Résumé : Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame.
Auteur : Leila Slimani
Edition : Gallimard
Genre : Roman contemporain
Date de parution : 18 aout 2016
Prix moyen : 18€
Mon avis : Dès les premières pages, on prend connaissance du drame. Le but de ce livre va être de nous raconter comment on est arrivé à ce dénouement.
Leila Slimani a une plume assez brutale, sans concession. Une plume qui peut parfois sembler un peu abrupte.
On ne peut pas dire que je me sois attaché aux personnages. Mais c’est en partie ce qui fait la force de se roman. Ils sont pour la plupart antipathiques.
Paul, qui voulait des enfants sans en avoir les responsabilités et qui déborde d’arrogance, Myriam qui ne semble jamais satisfaite de rien, Louise qui semble avoir de gros problèmes mentaux et même la petite Mila qui a une tendance un peu trop marquée à mon goût de se servir de ses dents à la moindre contrariété.
Mais ils sont aussi pathétiques. Paul se bat contre une éducation qui ne l’a pas préparé à être un « patron », Myriam est partagée entre sa carrière qui est nécessaire à son équilibre et son amour pour ses enfants, Louise croule sous la solitude et les problèmes d’argent, et on se doute bien que Mila, telle une éponge, absorbe toute cette ambiance négative et la fait ressortir aux pointes de ses canines.
Tout au long du livre, on attend une explosion, quelque chose, n’importe quoi, qui justifierais le passage à l’acte de Louise, mais rien. La tension monte, petit à petit, inexorablement.
Bien sûr en tant que lecteur, on voit avec plus d’acuité que les personnages les dysfonctionnements. On voit Louise se rendre de plus en plus indispensable, on la voit s’insinuer dans la vie de la famille, débordant nettement du rôle de nounou pour lequel on l’a engagée. On la voit également s’opposer, toute en résistance passive-agressive, à toutes les injonctions que peut lui donner Myriam qui ne sait clairement pas s’imposer. On voit également des bribes de son passé qui nous montre que ses réactions vis-à-vis de la famille ne sont pas quelque chose de nouveau. On ne peut s’empêcher de se poser la question : pourquoi personne, que ce soit des employeurs, son mari, ses connaissances, ne s’est rendu compte que cette femme avait de sérieux problèmes ?
Même si j’ai eu le sentiment de voir Louise sombrer dans une sorte de folie au fil des pages, la fin abrupte du roman m’a surprise. Je ressors de ma lecture en ayant l’impression d’avoir été incapable de réellement cerner Louise.
J’espérais une explication, peut-être à travers les conclusions de l’enquête de police, mais je suis restée sur ma faim.
Pour autant, bien que cette lecture ait été déroutante, je comprends que ce livre ait remporté le prix Goncourt, car une fois commencé, il est impossible à lâcher !
Un extrait : « Pas de sans-papiers, on est d’accord ? Pour la femme de ménage ou le peintre, ça ne me dérange pas. Il faut bien que ces gens travaillent, mais pour garder les petits, c’est trop dangereux. Je ne veux pas de quelqu’un qui aurait peur d’appeler la police ou d’aller à l’hôpital en cas de problème. Pour le reste, pas trop vieille, pas voilée et pas fumeuse. L’important, c’est qu’elle soit vive et disponible. Qu’elle bosse pour qu’on puisse bosser. » Paul a tout préparé. Il a établi une liste de questions et prévu trente minutes par entretien. Ils ont bloqué leur samedi après-midi pour trouver une nounou à leurs enfants.
Quelques jours auparavant, alors que Myriam discutait de ses recherches avec son amie Emma, celle-ci s’est plainte de la femme qui gardait ses garçons. « La nounou a deux fils ici, du coup elle ne peut jamais rester plus tard ou faire des baby-sittings. Ce n’est vraiment pas pratique. Penses-y quand tu feras tes entretiens. Si elle a des enfants, il vaut mieux qu’ils soient au pays. » Myriam avait remercié pour le conseil. Mais, en réalité, le discours d’Emma l’avait gênée. Si un employeur avait parlé d’elle ou d’une autre de leurs amies de cette manière, elles auraient hurlé à la discrimination. Elle trouvait terrible l’idée d’évincer une femme parce qu’elle a des enfants. Elle préfère ne pas soulever le sujet avec Paul. Son mari est comme Emma. Un pragmatique, qui place sa famille et sa carrière avant tout.
Ce matin, ils ont fait le marché en famille, tous les quatre. Mila sur les épaules de Paul, et Adam endormi dans sa poussette. Ils ont acheté des fleurs et maintenant ils rangent l’appartement. Ils ont envie de faire bonne figure devant les nounous qui vont défiler. Ils rassemblent les livres et les magazines qui traînent sur le sol, sous leur lit et jusque dans la salle de bains. Paul demande à Mila de ranger ses jouets dans de grands bacs en plastique. La petite fille refuse en pleurnichant, et c’est lui qui finit par les empiler contre le mur. Ils plient les vêtements des petits, changent les draps des lits. Ils nettoient, jettent, cherchent désespérément à aérer cet appartement où ils étouffent. Ils voudraient qu’elles voient qu’ils sont des gens bien, des gens sérieux et ordonnés qui tentent d’offrir à leurs enfants ce qu’il y a de meilleur. Qu’elles comprennent qu’ils sont les patrons.