Résumé : Lorsqu’à 17 ans elle quitte sa bourgade natale du Mississipi, Becky Lynn n’a qu’une idée en tête : fuir la misère, l’alcoolisme de son père, l’ignominie de ces riches adolescents qui l’ont violée en toute impunité… Becky Lynn veut croire qu’une autre vie est possible. Une vie que lui suggèrent ces luxueux magazines de mode dans lesquels elle a puisé la force de rêver. Timide, sauvage, blessée… mais aussi courageuse, obstinée et entière : Becky Lynn se réfugie à Los Angeles où elle est bien décidée à s’inventer une nouvelle vie.
Auteur : Erica Spindler
Edition : Harlequin
Genre : Drame
Date de parution : 1995
Prix moyen : 8€
Mon avis : J’ai lu ce livre au moins 10 fois, je le connais quasiment par cœur, et pourtant, non seulement je ne me lasse pas de le lire, mais le coup de cœur est toujours aussi puissant quel que soit le nombre de lectures.
Pour les éditions harlequin c’est aussi une manne car il a été réédité pas moins de trois fois sous des titres différents et avec un résumé qui laisse entendre que les éditions les plus récentes (Trahison et Les blessures du passé) sont les suites de la plus ancienne (Destinées). Ne pas se faire avoir, il s’agit bien du même roman.
Ce que vit Becky Lynn dans sa ville natale est affreux et je ne parle pas seulement du viol dont elle est victime : toute la ville la méprise à cause du manque d’argent de sa famille, son père est alcoolique et violent, sa mère complétement effacée. Tous, chacun à sa manière, à contribuer à ce que des Garçons tels que Ricky et Tommy pensent pouvoir faire ce qu’ils veulent à Becky Lynn sans jamais être inquiétés puisqu’elle est quantité négligeable. Hélas, ils ont raison (du moins en ce qui concerne leurs parents et ceux de Becky Lynn). La patronne de Becky Lynn fait exception et, qui sait ce qu’il se serait passé si elle était allée trouver la police dès la première agression en compagnie de celle-ci ?
Mais après avoir été rejetée par son père, son frère et sa mère, de manière différente pour chacun d’eux, Becky Lynn décide de prendre les maigres économies qui ont échappées à la rapacité de son père et de ficher le camp une bonne fois pour toute.
Malheureusement, si la fuite l’éloigne de ses agresseurs, les problèmes psychologiques qu’ils ont provoqués chez elle la suivent dans sa nouvelle vie : Becky Lynn est maladivement timide, essayant de se rendre le plus invisible possible et surtout, elle a une peur panique des hommes, ne supportant pas que ceux-ci ne fasse ne serait-ce que l’effleurer.
Cette timidité et cette peur ne vont pas l’aider quand elle va commencer à graviter dans le milieu de la mode. Becky Lynn arrive à donner une impression de force à son entourage mais au fond d’elle, elle est toujours aussi vulnérable.
Le pire pour elle est le sentiment de solitude profonde qui l’accompagne sans cesse, même lorsqu’elle est très entourée et Jack, le fils de sa patronne, celui qui la fait entrer dans le monde de la mode, ne va pas arranger les choses.
Il n’y a pas besoin d’avoir ressenti un jour cette solitude pour ressentir la souffrance de Becky Lynn car l’écriture de l’auteur nous plonge à l’intérieur même de la jeune fille.
Malgré le nombre de fois incalculable où j’ai relu ce livre, je suis toujours au bord des larmes (et à certains moment, plus qu’au bord) à la lecture de cette histoire.
Erica Spindler nous fait vraiment vivre, ressentir, toutes les émotions de ses personnages, en particuliers ceux de Becky Lynn et de Carlo Triani.
Un coup de cœur assurément, depuis ma première lecture, et sans doute pour toutes les relectures qui suivront !
Un extrait : Becky Lynn ralentit un instant le pas au bout du chemin de terre, pour contempler la petite maison carrée qui se dressait devant elle. Sa maison. Inconsciemment, elle serra contre sa poitrine les magazines que lui avait donnés Miss Opal. Dans la lumière déclinante, les murs autrefois blancs, aujourd’hui gris et galeux, paraissaient encore plus sinistres, plus délabrés, comme si cette maison elle-même avait cessé de rêver à un avenir meilleur. La clôture branlante et brisée qui entourait le jardin avait sans doute été immaculée et pimpante jadis.
D’un pas trainant, Becky Lynn remonta le chemin. C’était curieux comme les heures passaient vite dans le salon de Miss Opal, songea-t-elle, et comme elles passaient lentement ici. Le temps avait le don, semblait-il, de s’arrêter pour prolonger les instants de souffrance.
La jeune fille fut assaillie par l’odeur du whisky à l’instant même où elle gravissait les marches de la véranda délabrée. Elle détestait cette odeur aigre-douce. Parfois, il lui arrivait de se réveiller en pleine nuit avec l’impression d’être étouffée par cette odeur qui s’infiltrait partout, dans ses vêtements, dans les meubles et les lits, dans les pores de la peau de son père.
Dans sa propre vie.
Becky Lynn ne se souvenait pas d’avoir vécu sans cette puanteur.
Jusqu’au moment de franchir la porte de la maison, elle avait réussi à oublier qu’on était vendredi. Le jour où son père touchait sa paye. Le jour où il s’offrait son « petit plaisir », comme il disait. En rentrant de la fonderie, il s’achetait une flasque de whisky Ji Beam, et il buvait jusqu’à ce que la bouteille soit vide… ou qu’il tombe dans les pommes. Le reste de la semaine, il se contentait d’ingurgiter ce qu’il pouvait s’offrir. Arrivé au jeudi, la plupart du temps, il n’avait plus les moyens de boire, alors il dormait. Voilà pourquoi Becky Lynn attendait le jeudi avec la même impatience que l’arrivée que l’arrivée des nouveaux magazines. Ou presque.