Lecture terminée le : 26 août 2019
Résumé : Fait divers le plus retentissant de la seconde moitié du xxe siècle, le meurtre de Grégory Villemin, 4 ans, le 16 octobre 1984 dans les Vosges, restait un cold case, une énigme non résolue que l'on croyait embourbée à jamais dans les eaux vaseuses de la Vologne.
Quand soudain, le 14 juin 2017, l'histoire rebondit avec les arrestations de membres de la famille Jacob, grand-oncle et grande-tante de Grégory Villemin. Cette affaire criminelle, où s'entrechoquent chaos judiciaire, délires médiatiques et secrets de famille, ressurgit de façon spectaculaire plus de trente-deux ans après les faits. Révoltée par le monstrueux gâchis humain qu'elle a généré, Patricia Tourancheau s'est replongée dans les archives, elle a rencontré certains des protagonistes encore vivants, dévoilé les derniers interrogatoires, pour raconter cette affaire comme un feuilleton.
La journaliste s'est reportée plus de 315 000 heures en arrière, aux origines d'une haine souterraine, fossilisée dans les fondations d'une famille. Quels longs détours ont donc emprunté les magistrats et les enquêteurs pour revenir ainsi au point de départ ? C'est la course contre le temps gâché qui traverse cet ouvrage, le plus complet jamais publié sur le meurtre de Grégory.
Auteur : Patricia Tourancheau
Edition : Seuil
Genre : Documentaire
Date de parution : 11 janvier 2018
Prix moyen : 18€
Mon avis : L’affaire du « petit Gregory » semble avoir marqué un tournant. Avant, quand un enfant disparaissait, on pensait avant tout à un enfant qui se serait égaré. Après, la piste criminelle était d’emblée envisagée.
N’ayant que 3 ans au moment des faits, je n’ai pas suivi le battage médiatique qu’il y a eu autour de l’affaire, mais j’ai toujours entendu parler du « petit Gregory ». Sans avoir besoin de précision, tout le monde savait qui il était.
Avec les derniers rebondissements de l’affaire en 2017, l’auteur a voulu faire un long récapitulatif de cette douloureuse affaire.
Aussi bien l’environnement familial que les différentes étapes des différentes procédures, en passant par l’acharnement médiatique, Patricia Tourancheau décortique tout.
Plusieurs choses sont extrêmement choquantes dans cette affaire, même si on met de côté le meurtre lui-même qui est au-delà de toute description.
Les deux choses qui m’ont le plus choquée sont d’une part l’attitude du juge Lambert et le fait qu’il n’ait pas reçu la moindre sanction malgré ses nombreux manquements et d’autre part, la coalition entre le commissaire de la SRPJ Corazzi et le journaliste Bezzima qui, sans la moindre preuve, décide de la culpabilité de la mère et vont tout faire pour que les faits se plient à leur conviction.
Et que dire du texte délirant, et dénué du moindre fondement, de Marguerite Duras présentant la mère comme infanticide ? Aucune excuse ne sera bien sur faite par cette folle pour l’enfer que va vivre Christine Villemin en étant ainsi crucifiée par un texte de cet acabit. « Tous ces gens qui me parlent de ce qu'on doit écrire ou pas, quel ennui, quelle erreur. » Voilà tout ce qu’elle a su dire à ce sujet : quel ennui, effectivement, de devoir réfléchir aux conséquences de ses actes !
En revanche, que les personnes impliquées dans ce crime gardent le silence, cela ne m’étonne pas. Quand on est assez lâche pour s’en prendre à un enfant de 4 ans au prétexte qu’on est dévoré de jalousie, d’envie et de rancœur face à la réussite professionnelle de son père, il n’y a pas de raison que l’on assume ses actes.
Cela fait maintenant 35 ans que les parents de Gregory attendent de connaitre celui ou ceux qui leur ont arraché leur petit garçon.
A titre personnel, je pense que la piste la plus souvent revenu sur le tapis est la bonne. Que Gregory a été enlevé par le cousin de son père avec la complicité passive de la belle-sœur dudit cousin, lequel a remis l’enfant à d’autres personnes, sans doute les Jacob, sans forcément savoir le sort qui l’attendait, lesquels ont ainsi assouvie leur soi-disant vengeance.
35 ans plus tard, avec une première enquête bâclée, seul des aveux pourront nous donner le fin mot de l’histoire.
Et des aveux, de la part de lâches, il ne faut pas trop y compter.
Un extrait : Fait divers le plus retentissant de la seconde moitié du XXème siècle, le meurtre de Gregory Villemin, 4 ans, le 16 octobre 1984, dans les Vosges, restait un cold case, une énigme non résolue que l’on croyait embourbée à jamais dans les eaux vaseuses de la Vologne. La dernière apparition publique des parents de l’enfant, Christine et Jean-Marie Villemin, au printemps 1994, dans l’émission La marche du siècle, n’était plus qu’un lointain souvenir. Et les vaines tentatives de la justice de relancer l’affaire grâce aux progrès scientifiques de la génétique dataient des années 2000. Depuis, plus rien. Enfin le croyait-on.
Quand soudain, le 14 juin 2017, l’histoire rebondit avec les arrestations de membres de la famille Jacob, des personnes âgées de plus de soixante-dix ans. Ce crime sur un enfant où s’entrechoquent chaos judiciaire, délire médiatique et secrets de famille, ressurgit de façon spectaculaire plus de trente-deux ans après les faits. Passionnée par ce fait divers survenu pendant mes études de journaliste, je ne l’avais pas couvert à l’époque, mais je dévorais les articles de presse à ce sujet. En stage à Libération pendant l’été 1985, j’avais suivi au sein de la rédaction l’élaboration du « reportage » de l’écrivain Marguerite Duras, titré « Sublime, forcément sublime » qui désignait sans précaution Christine Villemin, tout juste inculpée pour infanticide, comme la coupable, forcément coupable… L’attitude de certains chefs et intellectuels qui accablaient « la mère » mais la trouvait « absolument géniale », m’avait laissé perplexe.
Et puis dans les années 2000, j’ai eu l’occasion d’écrire sur les expertises en ADN de pièces à conviction qui n’ont rien donné.
Mais ces actes scientifiques m’ont permis de mesurer à quel point Christine Villemin avait été victime d’une erreur judiciaire. La parution, en 2006, du livre de l’ex-capitaine de gendarmerie d’Epinal, Etienne Sesmat, chef d’enquête à ses tout débuts, que j’ai alors interviewé, a achevé de me convaincre du monstrueux gâchis humain généré par cette affaire. Aussi, lorsqu’elle revient dans l’actualité en 2017, je cherche à comprendre comment les enquêteurs ont remonté le temps pour en arriver là, par quel miracle ce dossier qui relève de l’archéologie judiciaire a pu en ressortir. Je me replonge dans les archives de Grégory et je pars en quête des procès-verbaux récents, pour le raconter comme un feuilleton pour le site d’information Les Jours.