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Premières lignes #14

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

 

Cette semaine, je vous présente Absences de Lauren Oliver dont vous pouvez lire le résumé et ma chronique ICI

 

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Le truc étrange, quand vous avez réchappé à la mort, c’est que tout le monde s’attend, ensuite, à ce que vous nagiez dans le bonheur, que vous preniez le temps de chasser les papillons dans les herbes hautes des prés, ou d’admirer les arcs-en-ciel qui se forment dans les flaques de cambouis sur l’autoroute. « C’est un miracle », dira-t-on avec un regard dégoulinant d’espoir, comme si vous veniez de recevoir un bon gros cadeau et que vous n’aviez pas intérêt à décevoir mamie au moment d’ouvrir le paquet, à faire une grimace en découvrant le pull informe qu’il contient.
La vie ressemble à peu près à ça d’ailleurs : un pull informe plein de trous, de nœuds et de fils qui risquent de s’accrocher. Inconfortable et qui gratte. Un cadeau que vous n’avez jamais demandé, jamais désiré, jamais choisi. Un cadeau que vous devriez être impatient de revêtir, jour après jour, alors même que vous préféreriez rester au lit sans rien faire.
La vérité est tout autre : il ne faut aucun talent particulier pour réchapper à la mort. Ou à la vie.

Chapitre 1

— Tu joues ?
Ces deux mots-là sont ceux que j’ai entendus le plus souvent dans ma vie. « Tu joues ? » Dara, quatre ans, franchit la porte moustiquaire, les bras tendus devant elle, et s’élance sur la pelouse sans attendre ma réponse. « Tu joues ? » Dara, six ans, se glisse dans mon lit au milieu de la nuit, les yeux écarquillés, éclairée par la lune, ses cheveux humides parfumés au shampooing à la fraise. « Tu joues ? » Dara, huit ans, actionne la sonnette de son vélo ; Dara, dix ans, bat des cartes sur le caillebotis mouillé qui ceinture la piscine ; Dara, douze ans, fait tourner une bouteille de soda vide.
À seize ans, Dara n’attend toujours pas ma réponse.
— Pousse-toi, dit-elle en donnant un coup de genou dans la cuisse de sa meilleure amie, Ariana. Ma sœur veut jouer.
— Il n’y a pas de place, rétorque celle-ci avant de gémir quand Dara s’avachit sur elle. Désolée, Nick.
Elles sont entassées avec une demi-douzaine d’autres personnes dans une stalle vide de la grange d’Ariana, ou plutôt de ses parents. Une odeur de sciure et, plus discrètement, de purin imprègne l’atmosphère. Une bouteille de vodka, à demi vide, gît sur le sol de terre battue compacte, avec plusieurs packs de bières et une petite pile de vêtements variés : une écharpe, deux moufles dépareillées, une doudoune et le sweat-shirt moulant de Dara, rose, dans le dos duquel on peut lire, en lettres de strass, Reine des coquines. On dirait une sorte de sacrifice rituel, insolite, en l’honneur des dieux du strip-poker.
— Aucun problème, m’empressé-je de dire. Je ne tiens pas à jouer. Je suis juste passée faire coucou.
— Tu viens d’arriver, proteste Dara avec une moue.
Ariana abat son jeu sur le sol.
— Brelan de rois, annonce-t-elle avant d’ouvrir une bière dont la mousse déborde sur ses doigts. Matt, retire ton tee-shirt.
Un mec tout sec, au nez un brin trop grand et à l’air vaseux de celui qui a déjà beaucoup bu. Puisqu’il ne porte que son tee-shirt, noir avec le dessin intrigant d’un castor borgne, j’en déduis que la doudoune lui appartient.
— J’ai froid, gémit-il.
— Ton tee-shirt ou ton fute, je te laisse le choix.
Avec un soupir, Matt se tortille pour se déshabiller, dévoilant un dos maigre, constellé d’acné.
— Où est Parker ?
J’ai posé la question en affectant un ton détaché qui me dégoûte. Depuis que Dara… depuis qu’elle a fait je ne sais quoi avec lui, je n’arrive pas à mentionner mon ancien meilleur ami sans avoir la sensation qu’une boule de Noël s’est coincée dans ma gorge.
Dara, qui s’apprêtait à distribuer une nouvelle manche, se fige. Ça ne dure qu’une seconde. Après avoir lancé une dernière carte en direction d’Ariana et pris connaissance de sa main, elle répond :
— Aucune idée.
— Je lui ai envoyé un texto, il m’a dit qu’il venait.
— Ouais, eh bien il est peut-être reparti.
Dara plonge ses yeux noirs dans les miens : le message est clair. « Lâche l’affaire. » J’en déduis qu’ils se sont encore disputés. Ou pas justement, et que là est le problème. Il refuse d’entrer dans son jeu.

 

Alors, tenté?

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