Lecture terminée le : 19 avril 2020
Résumé : Angleterre, début de la Seconde Guerre mondiale. Primrose Trente, récemment arrivée à Chilbury, invite les femmes du village à transgresser le décret du pasteur fermant la chorale en l'absence d'hommes. Le groupe réunit une veuve inquiète pour son fils, la plus belle fille des environs, sa petite soeur, une réfugiée juive et une sage-femme louche. Elles résistent au malheur par le chant.
Auteur : Jennifer Ryan
Edition : France Loisirs
Genre : Historique
Date de parution : janvier 2019
Prix moyen : 18€
Mon avis : L’histoire commence par une décision qui indigne ces dames. Puisque les hommes, en cette année 1940, sont tous (ou presque) partis au front, le pasteur décide de dissoudre la chorale.
Indignation (quasi) générale. Comment ? Les femmes seraient assez bonnes pour prendre la place de leurs maris au travail, assez bonnes pour participer à l’effort de guerre, mais ne pourrait pas chanter sans les hommes ?!!!!
Et puis quoi encore ? (Ca, c’est pas elles, c’est moi, mais elles ne doivent pas en penser moins).
Dans ce livre, on plonge d’autant plus dans le quotidien de ce petit village qu’on découvre l’histoire à travers les lettres ou les journaux intimes écrits par les membres de la chorale.
Au moment où commence l’histoire, la guerre est bien présente (d’ailleurs le livre s’ouvre sur l’enterrement du fils d’un notable tué en mer du nord) mais elle est loin.
Certes, il y a des restrictions, des tickets de rationnement, des règles de sécurité, mais la guerre a surtout lieu sur le continent et l’Angleterre n’a pas encore été touchée par les bombardements.
Dans les journaux intimes, comme dans les lettres, on découvre les différentes personnalités sans filtre.
J’ai beaucoup aimé Ms Tilling qui parait un peu moralisatrice au premier abord mais se révèle d’une force et d’une gentillesse exceptionnelle.
Les deux sœurs Kitty et Venetia, m’ont agacée. Toutes les deux semblent ne pas prendre conscience des réalités de la guerre.
Kitty n’a que 13 ans, elle reste quand même agaçante jusqu’au bout malgré son évolution.
Par contre, j’ai vraiment apprécié l’évolution de Venetia.
Il y a aussi des personnages dont je doute qu’ils soient capables d’évolution tels qu’Edwina, la sage-femme sans scrupule et au sombre passé du village ou le général Winthrop, père de Kitty et Venetia, qui s’accrochent à ses privilèges de classe.
Chacune de ces femmes a quelque chose à raconter, un même évènement peut nous être rapporté de 3 ou 4 manières différentes, nous donnant une vue d’ensemble plus juste que ne l’aurait fait un texte à la troisième personne.
Au fil de l’histoire, la guerre devient de plus en plus présente. On en n’est pas encore aux bombardements de Londres, mais les villes côtières, comme Douvres, commencent à être touchées.
La tension et les drames de la guerre se répercutent jusque dans la vie privée des protagonistes.
Dans un monde où la mort peut tomber du ciel à tout moment, elles vont devoir prendre des décisions qui impacteront leur vie entière.
Les femmes s’affirment et alors qu’on est accaparés par la Chorale, les manigances d’Edwina, les amours de Venetia, les chimères de Kitty, se produit un évènement que je n’ai pas vu venir et qui m’a donné l’impression, comme les protagonistes, d’avoir reçu un coup sur la tête.
J’ai vraiment beaucoup aimé cette histoire et ses personnages, son style très british et sa grande douceur malgré les évènements tragiques qu’il évoque.
Une jolie petite pause dans les romans de fantasy et les thrillers. Un roman à lire en prenant son temps et en savourant la belle plume de l’auteur.
Un extrait : Premier enterrement de la guerre, et la chorale de notre petit village n’a même pas été capable de chanter juste. Les mots « Saint, saint, saint » se sont envolés comme s’ils étaient pépiés par une volée de moineaux poussifs. La faute n’en était pas à la guerre, ni à ce jeune chenapan d’Edmund Winthrop, coulé par une torpille dans son sous-marin, ni même à la direction désastreuse du pasteur. Non : nous donnions là l’ultime prestation de la chorale de Chilbury. Notre chant du cygne.
« Je ne vois pas pourquoi on devrait arrêter », a lancé sèchement Mrs. B. quand nous nous sommes assemblées ensuite dans le cimetière brumeux. « Ce n’est pas comme si nous étions une menace pour la sécurité nationale.
– Tous les hommes sont partis », ai-je soufflé en retour, consciente que nos voix portaient de façon gênante dans la foule réunie pour l’enterrement. « Le pasteur dit qu’il ne peut pas y avoir de chœur sans hommes.
– Et pourquoi, sous prétexte que les hommes sont partis à la guerre, devrions-nous dissoudre la chorale ? Au moment précis où nous en avons le plus besoin ! Non mais, qu’est-ce qu’il va supprimer ensuite ? Ses carillonneurs bien-aimés ? Le culte du dimanche ? Noël ? Il y a des limites ! » Elle a croisé les bras, exaspérée. « D’abord, on nous confisque nos hommes pour les envoyer combattre, ensuite on nous force à travailler, nous autres femmes, puis on rationne la nourriture et maintenant, on dissout notre chorale. D’ici à ce que les nazis arrivent, il ne restera plus rien, sauf une poignée de malheureuses prêtes à se rendre.
– Mais c’est la guerre, ai-je répliqué, essayant de tempérer ses récriminations. Nous autres femmes devons assumer une charge de travail supplémentaire pour la bonne cause. Cela ne me dérange pas de faire l’infirmière à l’hôpital, même si c’est assez lourd, en plus de mes tâches au dispensaire du village qu’il faut maintenir ouvert.
– La chorale fait partie de la vie de Chilbury depuis l’aube des temps. Il y a quelque chose de réconfortant à chanter ensemble. » Elle a bombé le torse, sa haute silhouette carrée évoquant celle d’un maréchal corpulent.
Le cortège a pris la direction du manoir de Chilbury pour le verre de sherry et le sandwich au concombre de rigueur.
J’ai soupiré : « Edmund Winthrop. À vingt ans seulement, sauter en mer du Nord…