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Premières lignes #137

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

Cette semaine, je vous présente Le choix du roi de Solène Bauché

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Été 792. Je me redressai en sursaut, mon cœur battant la chamade. Le cauchemar qui m’avait réveillé m’engourdissait encore, plus vivace que jamais. Haletant, sans prendre la peine de me couvrir, j’enjambai le corps dénudé de l’une des jeunes filles qui partageait mon lit et me dirigeai vers la fenêtre. Dehors, la lune se dessinait en filigrane derrière une fine couche nuageuse. Ses contours nets et pleins découpaient dans le paysage des ombres ruisselantes. Une pluie diluvienne s’abattait sur Ratisbonne. Je lui présentai mon visage pour y laisser éclater quelques gouttelettes échappées des trombes d’eau crachées par le ciel. Un effluve de terre détrempée me parvint furtivement.

J’avais rêvé qu’on me volait ma couronne. Mes assaillants n’avaient rien d’identifiable. Leur figure était lisse, à peine parée d’yeux vides, sans âme, comme sculptés à même leur peau. Ce n’était pas la première fois que ces visions m’apparaissaient. C’était le prix de la royauté. L’angoisse d’être déchu, de devenir un homme parmi les hommes ou pire, de quitter ce monde en sachant son royaume entre de mauvaises mains. Que cette peur ne m’ait jamais taraudé eut été intolérable.

Je regagnai mon lit, que je distinguais tout juste dans l’obscurité à peine balayée de timides rayons lunaires. Aucune des deux servantes qui y dormaient à poings fermés, épuisées par nos ébats tardifs, n’avait bronché quand je m’étais réveillé en sursaut. L’une d’entre elles émit un gémissement discret tandis que j’embrassais son sein charnu, puis elle replongea dans un sommeil paisible. Le lendemain, elles retourneraient à leur vie de labeur avec la seule satisfaction d’avoir procuré une nuit de plaisir à leur roi. Le grain fin et ferme de leur peau contrastait avec le relâchement naissant de la mienne. Mon corps, bien qu’encore vigoureux, commençait à montrer les signes de ses quarante-cinq ans. Je n’étais plus un jeune homme.

Soudain, j’entendis un garde se braquer à l’entrée de ma chambre. Une voix essoufflée semblait insister pour s'entretenir avec lui.

— Pitié, je dois lui parler, c’est une question de vie ou de mort !

— Le roi est occupé, il ne veut être dérangé sous aucun prétexte.

Le tumulte provoqué par leur discussion fit tressaillir mes jeunes amantes qui, prises de panique, tentèrent tant bien que mal de cacher leur nudité. Elles étaient moins chastes quelques heures auparavant.

Je les laissai à leur affolement, plus soucieux d’aller à la rencontre de celui qui osait troubler ma prétendue quiétude. J’interpellai l’importun, que je n’étais pas sûr de reconnaître. Il portait l’habit monacal et était trempé jusqu’aux os.

— Que se passe-t-il ici ?

— Roi Charles, je vous prie de m’excuser, mais je ne vous dérangerais pas si ce n’était pas de la plus haute importance. Mon nom est Fardulf. Je viens vous avertir du danger qui vous guette. Je me suis rendu coupable d’avoir cédé à la fatigue dans l’église dont je suis le chapelain et il y a quelques heures de cela, un bruit de pas m’a réveillé. Sous les nefs, des conspirateurs parlaient à voix basse contre vous. Ils ont pour dessein de vous tuer et de mettre votre fils Pépin sur le trône à votre place.

— Pépin ? grinçai-je. Il n’a pas quinze ans, il est trop jeune pour régner. Et puis, la couronne d'Italie lui est tout acquise.

— C’est de votre autre fils qu’il s’agit, roi Charles. Celui qui est contrefait. Je l’ai vu. Il était là, avec les conspirateurs.

Un nœud étreignit ma poitrine tandis que le clerc, intarissable, continuait de radoter.

— Ils m’ont surpris et j’ai couru aussi vite que j’ai pu pour leur échapper. Ils ont bien failli me rattraper, mais ma loyauté envers vous…

Je n’écoutais déjà plus. J’avais été trahi par ma chair et mon sang.

 

Alors, tentés?

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