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  • Premières lignes #97

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

    Cette semaine, je vous présente Eleanor & Park de Rainbow Rowell

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    Il n’essayait plus de la faire revenir.
    Elle revenait seulement quand elle en avait envie, dans des rêves, des mensonges et des déjà-vu délabrés.
    En voiture, par exemple, quand il allait au travail et qu’il apercevait au coin d’une rue une fille aux cheveux roux, il pouvait jurer, le temps d’une suffocation, que c’était elle.
    Alors il voyait que les cheveux de la fille étaient plus blonds que roux.
    Et qu’elle tenait une cigarette… Et qu’elle portait un tee-shirt des Sex Pistols.
    Eleanor détestait les Sex Pistols.
    Eleanor…
    Elle était debout derrière lui jusqu’à ce qu’il tourne la tête. Étendue près de lui juste avant qu’il se réveille. Elle lui donnait l’impression que tout le monde était terne et morne, jamais assez bien.
    Eleanor, qui gâchait tout.
    Eleanor, partie.
    Il n’essayait plus de la faire revenir.

     

    août 1986

     

    Park

    XTC ne pouvait pas faire disparaître les débiles au fond du bus.
    Park plaqua son casque sur ses oreilles.
    Demain, il prendrait Skinny Puppy ou les Misfits. Ou peut-être qu’il se ferait une cassette spéciale pour le bus avec dessus autant de cris et de hurlements que possible.
    Il pourrait repasser à la new wave en novembre, une fois son permis en poche. Ses parents lui avaient déjà promis l’Impala de sa mère, et il économisait pour un nouveau lecteur cassettes. Quand il irait au lycée en voiture, il pourrait écouter tout ce qu’il voudrait, ou pas, et en plus traîner au lit vingt minutes supplémentaires.
    Il entendit hurler derrière lui :
    — Ça n’existe pas !
    — Putain que si, ça existe ! beuglait Steve. La technique de kung-fu dans Drunken Monkey, mec, c’est un putain de vrai truc. Tu peux tuer quelqu’un avec ça…
    — Tu racontes que des conneries.
    — C’est toi qui racontes que des conneries. Park ! Hé, Park !
    Park l’a entendu, mais il n’a pas répondu. Parfois, si on ignorait Steve ne serait-ce qu’une minute, il passait à quelqu’un d’autre. Le savoir assurait quatre-vingts pour cent de votre survie lorsque Steve était dans les parages. Les vingt pour cent restants consistaient à faire profil bas.
    Mais Park avait oublié de baisser la tête et une boule de papier atterrit sur sa nuque.
    — C’était mes notes de Croissance et développement humain, suce-bite ! a gémi Tina.
    — Désolée, chérie. Je t’apprendrai tout ce que tu veux savoir sur la croissance et le développement humain. C’est quoi ta question au juste ?
    — Montre-lui la technique de Drunken Monkey, suggéra quelqu’un.
    Steve a braillé :
    — PARK !
    Park a enlevé son casque et s’est tourné vers le fond : Steve tenait séance sur la banquette arrière. Même assis, sa tête frôlait le toit. Steve avait toujours l’air d’un géant dans une maison de poupées. Il avait l’apparence d’un adulte depuis son entrée au collège, et encore, c’était avant qu’il se laisse pousser la barbe. Mais alors juste avant.
    Des fois, Park se demandait si Steve n’était pas avec Tina parce qu’il avait l’air encore plus monstrueux à côté d’elle. La plupart des filles du quartier des Flats étaient petites, mais Tina ne devait même pas atteindre un mètre cinquante. Épaisse chevelure comprise.
    Un jour, au collège, un mec avait essayé d’embrouiller Steve en lui sortant qu’il ferait mieux de ne pas mettre Tina en cloque, parce que ses bébés géants pourraient la tuer :
    — Ils vont lui exploser le ventre comme dans Alien.
    Steve s’était cassé le petit doigt en balançant son poing dans la tête du mec.
    Quand le père de Park avait entendu ça, il avait dit :
    — Quelqu’un ferait bien d’apprendre au petit Murphy à cogner.
    Mais Park espérait sincèrement que personne ne se dévouerait. Le mec que Steve avait frappé n’avait pas pu ouvrir les yeux pendant une semaine.
    Park renvoya son cours chiffonné à Tina.
    Son géant de copain a embrayé :
    — Park, explique à Mikey la technique de Drunken Monkey.
    — J’y connais rien en karaté, a répondu Park en haussant les épaules.
    — Mais ça existe, pas vrai ?
    — Je crois.
    — Tu vois, a ricané Steve.
    Il a cherché un truc à balancer dans la tronche de Mikey, mais ne trouvant rien, il a pointé un doigt sur lui en répétant :
    — Je te l’avais dit, putain.
    — Et qu’est-ce que Sheridan y connaît en kung-fu ?
    — T’es débile ou quoi ? Sa mère est chinoise.
    Mikey a dévisagé Park. Qui lui a souri en plissant les yeux.
    — Ouais, je crois que je vois maintenant. J’ai toujours pensé que t’étais mexicain.
    — Merde, Mikey, t’es vraiment qu’un gros connard de raciste, a ajouté Steve.
    — Elle n’est pas chinoise, a rectifié Tina. Elle est coréenne.
    — Qui ça ? a fait Steve.
    — La mère de Park.

     

    Alors, tenté?