Je remercie les éditions Sarbacane pour cette lecture
Résumé : Vania Strudel a 15 ans, un œil qui part en vrille et une vie qui prend à peu près la même direction. Et ce, à cause de :
- Sa mère, qui est morte quand elle avait huit ans. - Son père, un taxidermiste loufoque.
- Pierre-Rachid, son pote de toujours, qui risque de ne plus le rester...
- Son seul confident, qui se trouve être le vieillard sénile de l’immeuble.
- Son ennemie jurée, Charlotte Kramer, la fille la plus populaire du lycée.
- Sa rentrée en Seconde, proprement catastrophique.
Pour Vania, c’est clair : l’existence est une succession de vacheries, et elle est condamnée à n’être personne. Une petite fourmi parmi les autres. Mais un soir, elle reçoit un mail anonyme. Un mail qui lui explique en détail, et avec une franchise brutale, que non, elle n’est pas une banale fourmi noire sans aspérités.
Elle serait même plutôt du genre vive, colorée, piquante ! Du genre fourmi rouge...
Auteur : Emilie Chazerand
Edition : Sarbacane
Genre : Jeunesse
Date de parution : 23 août 2017
Prix moyen : 15,50€
Mon avis : Encore un Sarbacane qui fait mouche. Comme dans les petites reines de Clémentine Beauvais, le roman aborde des sujets difficiles comme le deuil, la séparation, le harcèlement scolaire, la maladie…
Ce roman n’enjolive pas les choses, tous les problèmes ne disparaissent pas par enchantement, mais les personnages apprennent à y faire face, à les relativiser.
J’ai beaucoup aimé Vania, même si elle a tendance à se rabaisser constamment. On dirait qu’elle préfère se voir plus bas que terre pour ne pas être déçue. Il faut dire que son passé familial ne la pousse pas à être optimiste.
Son copain Pierre-Rachid a peut-être grandi physiquement, mais mentalement c’est encore un merdeux, il suffit de voir ce qu’il fait endurer à ses parents. Je comprends qu’un ado puisse vouloir s’émanciper un peu, mais il y a des sujets sur lesquels on ne plaisante pas. Ce qui lui arrive est bien mérité, et aura au moins eu le mérite de lui remettre un peu les pieds sur terre et du plomb dans la cervelle.
Le professeur Grizminn m’a bien fait rire, mais parce que je n’ai pas à côtoyer une personne pareille. Je n’arrive pas à croire qu’on le laisse parler ainsi aux élèves sans que personne ne se soit jamais plaint.
Victoire est une super amie, très réaliste, très mature, et qui, comme le roman, n’enjolive pas les choses. Elle les dit telles qu’elles sont, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas bienveillante.
Enfin, il y a Charlotte. On ne la voit pas beaucoup mais mon Dieu qu’elle est mauvaise ! Et stupide aussi, mais en général ce genre de tyran de cour de récréation ne brille pas par son intelligence (On en a toute connu au moins une ! Moi j’en avais trois ! Toutes plus stupides les unes que les autres !)
D’ailleurs, c’est le (tout) petit reproche que j’ai à faire à l’histoire, que les actes de Charlotte n’entrainent pas des conséquences plus sérieuses.
Si on ne sautille pas de joie tout au long de la lecture, malgré un humour bien présent, on termine le livre avec une étrange sensation de bien-être. Et puisque c’est la mode des bouquins « feel good », ajoutons sans hésiter celui-ci à la liste. Il le mérite !
Un extrait : Dès la naissance, je ne partais pas gagnante : j’ai un ptosis congénital à l’œil gauche.
Je parie que vous ne savez pas ce que c’est – alors que vous en avez forcément déjà vu un au moins une fois, au cinéma ou à la télé. En gros, ma paupière s’affaisse sur mon iris, ce qui fait que j’ai l’œil perpétuellement mi-clos, comme l’inspecteur Colombo. Ça me donne un air à moitié endormi (ou sexy, si on tient absolument à voir la chose avec optimisme et qu’on a des goûts bizarres).
Par chance, la mèche dans le visage est à la mode. Sauf que ce ne sera certainement plus le cas dans dix ans, et alors il faudra bien que je m’adapte… « S’adapter », c’est tout un concept. L’année dernière, en cours de bio, on a appris que le coccyx était le reste anatomique d’une queue. Une QUEUE ! L’ancêtre de l’Homme en avait besoin pour chasser les mouches, faire balancier, se protéger d’assauts sexuels indésirables, etc.
Avec l’Evolution, et en s’adaptant, on l’a perdue. On a réussi à se passer d’un membre à part entière, à le gommer de notre structure corporelle. C’est fou, non ?
Sachant ça, je n’ai aucune excuse pour ne pas progresser.
Au fond, je suis surtout handicapée par une propension irrépressible à tout faire de travers : je ne porte pas les bons vêtements, je n’écoute pas la bonne musique, je n’ai pas les bons hobbies. Quoi que je fasse, je suis à côté. C’est comme ça depuis toujours.
Mais pour une fois, je plaide non coupable : c’est une question de génétique, une affaire de famille. J’ai également reçu en héritage la sensation de jambes lourdes, la peur du vide et une tendance naturelle au ridicule.
Mon père reste pour moi le plus grand et fier représentant de cette lignée. J’ai un bon milliard d’anecdotes pour le prouver.
Au hasard : la fête d’anniversaire de Karen Boutboul. Elle fêtait ses six ans, et papa avait tenu à ce que je lui fasse cadeau d’un chaton. Empaillé.
Ah oui, j’oubliais : mon père est taxidermiste. (Vous voyez : je n’exagérais pas en parlant de « tendance naturelle au ridicule ».) Lui, il affirme que c’est bien plus qu’un métier ou une passion. Que c’est une véritable vocation.
« Pour offrir l’éternité à vos cher compagnons,
je suis le champion. »
Ça, c’est ce qu’il a fait imprimer sur ses cartes de visite (car oui, il est également adepte de rimes pauvres et jeux de mots nuls).
Cependant, je dois reconnaître que son commerce marche étrangement bien.
Dans l’esprit de mon si fantasque géniteur, ce cadeau superbe aurait dû m’assurer à jamais l’amitié de Karen. Seulement voilà : elle a hurlé en voyant le contenu du paquet. Sa mère a hurlé en voyant le contenu du paquet. Les huit autres fillettes ont hurlés en voyant le contenu du paquet.
Moi, je ne sais pas trop pourquoi, je m’efforçais de continuer à sourire. Ce qui me donnait un air de sadique comme on en voit seulement dans Esprits Criminels.