Résumé : L’amour fusionnel d’une adolescente pour sa tante muette, l’amour passionné de celle-ci pour un homme tournent au carnage dans l’Iran des mollahs.
Auteur : Chahdortt Djavann
Edition : Flammarion
Genre : Témoignage
Date de parution : 2008
Prix moyen : 5€
Mon avis : On a ici un court témoignage anonyme (juste un prénom : Fatemeh), écrit en prison par une adolescente de 15 ans, condamnée à mort pour un crime qu’on ne découvre qu’à la fin du récit.
Le récit est parvenu à Chadortt Djavann par le biais d’une journaliste iranienne, qui, pour des raisons évidentes de sécurité, a tenu à rester anonyme. Elle-même est entrée en possession du journal de Fatemeh par le biais d’un gardien de la prison où était incarcérée l’adolescente.
C’est un récit parfois maladroit, la jeune fille ayant du quitter l’école à l’âge de 13 ans.
Dans son témoignage, Fatemeh parle de ses parents et surtout de sa tante paternelle. Celle-ci, la muette, a également été condamnée.
Dans cette histoire, on voit la toute puissance des mollahs et leur comportement indigne de la religion qu’ils prétendent représenter.
Fatemeh en veut beaucoup à sa mère, qu’elle considère comme responsable de tout et elle n’a pas vraiment tort.
En effet, le fanatisme religieux de la mère est bien la cause de la chute de la muette, qui va entraîner tout le reste.
Au-delà de la toute puissance des mollahs, le récit pointe également du doigt la persécution des femmes et leur complète impuissance face aux désirs des hommes qui finissent toujours par se retourner contre elles : mariage forcée, accusation d’adultère de la part d’un prétendant éconduit…
Le récit pointe également un problème qui inquiète fortement Amnesty international : la condamnation à mort des mineurs.
Tout comme « la femme lapidée » de Freidoune Sahebjam, « la muette » est un récit édifiant sur les mensonges des hommes et sur ce que la dictature religieuse leur permet d’infliger aux femmes.
Un extrait : J’ai quine ans, je m’appelle Fatemeh, mais je n’aime pas mon prénom. Dans notre quartier, tout le monde avait un surnom, le mien était « la nièce de la muette ». La muette était ma tante paternelle. Je vais être pendue bientôt ; ma mère m’avait nommée Fatemeh parce que j’étais né le jour de la naissance de Mahomet, et comme j’étais une fille, elle m’avait donné le prénom de la fille du Prophète. Elle ne pensait pas qu’un jour je serais pendue ; moi non plus. J’ai supplié le jeune gardien de la prison pour qu’il m’apporte un cahier et un stylo, il a eu pitié de moi et exaucé le dernier souhait d’une condamnée. Je ne sais pas par où commencer. J’ai lu plusieurs fois le petit dictionnaire abandonné sur la corniche de la chambre où j’ai vécu plus d’un an. J’aimais apprendre ce que les mots signifiaient ; mais ne me rappelle pas tous les mots et leur sens. Je n’ai jamais rien écrit, à part quelques poèmes, une vingtaine, mais personne ne les a jamais lus. J’étais très bonne à l’école, mais j’ai dû la quitter à treize ans ; j’aurais bien aimé continuer et aller à l’université. Personne dans ma famille, ni d’ailleurs dans notre quartier, n’avait jamais mis les pieds dans une université. Où j’ai grandi, il n’y avait que la misère et la drogue, aucun destin n’échappait au malheur ; dans ce monde là, la pauvreté écrase les hommes et les femmes, les rend misérables, méchants et laids : trop de misère fait que les gens ne sont même plus capable de rêver. Mon oncle, le frère de ma mère, était drôle, drogué et beau, il avait vingt-deux ans et rêvait encore, un peu trop peut-être. La muette aussi était belle, elle avait de grands yeux brillants et un visage rassurant pour une muette. Moi, je ne suis pas belle, mais je ne suis pas laide non plus ; maintenant, dans cette cellule, je dois l’être. Les trois premiers jours de mon interrogatoire furent les plus lents dans l’histoire de l’humanité, soixante-douze heures sans sommeil sous les coups de matraque. Brûlure indescriptible.