Résumé : Du haut de ses 19 ans, Vivian sait déjà qu’elle ne veut pas du destin tout tracé par ses parents. Mais de sa bulle protégée, elle est loin de s’imaginer le tourbillon incroyable qu’est New York au début des années 1940. Alors, quand après un énième échec scolaire elle est envoyée chez sa tante Peg qui possède un théâtre en plein Times Square, Vivian n’en croit pas ses yeux. Entre la ville qui vibre sans cesse et la troupe d’artistes et de danseuses qui cohabitent joyeusement dans le théâtre, Vivian découvre l’exubérance, la fête et la liberté. Surtout auprès de sa nouvelle amie Celia, une sublime showgirl très émancipée pour l’époque… Mais un faux pas lors d’une virée nocturne fera hélas chavirer le nouveau monde de Vivian et la renverra à la case départ.
Quand on a goûté au bonheur d’être une fille libre, peut-on y renoncer ?
Auteur : Elizabeth Gilbert
Edition : Calmann-Lévy
Genre : Roman contemporain
Date de parution : 05 Février 2020
Prix moyen : 22€
Mon avis : Vivian fait le désespoir de ses parents.
Ceux-ci sont des petits bourgeois conservateurs, un peu snob et contre l’entrée en guerre des USA, ne supportant pas de voir Vivian, leur fille de 19 ans ne pas suivre à la lettre le chemin qu’ils ont tracé pour elle.
Excédés, et malgré l’antipathie que son père ressent pour sa sœur, ils prennent la décision de l’expédier chez sa tante Peg, à New York.
Peg, en bonne artiste un peu bohème, un peu alcoolique, beaucoup fauchée, qui tient un petit théâtre minable des bas quartiers de la ville, ne songe pas une seconde à imposer des limites à cette nièce qui lui tombe sur les bras, laquelle nièce ne tarde pas à s’accoquiner avec une showgirl d’à peu près son âge qui a bien l’intention de la dégourdir un peu.
Et là, on plonge dans le tourbillon du New York des années 40 et de toutes les bêtises que peuvent faire deux filles de 20 ans immatures dans une ville où l’alcool coule à flot et où les hommes se jettent aux pieds des jeunes femmes pourvus qu’elles soient un minimum jolies.
Toute cette histoire, Vivian, vieille dame, la raconte à Angela, une jeune dont on ne sait pas qui elle est sinon que Vivian a fait sa robe de mariée dans les années 70 et que, maintenant que ses deux parents sont morts, elle a une question à poser à Vivian.
C’est pour y répondre que la vieille dame remonte à ses 19 ans et raconte toute son histoire.
Et son histoire, c’est avant tout l’histoire d’une jeune fille de bonne famille qui s’émancipe en s’appropriant son corps.
Alors, certes, elle ne prend pas que des décisions très heureuses, ni très intelligentes, mais ce sont ses décisions et elle ne veut laisser ni son père, ni son frère, ni un hypothétique mari s’arroger le droit de contrôler son corps à sa place et décider pour elle de son destin.
Quant à l’évènement qui la réexpédie chez ses parents, comme dit dans le résumé, s’il est vrai que Vivian a un peu « déconné », j’ai trouvé que cela prenait des proportions incroyables.
A l’époque des faits, la jeune fille s’est effondrée et a accepté sans broncher, et même en les trouvant justifiés (un effet de son éducation) tous les reproches qui lui sont faits. Des décennies plus tard, elle s’insurge que seules les femmes aient eu à assumer les conséquences de cet évènement.
Pour ma part, j’ai trouvé qu’on avait affaire-là à une belle bande d’hypocrites. Que ce soit la tante Peg qui se plie aux quatre volontés de son amie (impliquée indirectement) ou l’amie en question qui réécrit l’histoire et massacre littéralement Vivian psychologiquement plutôt que de s’interroger sur son propre entourage et ses propres actions, je les ai trouvées profondément injustes et à la limite du ridicule dans leur propos tant ils ne reflètent pas la vérité des faits.
Quant au frère de Vivian, pour qui se prend exactement ce petit con moralisateur ?
Et au milieu de toute cette bande d’hurluberlus tous plus indigne de confiance les uns que les autres, il y a Olive. Sérieuse et inébranlable Olive. Elle parait être une affreuse rabat-joie, mais sans elle la bande ne survivrait pas une semaine.
On peut dire qu’elle est la seule adulte dans cette histoire et, si elle désapprouve l’attitude de Vivian, elle ne lui tourne pas le dos pour autant.
A travers son récit, Vivian passe sans transition de l’insouciance aux restrictions et aux horreurs de la guerre.
Vivian va murir dans cette seconde partie de sa vie à New York et prendre son destin en main.
Je ne m’attendais pas à ce que la réponse à la question d’Angela nous entraîne dans cette direction mais j’ai beaucoup apprécié le tournant qu’a pris la vie de Vivian (ou plutôt le tournant qu’elle lui a fait prendre).
Je n’ai pas lu Mange, prie, aime, le titre le plus connu de l’auteur mais j’ai vraiment aimé sa plume dans ce roman –ci et l’ambiance qu’on y trouve.
J’ai mis un peu de temps pour le lire mais je ne regrette absolument pas de m’être lancée dans ce roman, bien au contraire, car j’ai passé un super moment et je le recommande sans réserve.
Un extrait : Franchement, je ne comprenais pas ce que je faisais à la fac, hormis sacrifier à une destinée dont personne ne s’était donné la peine de m’expliquer le but. On me serinait depuis ma plus tendre enfance qu’un jour j’étudierais à Vassar, mais pour quoi faire ? Quel bénéfice était-je censée en retirer, exactement ? Pourquoi devais-je cohabiter dans cette petite chambre malodorante avec une sincère future réformatrice sociale ?
A ce moment-là, de toute façon, je n’en avais déjà que trop soupé des études. L’enseignement que m’avait dispensé pendant toutes ces années l’Emma Willard School for Girls et ses brillantes diplômées de l’une ou l’autre des Sept Sœurs ne suffisait donc pas ? J’étais pensionnaire depuis l’âge de douze ans ; peut-être avais-je le sentiment d’avoir purgé ma peine. Combien de livres faut-il lire pour prouver qu’on est capable d’en lire un ? Je sais déjà qui est charlemagne, alors fichez moi la paix, telle était ma vision des choses.
De surcroît, peu après la rentrée de ma funeste première année universitaire, j’avais découvert un bar, à Poughkeepsie, qui servait jusque tard dans la nuit de la bière bon marché au son d’un orchestre de jazz. Comme j’avais mis au point un plan astucieux pour m’évader discrètement du campus, qui impliquait de laisser une fenêtre ouverte, et de cacher une bicyclette à proximité (j’étais le cauchemar de la surveillante du dortoir), je fréquentais assidûment ce lieu. J’avais par conséquent un peu de mal à assimiler les conjugaisons latines au sait du lit puisque le matin, en général, j’avais la gueule de bois.
Ce n’était cependant pas le seul obstacle.
Il me fallait bien trouver le temps de fumer toutes ces cigarettes, par exemple.
En deux mots, j’étais très occupée.