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[Livre] Pourvu que la nuit s’achève

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Résumé : Lorsque Zeba est retrouvée devant chez elle, le cadavre de son mari à ses pieds, il paraît évident aux yeux de tous qu’elle l’a tué. Depuis son retour de guerre, Kamal était devenu un autre homme, alcoolique et violent. Mais cette mère de famille dévouée est-elle capable d’un tel crime ? Présumée coupable, Zeba est incarcérée dans la prison pour femmes de Chil Mahtab, laissant derrière elle ses quatre enfants. C’est à Yusuf, revenu des États-Unis pour régler une dette symbolique envers son pays d’origine, l’Afghanistan, que revient la défense de ce cas désespéré. Mais la prisonnière garde obstinément le silence. Qui cherche-t-elle à protéger en acceptant de jouer le rôle du suspect idéal ? Et dans ces conditions, comment faire innocenter celle qu’on voit déjà pendue haut et court ?


Auteur : Nadia Hashimi

 

Edition : Milady

 

Genre : Roman contemporain

 

Date de parution : 07 juillet 2017

 

Prix moyen : 8€

 

Mon avis : Nadia Hashimi a le don de nous transporter en Afghanistan dans chacun de ses romans. Déjà, dans la perle et la coquille, on se passionnait pour la coutume des Basha Posh et le bouleversement que le retour à leur condition de femme pouvait entrainer pour ces jeunes filles qui s’étaient si longtemps conduites en garçon et avaient si longtemps été traité comme tels.
Aujourd’hui, avec Pourvu que la nuit s’achève, on découvre la justice afghane et surtout la justice appliquée aux femmes et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est sommaire.
Déjà, concernant Zeba, elle est arrêtée et emprisonnée sans que la moindre enquête soit menée par la police. Pourquoi mener une enquête après tout ? C’est son mari qui a été tué et elle était juste à côté du corps. C’est donc forcément elle la coupable. Et avec la coutume Afghane de ne jamais dire du mal des morts, l’homme, violent, bon à rien, mauvais musulman (ce qui, dans ce pays est un crime), passerait presque pour un saint.
Mais ce qui m’a le plus choquée, outre l’histoire de Zeba, c’est les raisons de l’emprisonnement des autres femmes. La plupart sont là pour crimes moraux. Certes on savait qu’en Afghanistan, le fait pour une femme de tomber amoureuse, était un crime qui pouvait la conduire à la mort pour « laver l’honneur de la famille ». La plupart des femmes sont donc plus en sécurité derrière les barreaux que dans leur foyer. Mais il y a quand même des cas qui dépassent l’entendement, même dans ce pays !
Pour n’en citer que 2 qui m’ont marqués : une femme, la soixantaine, est condamnée à 30 ans de prison parce que son fils s’est enfui avec une jeune fille. Le couple a été rattrapé, le fils tué, mais cela ne suffisait pas à la famille de la jeune fille. La mère a donc payé pour la « faiblesse » du fils.
Le second cas est encore plus ahurissant car il va à l’encontre même des traditions du pays. Une jeune fille est emprisonnée parce que ses parents ont refusé la demande en mariage d’un homme puis ont arrangé son mariage avec un autre. La famille du prétendant éconduit l’a donc fait emprisonnée pour « zina » comprendre « acte sexuel en dehors du mariage » alors même qu’elle n’a probablement pas eu son mot à dire dans le choix de son mari.
Le crime de zina est d’autant plus pratique que le témoignage d’une femme à moitié moins de valeur que celui d’un homme. Si un homme accuse une femme de zina, sa propre parole ne fait pas le poids contre lui.
Au fil des réunions entre l’avocat, le procureur et le juge, on tombe des nues en découvrant que l’Afghanistan est bel et bien doté d’un code pénal. Mais celui-ci est interprété selon le bon vouloir du juge, ce qui va rarement dans le sens de l’intérêt de la femme, mais plutôt selon l’intérêt de celui qui le paie le plus cher.
Le mystère de la mort du mari de Zeba se lève lentement et on ne peut que saluer le courage de cette femme qui risque la pendaison mais garde le silence, pensant aux autres avant elle-même.
J’ai aimé aussi le minuscule brin d’espoir que constituent certaines des faits que rapporte Yusuf : un violeur qui a pris 20 ans de prison, un mollah agresseur de petite fille qui a été violement sanctionné par la famille de la gamine, la réaction du père d’une des petites voisines de Zeba devant le drame vécu par sa fille. Ce ne sont que des grains de sable, mais cela reste un espoir car ces pères-là n’ont pas fait peser le poids de la honte sur leurs filles et les ont reconnus pour ce qu’elles sont : des victimes innocentes. Grain de sable par grain de sable, on ne peut qu’espérer que le sort des femmes d’Afghanistan puisse s’améliorer, avec peut-être l’aide de la pression internationale.

Un extrait : Basir et ses sœurs franchirent le portail perçant le haut mur qui isolait leur foyer de la rue et des voisins. En entendant les pleurs de Rima, les cris d’un bébé appelant sa maman les bras tendus, Basir fut saisi d’une sourde angoisse. Les filles se précipitèrent dans la maison, et en un éclair, Shabnam souleva Rima pour la bercer sur sa hanche. Le visage du bébé était rouge, son nez coulait. Karima regarda sa sœur avec hébétude, tandis que l’odeur des gombos brûlés imprégnait l’air tel un mauvais présage. Aucun signe de Madar-jan. Quelque chose n’allait pas.

Sans un mot, Basir jeta un bref coup d’œil dans les deux chambres puis dans la cuisine. Les mains tremblantes, il poussa la porte donnant sur la cour. Des pantalons bouffants, des foulards, des chemises flottaient sur la corde à linge. Un faible gémissement attira son attention vers le fond du jardin, où se trouvait la remise, contiguë au mur extérieur du voisin.

Il fit un pas, puis deux. Comme il aurait aimé remonter le temps, revenir au matin, quand tout était encore normal ! Comme il aurait aimé faire demi-tour, trouver sa mère dans la cuisine en train de remuer des haricots verts dans une lourde marmite, en s’inquiétant de ne pouvoir nourrir correctement ses enfants.

Mais rien ne serait plus jamais comme avant. Basir le comprit dès qu’il contourna la remise, dès l’instant où la vie qu’il connaissait se noya dans le sang et la violence. Zeba, sa mère, leva vers lui un visage blême et hagard. Elle était assise, dos contre le mur, dans une atmosphère macabre. Ses mains étaient noires de sang, ses épaules tremblaient.

— Madar-jan, commença-t-il.

Une silhouette avachie reposait quelques mètres plus loin.

— Bachem, dit-elle d’une voix faible.

Sa respiration s’accéléra. Zeba se mit à sangloter, la tête entre les genoux.

— Rentre à la maison, mon fils… Rentre à la maison… Tes sœurs, tes sœurs… Rentre à la maison…

Basir sentit sa poitrine se serrer. Comme son père, il n’avait rien vu venir.

 

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