai aussitôt.
Je ne croyais plus que quelque chose s’était détraqué dans l’appareil. Dans la froide clarté du matin, il m’était devenu impossible d’y croire.