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Premières lignes #92

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Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.

Cette semaine, je vous présente Ronces Blanches et Roses Rouges de Laetitia Arnould

Ronces blanches et roses rouges.jpg

Les yeux sont le miroir de l'âme. On le disait jadis, on le dit aujourd'hui, et on le dira encore demain. Ces quelques mots peuvent sembler n'être rien de plus qu'une banalité, un vieux dicton auquel on ne prête que peu d'attention. Pourtant, ils ont un sens certain, et trop nombreux sont ceux qui l'oublient.
Car les yeux ne peuvent pas mentir...
Quand les lèvres se tordent en un faux sourire, quand les mains s'enlacent avec hésitation, ou quand les bouches embrassent sans plaisir, les yeux, eux, ne parviennent pas, et ne parviendront jamais, à se parer d'une gentillesse, d'une tendresse ou d'une bonté, qui n'existent pas chez leur hôte.
L'Illusionniste était bien placé pour le savoir.
Car s'il était la bonté et la sagesse mêmes, il n'en était pas moins confronté, jour après jour, aux leurres et aux mirages. À la duperie, aussi. Et il était d'ailleurs un maître en la matière.
L'Illusionniste avait deux filles. Deux filles au cœur pur et naïf, qu'il voulait à tout prix prévenir des faux-semblants, et préserver de la fausseté et des manigances des pires hommes que la Terre devait supporter. « Les yeux sont le miroir de l'âme » leur répétait-il encore et encore. « Souvenez-vous en toujours, mes trésors ».
Hélas, lorsqu'on est petite fille, on se moque bien des dictons, et beaucoup de recommandations s'envolent à la minute où elles sont entendues. Alors, on se laisse bercer par d'autres mots, convaincre par d'autres sourires. On aime accorder sa confiance. Aux gens. Au temps. À tout et à tout le monde...
— Montre-moi encore, papa ! S'il te plaît, s'il te plaît...
L'Illusionniste ajustait sa plus belle veste sur ses épaules, celle qui était bleu foncé comme la nuit, quand une petite tornade de boucles blondes avait fondu sur lui.
Il baissa les yeux.
Sa plus jeune fille, Rose, entoura ses jambes de ses bras et leva vers lui un regard implorant et irrésistible. Elle avait les cheveux de la couleur des blés sous le soleil, un petit nez mutin, les joues roses et les lèvres aussi rouges que les fleurs des rosiers qui poussaient dans le jardin.
L'Illusionniste secoua négativement la tête, soupira, puis finit par laisser échapper :
— Ah ! Petite magicienne, je ne peux rien te refuser !
Il fit quelques gestes amples des bras, montra clairement ses paumes. Il ne tenait rien du tout entre ses doigts, Rose s'en assura en sourcillant. Dans un mouvement théâtral, il leva les mains, prononça de drôles de mots et cacha sa main derrière l'oreille de la petite fille. Une seconde après, il lui présentait un joli foulard rouge, juste sous son nez.
— Oh ! D'où est-il venu ? C'est magique ! s'extasia Rose en observant le foulard, ravie.
— Oui, c'est magique, confirma son père. (Il remarqua le regard brillant de sa fille.) Prends-le celui-là, ma jolie Rose. C'est un cadeau.
Rose écarquilla des yeux émerveillés. Elle serra le précieux tissu dans ses petites mains et se blottit contre son père, qui l'embrassa sur le front. Puis elle se précipita vers sa grande sœur, bondissant de joie à l'idée de lui faire voir le beau foulard que leur père avait fait apparaître par magie. Rien que pour elle.
Mais Blanche, l'aînée, n'était pas aussi impressionnée, ou impressionnable, que la cadette.
Elle observa le carré de tissu carmin, haussa les épaules et tapota gentiment le bras de Rose. Sans piper mot, elle retourna ensuite auprès de sa mère qui reprisait une veste élimée de son époux, à la lueur d'une vieille ampoule à incandescence.
Devant le peu de réaction de sa sœur, Rose leva un sourcil interrogateur. Mais elle n'insista pas. Blanche avait toujours été aussi taciturne que Rose était gaie... C'était ainsi, les deux sœurs avaient des caractères et des âmes parfaitement contraires. La plus jeune était aussi rayonnante que le jour, aussi bavarde que le pinson des arbres en plein été, et aussi pleine d'espoir que l'aube qui se lève. Et la plus grande... Elle était belle comme une nuit de pleine lune, silencieuse et mystérieuse comme la chouette harfang qui survole les neiges d'hiver, et aussi sage que les étoiles qui veillent sur le monde. Malgré leurs différences, Blanche et Rose s'aimaient plus que tout et étaient inséparables.


Alors, tentés?

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