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Premières lignes #94

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

Cette semaine, je vous présente L’île des absents de Caroline Eriksson

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Le canot à moteur fend les eaux glauques avec la précision d’une lame. Le soleil est bas en ce soir d’été. Assise à la proue, je ferme les yeux pour les protéger des gouttes d’eau, luttant contre la nausée qui me gagne au rythme des bonds du hors-bord. Si seulement il allait un peu moins vite. Comme s’il avait lu dans mes pensées, Alex ralentit. Je le regarde. Installé à la poupe, une main sur la barre, tout son être exprime la virilité et le contrôle. Le crâne rasé, la mâchoire saillante et les plis de concentration entre les sourcils. Normalement, on n’emploie pas le mot « joli » pour les hommes, mais Alex l’est. Je l’ai toujours pensé. Je le pense toujours.
Sans crier gare, il coupe le contact et la barque retombe dans l’eau en décrivant un arc de cercle. Smilla vacille sur le banc de nage entre nous. Je me penche pour la soutenir. Par réflexe, elle saisit ma main de ses petits doigts et une vague de chaleur m’envahit. Le silence revient. Les cheveux blonds de Smilla frisottent sur sa nuque, à quelques centimètres de mon visage. Je m’apprête à enfouir le nez dans les fines mèches, quand Alex désigne les rames.
— Tu veux essayer ?
Smilla me lâche aussitôt et bondit de son siège.
— Viens, reprend Alex avec un sourire. Papa va t’apprendre.
Il l’aide à faire les quelques pas qui la séparent de la poupe et elle s’assied sur ses genoux en lui donnant de petites tapes, ravie. Alex lui montre comment placer ses mains, qu’il entoure des siennes, puis il commence à manœuvrer avec des gestes lents. Smilla glousse de plaisir, de ce rire bien à elle. Je fixe la fossette sur sa joue gauche jusqu’à ce que mon regard se trouble. Alors, je contemple l’immensité du plan d’eau.
Alex affirme que celui-ci a sûrement un « nom officiel quelque part sur une carte », mais qu’ici on l’appelle le Cauchemar. Il raconte aussi des histoires, toutes pires les unes que les autres, sur le lac et ses prétendus pouvoirs. Des bêtises à propos de ses eaux supposées maudites depuis la nuit des temps, qui pousseraient les hommes à commettre des actes terribles. Dans la région, des adultes et des enfants ont disparu sans laisser de traces, le sang a coulé. Enfin, d’après la légende.
Je suis interrompue dans mes réflexions par une plainte à donner le frisson. Je me tourne dans la direction du bruit et remarque qu’Alex et Smilla font de même. Le cri retentit à nouveau. Un grincement grave qui se transforme en hululement rauque. Dans un battement d’ailes, une forme sombre fond vers la surface de l’eau. L’instant suivant, elle n’est plus là, avalée par le lac. Pas le moindre clapotement ni la plus infime vague. Alex passe un bras autour de Smilla.

 

Alors, tentés?

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