Résumé : Depuis que Charlotte est toute petite, une malédiction semble peser sur elle et entraîner la mort des êtres qui lui sont chers. Pour fuir la peur et les rumeurs, sa grand-mère l’emmène vivre au loin, au hameau des Fourches, où elle espère qu’elles trouveront le bonheur parmi les habitants de ce village en plein développement.
La jeune fille grandit et apprend les petites joies du quotidien auprès de sa grand-mère, d’Agnes Hamilton, qui l’initie au commerce de la laine, et des Abénaquis qui passent au gré des saisons. Mais Charlotte peut-elle réellement aspirer à une vie sans malheur ? Peut-elle envisager une histoire d’amour sans craindre pour la vie de celui dont elle rêve ? Tiraillée entre ses désirs et ses appréhensions, la jeune femme devra faire des choix qui marqueront son destin à jamais.
Auteur : Louise Simard
Edition : Goélette
Genre : Historique
Date de parution : 09 février 2015
Prix moyen : ??
Mon avis : Le hameau des fourches est le premier tome d’une trilogie de la littérature québécoise. Pour autant, je n’ai pas été gêné par des expressions typiquement québécoises comme on en trouve souvent dans les livres outre-Atlantique et que j’ai beaucoup de mal à suivre dans ma lecture.
Charlotte n’est pas une fillette comme les autres. Née pendant une tempête, les habitants du village où elle est née l’on rapidement taxée de sorcellerie et de porteuse de malédiction car sa mère est morte en la mettant au monde. L’apparence de Charlotte, qui, selon la description que l’auteur en fait semble être plus ou moins albinos, n’arrange pas les choses et elle et les siens sont obligés de partir toujours plus loin pour semer la rumeur.
Charlotte elle-même est persuadée de porter malheur et culpabilise beaucoup à chaque décès dans son entourage, qu’il soit incompréhensible, naturel, accidentel ou encore provoqué par un tiers.
Sa grand-mère, Rachel, fini par l’emmener au hameau des fourches, un petit village peu peuplé, sur des terres reculées.
Charlotte fait son nid dans ce village. Il n’est plus vraiment question d’une quelconque malédiction, hormis dans la tête de la gamine, ce qui n’empêche pas les gens de la regarder avec une certaine suspicion. Charlotte a hérité de sa grand-mère un caractère indépendant et elle ne veut pas se plier à quelque convention que ce soit et encore moins à un homme. De plus, comme elle reste persuadée que l’aimer et vivre avec elle porte malheur, elle ne veut pas se laisser aller à l’amour et au bonheur.
Tisserande de talent, elle n’hésite pas à tenir tête à un riche militaire qui souhaite acquérir la totalité des terres alentours. Son attitude provoque bon nombre de regard en coin, d’autant plus que Charlotte est amoureuse d’un indien Abénaquis. On se doute que les habitants du village, tout comme le pasteur, ne voient pas cette relation d’un bon œil.
En parallèle de l’histoire personnelle de Charlotte et de la malédiction qui semble la poursuivre, on suit également l’histoire de l’expansion et de l’évolution du hameau qui prend de l’ampleur, se transforme en village, puis en petite ville, avec tout ce que cela implique de criminalité, de nouveau arrivants, de pauvres gens cherchant à se loger, à travailler, à se nourrir… La spéculation des riches propriétaires, au détriment des fermiers, est de plus en plus importante.
En réalité, j’ai trouvé cet aspect de l’histoire bien plus passionnant que l’histoire de la malédiction elle-même, surtout que pour chaque mort, une explication rationnelle existe.
Si je lis la suite de l’histoire, ce sera plus pour voir la résolution du triangle amoureux de Charlotte, Atoan et Henri et pour savoir si la jeune femme va réussir à continuer à tenir tête aux riches promoteurs qui convoitent son lopin de terre et à faire évoluer son commerce.
Un extrait : Trois jours après l’orage et les grands vents qui avaient secoué le village de Shelburne, en Nouvelle-Écosse, les habitants de toute la région environnante s’affairaient toujours à réparer les dégâts. Des arbres déracinés, des toits arrachés, des chaloupes qui s’étaient échouées sur la rive, se fracassant en mille morceaux, un hangar et un poulailler jetés à terre. Presque tout le monde avait été touché d’une façon ou d’une autre, et chacun faisait preuve de générosité et de solidarité.
Joshua avait été appelé à plusieurs reprises pour panser des blessures mineures ou réconforter une personne âgée souffrant d’un malaise. Au courant de son malheur, les villageois avaient pris le temps de lui offrir leurs condoléances, lui témoignant beaucoup de compassion. Le jeune homme se sentait soutenu, et ce courant de sympathie le réconfortait sans le consoler.
Seule la petite Charlotte le distrayait de sa peine. Il avait cru en vouloir à cette enfant jusqu’à la fin de leurs jours, mais il s’était vite rendu compte qu’il en était incapable. D’ailleurs, sa propre mère, à qui il avait confié la nouveau-née, ne l’aurait pas permis.
Rachel Martin, boulangère de Shelburne et propriétaire d’une compagnie de pêche, n’aurait pas accepté que l’on reproche à une enfant d’exister. À ses yeux, la petite Charlotte n’était nullement responsable de la mort de sa mère, et chercher des coupables n’avait jamais aidé personne à surmonter les épreuves et à se prendre en main. Maintenant cinquantenaire, Rachel Martin savait de quoi elle parlait, car elle avait eu son lot de malheurs. Lorsque l’Angleterre avait voulu mater les rebelles américains, elle était restée fidèle à la couronne britannique et avait payé cher sa loyauté. Obligée de quitter New York à la fin de la guerre, comme des centaines d’autres loyalistes, elle s’était exilée à Shelburne, une grève rocailleuse encore inhabitée. Son mari, prisonnier des rebelles, avait été libéré après une longue captivité. Il était venu mourir auprès d’elle, en apportant le choléra dans la ville naissante, déjà rongée par la misère. Les filles de Rachel avaient elles aussi été frappées par cette terrible maladie, et la pauvre femme s’était retrouvée seule avec son fils. Après quelques années, elle avait rencontré le docteur Meixner. Cet homme d’une grande bonté l’avait ramenée dans le monde des vivants, à force d’amour et de patience. Très près de Joshua, il avait transmis au garçon ses connaissances médicales, avant de mourir à son tour. Leur bonheur avait été si court.