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[Livre] Les secrets de Norah

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Résumé : Autobiographie de Norah Shariff qui risque de créer des remous, le livre Les Secrets de Norah nous amène dans un monde dur, rempli d’obstacles s’interposant entre sa famille immédiate et la liberté. En effet, elle a grandi dans un enfer créé à la fois par les comportements abusifs et violents d’un père dégénéré, les stricts préceptes de ses grands-parents, et dans un système religieux opprimant. Elle-même victime des conjonctures, Norah cherche malgré tout à constamment épauler, voire surprotéger sa mère, qui subit quotidiennement un véritable calvaire où la violence tant physique que psychologique est de mise. Avec le temps, Norah se rend bien compte qu'elle est en train d’y laisser sa vie en entier. Cependant, sa force de tempérament et son audace seront ses deux clés maîtresse pour se libérer de ses horribles entraves.

 

Auteur : Norah Shariff

 

Edition : JLC

 

Genre : Témoignage

 

Date de parution : 2007

 

Prix moyen : 7€

 

Mon avis : Norah revient sur les évènements racontés par sa mère dans « le voile de la peur » en les décrivant de la manière dont elle les a perçus. Elle étoffe le récit de Samia par des épisodes traumatisants que celle-ci a ignoré pendant des années.
Au fil des pages, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer Norah à sa mère, surtout Samia telle que je l’ai perçue dans son second livre « les femmes de la honte ».
Norah a plus la tête sur les épaules que Samia. Là où Samia claque son argent, fait des crédits, ne réfléchit pas et fonce sans aucune préparation pour venir en aide aux femmes musulmanes, mettant sa propre famille en danger sur le plan financier, Norah, animé du même désir de venir en aide à son prochain est parfaitement consciente qu’il lui faut des moyens pour cela.
Non seulement elle est réfléchie, mais elle s’analyse avec beaucoup de recul. Si elle semble inconstante en changeant d’emploi à ce qui semble être la moindre contrariété, elle évalue clairement son besoin de changement et l’angoisse qui l’étreint quand la routine se met en place. Elle attribue ces problèmes pour se fixer au manque de stabilité de son enfance et adolescence et au fait qu’à chaque fois qu’elle s’est « posée » durant cette période, cela a été le point de départ de nouvelles souffrances.
Pour autant elle ne se laisse pas aller et si elle démissionne ou provoque son renvoie, elle se remet aussitôt en selle et recherche un nouvel emploi quasiment immédiatement.
La peur est toujours présente même si elle la juge irrationnelle maintenant qu’elle et sa famille vivent au Quebec mais, après ce qu’elle a vécu, comment ne pas ressentir de peur, rationnelle ou non ?
Elle a conscience de ses erreurs, comme la surprotection envers ses petits frères et le fait qu’elle prenne la place de sa mère, ce qui semble arranger celle-ci, et tente de corriger ces erreurs, même si cela prend du temps.
Elle n’hésite pas, d’ailleurs, à mettre sa mère face à ses propres erreurs pour ne pas la laisser s’enliser dans une situation qui finirait par faire souffrir Samia.
J’ai trouvé son écriture plus fluide et plus structurée.

Un extrait : On m'observe, je le sens. Quelqu'un me scrute. Un homme, sûrement ! Si cet autobus pouvait rouler plus vite... Est-ce que je me retourne ? J'hésite... Pas maintenant ! J'ai trop peur. Il pose ses yeux sur moi, je le sens, je le sais. S'il essaie de me faire du mal, je crie... Mais je n'en peux plus, je dois vérifier. Arrête de trembler et décide-toi ! Un et deux et trois... Voilà, c'est fait !

Personne ne me dévisage, personne ne détourne les yeux. Les deux hommes assis sur la banquette sont plongés dans leur lecture, mon voisin regarde par la fenêtre et celui d'en arrière somnole doucement. Je suis soulagée, mais mon coeur bat encore la chamade ; un frisson me secoue de la tête aux pieds.

Norah, ce que tu peux être ridicule parfois ! Tout cela est fini, c'est du passé. Tu es au Canada maintenant, tu es en sécurité ; il ne t'arrivera rien.

J'ai beau faire appel à la raison, je contrôle difficilement mes peurs.

Mon regard se pose un bref instant sur l'homme au teint foncé et aux cheveux frisés, assis sur le banc de l'autre côté de l'allée. Je respire à peine et mon cœur s'accélère dangereusement.

Que me veut-il, celui-là ? Avec sa tête d'Arabe... Ne le fixe surtout pas et ignore-le ! Fais ce que je te dis ! Comme ton arrêt d'autobus est l'avant-dernier, il descendra sûrement avant toi.

Les arrêts se succèdent les uns les autres, trop lentement à mon goût. De la rue Atwater jusqu'à Lachine, je fixe les panneaux publicitaires collés aux murs afin de me changer les idées, mais il ne sort toujours pas. Je sens ses yeux vrillés dans mon dos.

Ils nous ont retrouvés, j'en suis sûre! Il me suit. Il ne doit pas découvrir où nous habitons. Qu'est-ce que je fais ? Je descends maintenant. Même s'il fait noir et que je doive marcher un peu, il faut que je le sème.

Je demande l'arrêt. Je descends et je me retrouve sur le trottoir... seule. La portière se referme en exhalant son bruit de succion et l'autobus continue son chemin.

Je reprends mon souffle. Pendant quelques secondes, je demeure immobile, plantée au bord du trottoir, hébétée. Le scénario suggéré par ma paranoïa s'écroule. Cette histoire n'est que pure imagination. Dois-je rire ou pleurer ? Je ne sais plus. Je sens que mes nerfs lâchent.

Tu es à Montréal depuis quelques années déjà et rien de fâcheux ne t'est arrivé. Pourquoi t'imaginer qu'on te poursuit encore ? Combien de temps ces peurs vont-elles durer ?

Un bruit de klaxon me ramène subitement à la réalité. En voulant tourner, une voiture a failli me heurter. Revenons au moment présent! Je me dirige vers la maison, mais j'ai l'impression que la montée n'en finit plus tant je suis épuisée.

Je rentre rarement aussi tard le soir. J'inspire profondément, le temps de m'imprégner de la nuit. Je contemple le ciel où s'accroche une lune immense entourée d'étoiles. Comme une amie généreuse, elle m'offre sa douceur et m'entoure le cœur d'un baume apaisant. Quelle joie de retrouver ma maison, ma famille, mon cocon de sécurité !

Aujourd'hui, je ne redoute plus de revenir chez moi. Pendant longtemps, dans mon enfance, j'ai eu peur de franchir la porte de la maison familiale. Je ne m'y sentais jamais en sécurité. Je savais, à coup sûr, que la soirée finirait par des pleurs et des cris.

Maintenant, ce sont des cris de joie qui soulignent mon arrivée. Mes trois petits frères se précipitent vers moi et me sautent dessus. Ils m'offrent généreusement leur sourire radieux et leurs yeux pleins d'amour. Je donnerais ma vie pour ces trois petits bouts d'homme.

 

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