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[Livre] Rouge armé

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Résumé : Patricia, journaliste au Spiegel, enquête sur les personnes qui, dans les années soixante, ont fui l'Allemagne de l'Est au péril de leur vie. Inge est passée de l'autre côté du Mur quarante ans plus tôt et accepte de lui raconter son enfance, son arrivée à l'Ouest, son engagement...

Mais certains épisodes de la vie d'Inge confrontent Patricia à ses propres démons, à son errance.

Leur rencontre n'est pas le fruit du hasard.

Dans les méandres de la grande Histoire, victimes et bourreaux souvent se croisent. Ils ont la même discrétion, la même énergie à se faire oublier, mais aspirent rarement au pardon.

 

Auteur : Maxime Gillio

 

Edition : Ombres noires

 

Genre : Thriller

 

Date de parution : 02 novembre 2016

 

Prix moyen : 19€

 

Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce livre mais j’ai failli m’étrangler en le lisant.
J’avoue volontiers que je n’ai pas été la plus assidue des élèves, que ce soit au collège ou au lycée, mais ôtez-moi d’un doute : la destruction du mur de Berlin, c’était bien en 1989 ? Et 1977 plus 22 ans, ça fait bien 1999 ? Parce que à un moment du livre, un des personnages dit qu’un évènement s’est passé en 1977 et que rien n’a changé jusqu’à la destruction du mur vingt-deux ans plus tard.
Alors de deux choses l’une, soit l’auteur était encore pire que moi en cours d’histoire, soit, et je vais pencher pour cette explication, parce que le bonhomme est quand même un ancien prof, c’est une énorme coquille ! Ou alors je suis encore plus mauvaise en histoire que je le pensais !
Mais mis à part ce petit point (et oui c’est tout petit, c’est une phrase, une seule, dans un livre de 342 page, mais j’aime bien être chichiteuse).
Nous suivons dans ce livre deux personnages principaux : Patricia et Inge.
Patricia est une journaliste qui prend contact avec Inge en prétextant écrire un livre sur les personnes qui ont réussir à fuir la RDA et qui y sont retournés ensuite. Je dis « en prétextant » parce que, dès la première visite de Patricia, j’ai eu du mal à la croire. Je la trouvais d’une agressivité étrange, qui ne collait pas avec le sujet qu’elle voulait couvrir.
Je n’ai pas apprécié ce personnage. En plus de son agressivité, elle a une attitude complètement autodestructrice sans pour autant susciter la compassion. On a l’impression qu’elle est toujours à la limite de la folie.
Tout le contraire de Inge qui, malgré une enfance difficile puis une adolescence passée dans l’Allemagne de l’est avec tout ce que cela comporte de restriction et de tension, à toujours craindre que la Stasi ne s’intéresse de trop près à vous, c’est une vieille femme un peu revêche au premier abord (mais vu comment elle est abordée, qui ne le serait pas ?) mais qui montre un grand cœur et une grande compassion sans pour autant se laisser marcher sur les pieds.
Autour de ces personnages, on fait la connaissance de Paul, un collègue de travail de Patricia, mais surtout de personnes ayant jalonnées la vie d’Inge, comme Anna, sa maman, Frieda et Richard ses parents adoptifs, Helmut, son frère ou encore Christian, son amour de jeunesse et que l’on découvre au fil du récit de la vieille dame.
Le récit oscille ainsi entre le présent, en 2006 ; la fin de la seconde guerre mondiale où on va connaître la vie d’Anna et la période à partir de la construction du mur jusqu’à la fin des années 70 où l’on s’attache à la jeunesse d’Inge.
L’écriture de l’auteur est addictive. Parfois on se demande où il veut en venir. Par exemple, il a fallut que je relise deux fois la fin de la partie « présent » du chapitre 11 pour être sûre que j’avais bien compris ce que j’avais lu la première fois tellement je ne m’attendais pas à ça. Et puis, plus rien, on ne reparle plus d’un évènement qui a l’air important et ce pendant des chapitres entiers. Et oui, pendant ces chapitres, je me suis demandé pourquoi l’auteur avait écrit ça si ce n’était pas pour s’en servir.
Mais en fait, ne vous inquiétez pas, il sait parfaitement où il veut en venir, et au fil des révélations, on se rend compte que des passages qui nous avaient semblé n’être que du remplissage étaient en réalité des indices qui nous amenaient tout doucement vers la fin complètement inattendue que nous offre l’auteur.
Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, je n’ai trouvé aucune longueur dans ce livre, toutes les descriptions, toutes les explications se justifiaient.
Ce n’est pas un coup de cœur, mais on en n’était pas loin !

Un extrait : Elle ne répond pas, car elle sait, mieux que quiconque, que j’ai raison. Les gens de ma génération ont vécu l’édification du Mur et les années de guerre froide comme le plus gros traumatisme de leur vie. Familles déchirées, décimées parfois, la suspicion permanente, des frères qui deviennent des étrangers, les cicatrices qui ne se referment pas.

— Admettons, finit-elle par concéder. Cela ne m’explique toujours pas comment vous êtes remontée jusqu’à moi, et surtout, pourquoi ? Nous ne nous connaissons pas, que je sache ? Nous n’avons aucun lien.

La cendre de ma cigarette commence à trembler dangereusement. Je cherche autour de moi après un cendrier. Je me résous à l’écraser à l’intérieur de mon paquet et annonce :

— Les archives disparues…

L’une de ses paupières tressaille.

— Les jours qui ont précédé la chute du mur, les officiers de la Stasi avaient entrepris de détruire les archives les plus compromettantes. Notamment celles sur les espions, les agents doubles, les transfuges, les prisonniers, les morts… Les déchiqueteuses ont fonctionné à plein régime, mais tout n’a pas pu être détruit. On a trouvé près de seize mille sacs contenant chacun environ soixante-quinze mille fragments de papier. Soit l’équivalent d’un puzzle géant de seize millions de pages. Si certaines archives ne seront jamais retrouvées, d’autres en revanche sont en cours de recomposition. Je vous laisse imaginer le travail de fourmi : près de douze milliards de morceaux de papier à recoller. Il paraît que des chercheurs planchent sur un prototype de scanner géant qui permettrait d’avancer plus vite dans cette tâche titanesque.

Elle ne réagit toujours pas, mais s’est tassée sur sa chaise. Je profite de mon avantage, me lève et vais m’adosser à l’évier. Je ne la quitte pas du regard. Mon débit est posé, sans interruption.

— La curiosité du journaliste est un très vilain défaut, surtout quand votre instinct vous souffle que vous tenez un sujet brûlant pour une enquête. J’ai trouvé cette histoire d’archives détruites passionnante. Qu’avaient donc ordonné les dirigeants de l’époque, pour qu’on veuille faire disparaître toutes ces preuves dans une si grande précipitation ? Combien de secrets d’État honteux voulait-on cacher ? J’ai décidé d’enquêter. C’est notre histoire. C’est l’histoire de chaque famille allemande, et à travers elle, celle de notre pays. Il nous faut savoir. C’est mon rôle que de contribuer à ce que la vérité soit connue de tous, même si ce n’est pas simple. À force d’opiniâtreté, j’ai réussi à recomposer partiellement un dossier. Le vôtre, Inge Oelze. C’était comme une loterie, ça aurait pu être n’importe qui d’autre, mais le hasard m’a fait tomber sur vous… J’ai appris tellement de choses à votre sujet. Plus que vous ne pourriez le croire. Mais c’est votre interprétation de l’histoire que j’aimerais recueillir. Pour la confronter avec la version officielle.

Elle a pris dix ans d’un coup. Pour la première fois depuis que je l’ai rejointe devant la cour de l’école, elle évite mon regard et elle ressemble enfin à ce qu’elle est : une femme perdue et isolée.

— Que… Que savez-vous au juste ?

Je m’approche, pose les mains sur le dossier de sa chaise, me penche sur son oreille et souffle :

— Ce que je sais sur vous, madame Oelze, c’est tout ce que la Stasi a consigné. Mais il ne tient qu’à vous de rétablir la vérité… ou de la confirmer. C’est votre version des faits qui m’intéresse. Votre histoire. Je veux vos larmes, vos joies, vos espérances et vos drames. Je veux l’histoire d’une femme, pas le compte rendu froid et impersonnel d’un bureaucrate.

Je regagne ma place, ramasse mon sac et en sors mon portefeuille. Inge Oelze a relevé la tête et regarde par la fenêtre obstruée.

Je ressors une carte de visite que je fais glisser sur la table.

— Je ne suis pas de la police. Si vous décidez de me parler, je vous promets que votre témoignage sera anonyme et que vous ne serez pas embêtée. Si vous préférez vous taire, je respecterai votre choix, mais serai obligée d’écrire mon livre à partir du simple témoignage d’un dossier morcelé. Or, si j’en crois ce qui y est écrit, vous n’avez plus vos parents, pas d’époux, pas d’enfants. Vous n’avez donc rien à perdre, mais tout à gagner. Je vous laisse mon numéro de téléphone. Je rentre à Berlin ce soir. Libre à vous de me rappeler ou non. Mais mon livre sortira de toute façon. Reste à savoir avec quelle version des faits.

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