Premières lignes est un rendez-vous livresque mis en place par Aurélia du blog Ma lecturothèque. La liste des participants est répertoriée sur son blog (Si ce n’est que son rdv est le dimanche et que je mettrai le mien en ligne chaque samedi).
Le principe est de, chaque semaine, vous faire découvrir un livre en vous en livrant les premières lignes.
Pour ma part, j’ai décidé de vous faire découvrir mes coups de cœurs !
Cette semaine, je vous présente Je voulais juste vivre de Yeonmi Park dont vous pouvez lire ma chronique ICI.
Le 31 mars 2007, par une nuit froide et obscure, ma mère et moi avons descendu la berge abrupte et rocailleuse du fleuve Yalu, alors gelé, qui sépare la Corée du Nord de la Chine. Des hommes patrouillaient au-dessus de nos têtes et à nos pieds, et à une centaine de mètres de chaque côté se trouvaient des postes de guet avec des soldats armés et prêts à tirer sur quiconque tenterait de franchir la frontière. Nous n’avions aucune idée de ce qui nous attendait, mais nous étions prêtes à tout pour entrer en Chine, où nous aurions peut-être une chance de survivre.
J’avais treize ans et je pesais tout juste vingt-sept kilos. Moins d’une semaine plus tôt, j’avais été hospitalisée à Hyesan, ma ville natale, située à la frontière chinoise, à cause d’une infection intestinale grave diagnostiquée à tort comme appendicite par les médecins. L’incision me faisait encore affreusement souffrir et j’étais si faible que je parvenais à peine à marcher.
Le jeune passeur nord-coréen qui nous faisait traverser insistait pour agir cette nuit. Il avait payé des gardes pour qu’ils ferment les yeux mais impossible de soudoyer tous les soldats alentour ; nous devions donc faire preuve d’une extrême prudence. Je l’ai suivi dans le noir, mais j’étais si instable sur mes jambes que j’ai dévalé la berge sur les fesses, provoquant des avalanches de cailloux devant moi. Il s’est retourné pour me murmurer avec colère de faire moins de bruit. Trop tard. Nous distinguions déjà la silhouette d’un soldat nord-coréen qui remontait depuis le lit du fleuve. Si l’homme faisait partie des soldats soudoyés, il ne semblait pas nous reconnaître.
« Partez ! a-t-il hurlé. Rentrez chez vous ! »
Notre guide est allé à sa rencontre et nous les avons entendus discuter à voix basse. Le guide est revenu seul.
« Allons-y, a-t-il dit. Dépêchez-vous ! »
Le printemps venait de s’installer et le temps se radoucissait, faisant fondre des plaques à la surface du fleuve gelé. L’endroit où nous traversions était étroit et profond, protégé du soleil en journée si bien que la glace y était suffisamment solide pour supporter notre poids – nous l’espérions en tout cas. Le passeur s’est servi d’un téléphone portable pour contacter quelqu’un sur l’autre rive, côté chinois, puis il a murmuré : « Courez ! »
Alors, tentés?