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[Livre] Captive

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Résumé : 1859 : Grace Marks, condamnée à perpétuité, s'étiole dans un pénitencier canadien. A l'âge de seize ans, Grace a été accusée de deux horribles meurtres. Personne n'a jamais su si elle était coupable, innocente ou folle. Lors de son procès, après avoir donné trois versions des faits, Grace s'est murée dans le silence : amnésie ou dissimulation ? Le docteur Simon Jordan veut découvrir la vérité. Gagnant sa confiance, Jordan découvre peu à peu la personnalité de Grace, qui ne semble ni démente ni criminelle. Mais pourquoi lui cache-t-elle les troublants rêves qui hantent ses nuits ? Inspiré d'un sanglant fait divers qui a bouleversé le Canada du XIXe siècle, Margaret Atwood nous offre un roman baroque où le mensonge et la vérité se jouent sans fin du lecteur.


Auteur : Margaret Atwood

 

Edition : Robert Laffon

 

Genre : Roman contemporain

 

Date de parution : 05 juin 2003

 

Prix moyen : 9€

 

Mon avis : J’ai beaucoup aimé ce roman inspiré d’un fait divers canadien. Même si l’auteur a romancé l’histoire, on peut voir qu’elle s’est documentée et qu’elle est restée aussi proche que possible de la réalité, du moins pour ce que l’on en sait.
J’ai apprécié qu’elle ne cherche pas à nous donner une fin tranchée et que, si elle nous offre plusieurs explications possibles au cas Grace Marks (manipulatrice, innocente, amnésique ou victime de dédoublement de la personnalité), elle reste dans l’incertitude puisque la vérité à ce sujet n’a jamais été découverte et qu’aujourd’hui encore on se demande qu’elle a été la réelle implication de Grace dans les meurtres de son patron et de la femme de charge.
Le récit alterne entre l’histoire à la troisième personne suivant le docteur Simon Jordan, le récit à la première personne de Grace et les lettres échangées, des coupures de journaux, des citations, qui éclairent sur l’opinion publique. D’ailleurs l’auteur effectue un changement de style entre les différentes parties. Grace a un langage oral, familier, elle dit les choses comme elles lui viennent, tandis que les parties concernant le docteur Jordan sont plus structurées, avec un ton plus soutenu.
Les dialogues ne sont pas marqués par des tirets ou des guillemets dans le récit de Grace. C’est un peu déroutant, au début, car si on ne fait pas attention, on peut vite perdre le fil et ne plus savoir qui dit quoi, mais on fini par s’y habituer, d’autant plus que c’est assez logique puisque le texte est censé être la transcription du récit de la jeune femme.
Le roman est long, tout est raconté de manière extrêmement détaillé, et le rythme est assez lent. Il n’y a pas vraiment d’action qui nous pousse à aller plus vite, pas de suspense concernant l’histoire puisqu’on sait qu’elle se fini par le meurtre et l’emprisonnement de Grace.
C’est un roman passionnant mais qu’on peut avoir besoin de poser de temps en temps.
Du côté des personnages, j’ai trouvé qu’en dehors de Grace, ils étaient, dans l’ensemble, assez antipathiques.
Ils se montrent très souvent condescendants et considèrent Grace comme une distraction, même ceux qui cherchent à prouver son innocence.
Quant au docteur Simon Jordan, je ne suis pas certaine de l’apprécier. Certes il essaie d’aider Grace, mais il veut avant tout se faire un nom et le cas de la jeune femme pourrait le propulser sur le devant de la scène. Son comportement en dehors des séances montre qu’il se croit facilement supérieur à ses semblables et j’ai eu du mal à le supporter.
Grace, elle, est d’une complexité troublante. Elle est pétrie de contradictions et son récit laisse perplexe à plusieurs reprises. J’avoue que je m’interroge à propos d’un éventuel dédoublement de personnalité car elle a vécut un choc qui aurait pu le provoquer. Mais j’ai été incapable de découvrir si Grace simulait ou non les passages à ce propos.
Je sais qu’une série a été faite sur ce livre, « Alias Grace », et j’ai hâte de voir ce qu’elle donne, maintenant que j’ai lu le livre !

 

Un extrait : Je suis assise sur le canapé en velours cramoisi du petit salon du gouverneur, du petit salon de l’épouse du gouverneur ; ça a toujours été le petit salon de l’épouse du gouverneur, même si ce n’est pas toujours la même épouse, puisqu’on les déplace en fonction de la politique. J’ai les mains jointes sur les genoux, très comme il faut, bien que je n’aie pas de gants. Les gants que j’aimerais avoir seraient soyeux et blancs, et ils ne feraient pas du tout de plis.

Je suis souvent dans ce salon en train de débarrasser les affaires du thé et de faire la poussière des petites tables, du grand miroir au cadre orné de raisins et de feuilles et du piano ; et de la grande horloge venue d’Europe avec le soleil orange doré et la lune argent qui apparaissent et disparaissent selon l’heure de la journée et la semaine du mois. Moi, dans le petit salon, c’est l’horloge que je préfère bien qu’elle égrène le temps et que j’en aie déjà à revendre.

Mais, avant, je ne m’étais jamais assise sur le canapé, vu que c’est pour les invités. Mme Alderman Parkinson avait dit qu’une dame ne devait jamais s’asseoir sur un siège qu’un gentilhomme venait de libérer, bien qu’elle n’eût pas voulu donner de raison ; mais Mary Whitney s’était écriée, Parce que, espèce d’andouille, il conserve encore la chaleur de son derrière ; ce qui était une grossièreté. C’est pour ça que je ne peux pas m’asseoir là sans penser à tous ces derrières distingués qui se sont assis sur ce canapé, tous délicats et blancs, comme des œufs mollets.

Les visiteuses portent des robes d’après-midi avec des rangées de boutons sur le devant et des crinolines en fils métalliques bien raides par-dessous. C’est franchement un miracle qu’elles puissent s’asseoir, et, quand elles marchent, il n’y a rien qui touche leurs jambes sous leurs jupes bouffantes, excepté leurs chemises et leurs bas. Elles ressemblent à des cygnes, à avancer en glissant sur des pieds invisibles ; ou sinon aux méduses du petit port rocailleux à côté de notre maison, quand j’étais petite, avant même que j’aie entrepris cette longue et triste traversée de l’océan. Elles avaient une forme de cloche et ondoyaient gracieusement sous la mer ; mais quand elles étaient rejetées sur le rivage et qu’elles séchaient au soleil, il ne restait plus rien d’elles. Et c’est ce à quoi ressemblent les dames : à de l’eau, principalement.

Les crinolines en métal n’existaient pas quand on m’a amenée ici pour la première fois. C’était du crin de cheval, à l’époque, vu qu’on n’avait pas inventé les armatures en métal. Je regarde celles qui sont accrochées dans les penderies quand je vais faire le ménage et vider les seaux de toilette. On dirait des cages à oiseaux ; mais qu’est-ce qu’elles enferment, ces cages ? Des jambes, les jambes des dames ; des jambes parquées dedans pour ne pas qu’elles s’échappent et aillent se frotter contre les pantalons des messieurs. L’épouse du gouverneur ne prononce jamais le mot jambe et, pourtant, les journaux ont dit jambes quand ils ont parlé de Nancy dont les jambes mortes dépassaient de dessous le cuvier.

 

bonne lecture 3 étoiles.jpg

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