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Premières lignes #91

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

Cette semaine, je vous présente Toute la vérité sur Ella Black de Emily Barr

toute la vérité sur ella black.jpg

Quarante jours avant sa mort

Recroquevillée sur un banc, je frissonne, mais je suis occupée alors je me fiche d’avoir un peu froid. J’ai un crayon et un carnet à dessin en équilibre sur les genoux et je suis assise dans un parc, adossée à Jack qui lit un livre. Je fais face au palais de Westminster, très concentrée sur mon dessin. Pourtant, ce n’est pas la vue que je dessine – j’ai déjà quelques pages de Big Ben dans mon carnet. Aujourd’hui, c’est autre chose qui semble vouloir apparaître sur la page.
— Tu as bientôt fini ? demande Jack. Prends tout le temps qu’il te faut, bien sûr, mais il va pleuvoir et…
Il se retourne pour regarder mon dessin.
— Ah, fait-il. Ah ouais, une interprétation métaphorique du paysage ?
— C’est ça.
— Ella Black m’a fait grelotter sur un banc pendant une heure pour dessiner… Ella Black.
— Ce n’est pas Ella Black.
— Désolé de te l’apprendre, ma belle, mais je crois bien que si.
Je baisse les yeux vers le papier. Elle me ressemble, mais ce n’est pas moi. J’aimerais que Jack s’en rende compte, même si je ne vois pas comment faire. Si je lui expliquais, il finirait sans doute par comprendre, mais ça n’arrivera pas. Je laisse échapper un petit rire nerveux et lui aussi.
— Et ton livre, il est comment ? je demande.
— Génial, en fait. On est en plein dans l’apocalypse. Et tu sais quoi ? Tu as raison. Ce dessin, ce n’est pas tout à fait toi. C’est toi avec un regard de folle. Toi en train de penser à quelque chose que tu hais, pas vrai ?
Je lève les yeux vers lui et respire un bon coup.
— Oui, je dis. Oui, voilà. C’est exactement ça.
— Ce n’est pas à moi que tu penses, au moins ?
Je le regarde. Blond, quelconque, il est l’un de mes deux meilleurs amis. L’un des deux seuls amis que j’ai au monde. J’adore sa bouille. J’adore tous les secrets qu’on partage. Sauf que moi, je connais son grand secret, mais lui ne connaît pas tous les miens. Cela dit, il est possible qu’il me cache aussi des choses.
C’est même sûrement le cas.
— Évidemment que non, idiot, je lui réponds.
Au même instant, une goutte de pluie s’écrase sur mon dessin et efface en partie le visage. Je ferme le carnet, Jack range son thriller apocalyptique, et nous courons nous abriter sous un arbre. Nous restons là, sous l’averse, à regarder les gens qui pressent le pas vers des destinations mystérieuses. Quand la pluie se sera un peu calmée, nous marcherons jusqu’à Trafalgar Square pour aller prendre un train qui nous ramènera dans le Kent.
Nous avons profité des vacances de mi-trimestre pour aller faire un tour à Londres. Nous avons passé la matinée à visiter les galeries d’art, avant d’acheter des livres et de nous asseoir dans ce parc. J’ai d’abord essayé de dessiner la jolie vue, mais à la place je me suis dessinée avec des yeux de folle. Je sais pourquoi. Et je suis contente de l’avoir fait.
À la gare de Charing Cross, c’est déjà l’heure de pointe. Il est plus tard que ce qu’on croyait. C’était bien la peine de passer la majeure partie de l’après-midi les yeux rivés sur l’une des pendules les plus célèbres du monde.
— On s’est bien plantés, commente Jack.
— Tu m’étonnes.
Le hall de la gare grouille de monde, pas seulement des banlieusards qui rentrent chez eux après une journée de boulot (même s’ils sont les plus nombreux), mais aussi des jeunes comme Jack et moi qui ont profité de leur première journée de vacances pour faire un peu de tourisme à Londres et ont oublié de rentrer avant ou après le pic d’affluence. Si nous prenons le bon train, le trajet ne devrait pas durer plus d’une quarantaine de minutes, mais sans doute pas dans les meilleures conditions. Nous venons d’une banlieue-dortoir, comme des milliers d’autres gens.


Alors, tentés?

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