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  • Premières lignes #67

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    Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèqueLa liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
    Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
    Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !

     

    Cette semaine, je vous présente La cité du ciel de Amy Ewing dont vous pouvez lire ma chronique ICI

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    Nous sommes les Céruléennes. Notre sang est magique.
    Les mères de Sera le lui répétaient depuis sa naissance. Elles le lui enseignèrent avant même qu’elle ne parle, ne pense par elle-même ou ne comprenne ce que ça signifie. Toutes les enfants céruléennes savaient que la magie coulait dans leurs veines ; que leur sang possédait des vertus curatives et qu’il créait entre elles une connexion des plus intimes.
    Aujourd’hui toutefois, cette magie n’était d’aucun secours à Sera.
    Dans le bois nébuleux, il faisait froid ; c’était le seul endroit de la Cité du Ciel où l’air n’était pas parfaitement tempéré. L’herbe craquela sous ses pieds nus lorsqu’elle se pencha pour saisir une poignée de filaments de nuage accrochés aux feuilles noires d’un arbre nébuleux. Des filaments aussi fins qu’une toile d’araignée. Les cheveux d’ange lui échappèrent des mains pour aller se fixer sur une feuille plus en hauteur, hors de sa portée.
    — Zut !
    Deux filles proches d’elle poussèrent un petit cri de surprise. Koreen lui décocha un regard perspicace. Rejetant sa chevelure bleu vif dans son dos, elle enroula son nuage jusqu’à former un fil des plus délicats, comme pour montrer l’exemple à Sera. Celle-ci baissa les yeux sur sa robe en fils de nuage, celle que sa mère céladon lui avait confectionnée ; elle sut qu’elle n’arriverait jamais à tisser assez de nuages pour s’en fabriquer une elle-même.
    — Ne cherche pas à les attraper, lui conseilla Leela, qui quitta son métier à tisser où elle avait déjà réuni une épaisse bobine de fil prête à être convertie en tissu. Laisse-les venir à toi.
    — Facile à dire pour toi, rétorqua Sera. Voilà trois semaines qu’on travaille dans ce bois et je n’ai fait aucun progrès.
    — On passera bientôt aux mines de gemmes d’étoiles, répondit Leela. Peut-être que tu y trouveras ta vocation.
    Leela était la meilleure amie de Sera. Sa seule amie, à vrai dire. Sa fougue, ses emportements incontrôlables et ses questions incessantes n’avaient pas l’air de la déranger. Pas plus que ses accès de rire frénétiques qui effrayaient même les oiseaux dans la volière.
    Leela la regarda, pleine d’espoir. Sera ne put se résoudre à lui dire qu’elle ne se croyait pas taillée non plus pour la chasse aux pierres précieuses. Elle ignorait quel rôle lui était destiné dans la Cité. Et bientôt, elle allait avoir dix-huit ans, elle deviendrait adulte. Elle craignait que la grande prêtresse ne lui attribue par défaut une place de novice au temple. C’était bien le dernier endroit au monde où Sera s’imaginait. Elle adorait Mère Soleil, évidemment, toutefois elle ne voyait pas l’intérêt de passer ses journées à chanter des cantiques en son honneur et à nettoyer le temple.
    Mais son éducation était terminée. Cela faisait un an que sa mère céladon avait cessé de l’instruire. Ensemble, les jeunes Céruléennes s’étaient initiées aux diverses tâches de la Cité du Ciel. Sa mère céladon espérait la voir marcher dans ses pas et développer un goût pour le tissage de nuages. C’était d’ailleurs elle qui avait fabriqué toutes les robes de sa fille. Sa mère orange voulait qu’elle prononce ses vœux, mais c’était peu probable – Sera arrivait systématiquement en retard à la messe et aux prières du soir. Sa mère violine jouait la plus douce des musiques à la harpe – on lui réclamait toujours un morceau lors des grandes occasions. Mais Sera n’ayant aucun talent musical, elle ne lui avait jamais mis la pression. En outre, Sera était trop turbulente pour la volière ; elle s’ennuyait au pâturage lorsqu’elle devait surveiller le troupeau de moutons de brume ; et elle n’avait pas la patience de s’occuper des abeilles dans le rucher.
    — Peut-être que Sera sera la première Céruléenne à n’avoir aucune vocation, fit remarquer Koreen d’un ton mielleux et cependant teinté d’acidité.
    Treena et Daina échangèrent un regard. Daina avait déjà trouvé sa vocation, s’occuper des vergers, et elle avait reçu la bénédiction de la grande prêtresse. Sa mission débuterait bientôt. Sera était quasi sûre que Treena demanderait à travailler avec les sages-femmes d’un jour à l’autre.
    — Bien sûr qu’elle va trouver sa vocation, rétorqua sèchement Leela.
    — Mais ce n’est pas encore le cas, souligna Daina.
    — Pour moi non plus, répliqua Leela du tac au tac.
    — Oui, mais…
    — J’aimerais m’occuper du cordon, l’interrompit Sera.
    Elle ignorait d’où lui étaient venues ces paroles, mais une fois qu’elle les eut prononcées, elle sut que c’était vrai. Les autres filles la dévisagèrent d’un air ahuri comme s’il venait de lui pousser une deuxième tête.
    — Le cordon ? répéta Elorin, perplexe.
    — Personne ne s’occupe du cordon, railla Koreen. Ça fait des années et des années qu’on n’a pas eu besoin de s’en occuper. C’est justement pour cette raison qu’on a amarré notre Cité à la planète du dessous.
    La Cité du Ciel n’avait rien de comparable aux autres planètes de l’univers. Pour commencer, ce n’était pas une planète à part entière. Elle n’était pas ronde comme un ballon mais plate, un disque ovale flottant avec un temple en son centre et un jardin tentaculaire à ses deux extrémités. Une fine membrane de magie l’englobait comme une coquille d’œuf, la protégeant du danger et sécurisant ses rebords pour empêcher les Céruléennes imprudentes de s’égarer et de tomber dans l’espace. Comme il n’y avait ni pluie ni neige ni aucune saison discernable, la Cité devait s’arrimer à une planète au moyen d’un lien, une fine chaîne magique constituée de maillons or, argent et bleu, invisible à l’œil humain mais parfaitement visible aux Céruléennes. Ce cordon alimentait la Cité, qui tirait ses nutriments de la planète à laquelle elle était attachée, il en aspirait les minéraux et les molécules de toutes sortes comme l’herbe puise l’eau dans le sol. Grâce à cela, le Grand Estuaire était rempli et les vergers arrosés. L’air était pur et les animaux en bonne santé.
    D’après la mère céladon de Sera, le voyage qui les avait conduites vers cette planète avait été semé d’embûches. Il remontait à presque neuf cents ans, à la suite de la Grande Tristesse. La vie des Céruléennes avait alors changé de manière irrévocable. Il leur avait fallu si longtemps pour trouver l’orbe vert-bleu-marron qui gravitait au-dessous de la Cité que l’Estuaire s’était quasiment asséché, que les champs de fleurs de lune avaient fané et presque disparu et que les moutons de brume avaient commencé à mourir.

     

    Alors, tentés?