Résumé : Élisabeth, Lou et la petite Laura forment avec leurs parents une famille unie et joyeuse. Jusqu’au jour où Éli part passer le week-end chez une amie et ne revient pas. Bloquée par le silence des adultes, Lou n’ose pas poser de questions. Le corps pressent ce que l’esprit refuse d’accepter, mais admettre qu’Éli est morte serait plus terrible encore que ce mutisme qui, peu à peu, empoisonne tout.
C’est sur cet événement que Lou revient à la veille de ses seize ans, l’âge d’Éli à sa disparition. Comment continuer à vivre sans cette grande soeur qu’elle chérit tant ? Comment se résoudre à devenir plus vieille qu’elle ? Comment cesser d’être « la petite soeur d’Éli » ? Il va bien falloir, pourtant, passer ce cap…
Auteur : Marie-Claude Vincent
Edition : Robert Laffont
Genre : Jeunesse
Date de parution : 07 avril 2016
Prix moyen : 16€
Mon avis : « A demain, Lou », ce sont les dernier mots qu’Elisabeth « Eli » a lancé à sa petite sœur avant de partir chez une copine.
Quand j’ai lu le résumé, j’ai supposé qu’Eli allait faire une mauvaise rencontre, mais non, même pas. On apprend très vite qu’il n’en est rien, et que c’est encore plus « bête » que ça, même si les détails, on ne les découvrira que plus tard.
Après la disparition d’Eli, la famille plonge dans le silence : Laura qui, trop petite, ne réalise pas, les parents, bouleversés, les grands-parents et Lou. Lou qui ne comprend pas vraiment ce qu’implique ce « Eli est partie » qu’on lui a asséné. Quand quelqu’un part, il est supposé revenir, non ? Comme l’oncle Charles qui est parti vivre à l’autre bout du monde mais qui revient de temps en temps.
Alors Lou attend. Elle attend le retour de sa sœur. Sans poser de question, sans oser prononcer son nom, parce qu’au fond d’elle, elle sait bien ce que veut dire « Eli est partie ». Mais à douze ans, impossible de se confronter à cette réalité, impossible d’admettre, de se résigner.
L’écriture s’adapte aux pensées d’une adolescente de douze ans. C’est une écriture simple, les choses sont dites sans détour, avec beaucoup de douceurs, même quand Lou a envie de tout casser dans la maison.
C’est un roman bouleversant sur le deuil chez l’enfant et j’ai pleuré pendant la moitié du livre.
A plusieurs reprises, on se rend compte que les parents, en voulant protéger Lou, n’ont fait que la perturber davantage et on se demande comment ils vont vivre cela quand ils vont s’en rendre compte. Car tout ce qu’ils font, ils le font par amour et le fait de s’être « trompé » sur la manière d’agir envers Lou risque de les plonger un peu plus dans l’affliction. Heureusement, entre les parents de la mère et le frère du père, ils sont bien entourés.
C’est un roman sur le deuil, mais c’est aussi un roman sur l’attente. Nous lecteurs, attendons que Lou accepte la mort de sa sœur. Les parents, les professeurs, attendent que Lou se reprenne, fasse son deuil, sans vraiment réaliser que ce deuil elle ne peut pas le faire, puisque la mort d’Eli n’est pas une réalité pour elle. Enfin Lou est celle qui attend le plus, mais aussi celle qui n’a aucune chance de voir son attente récompensée : elle attend le retour de sa sœur.
En plus du deuil en lui-même, Lou va devoir accepter de devenir plus vieille qu’Eli, de devenir l’aînée de la famille. Elle sera toujours la grande sœur de Laura, mais elle va devoir accepter qu’elle ne sera plus la petite sœur d’Eli. Eli qui aura 16 ans pour toujours tandis que Lou va devoir avancer, vivre sa vie et par là même vivre tout ce que sa sœur ne vivra jamais. Et ce refus de devenir « plus grande » qu’Eli se ressent jusque dans son corps qui semble vouloir la maintenir « plus petite ».
Marie-Claude Vincent a vraiment su trouver non seulement les mots pour parler du deuil mais aussi le ryhtme. Lou ne s’en sort pas comme par magie du jour au lendemain. Elle avance, recule, avance de nouveau.
C’est un roman à lire, un roman qui a été un vrai coup de coeur
Un extrait : Un chat, oui, pouvait mourir d’un seul coup. Il suffisait de traverser au moment où une voiture filait à toute allure sur l’avenue. Une fille qui n’avait pas hésité à plonger dans un lac dont on ne voyait même pas le fond, qui venait d’obtenir son brevet de natation haut la main, ne pouvait pas s’être noyée dans une piscine. Un rectangle d’eau limpide de quatre mètres sur sept. L’arrivée de ce papier, sérieux, officiel, daté, signé, cosigné, si sérieux que le brevet ne m’avait pas été attribué, à moi qui avais refusé de plonger, me confirmait que j’avais raison de ne pas croire à la mort d’Eli.
Ce dont je ne démordais pas depuis deux semaines.
Le diner fut très silencieux. Même Laura, perchée sur sa chaise haute, mangea sans presque babiller, se frottant les yeux de ses petits poings comme si elle avait passé une journée épuisante à la crèche. J’entendais le tic-tac de l’horloge murale, l’eau descendre par à-coups dans la gorge de papa, les petits bruits de fourchette de maman qui chipotait dans son assiette. Elle avait des cernes rouges sous les yeux. J’aurais voulu avancer la main et la poser sur son bras pour qu’elle me sourie. J’aurais voulu raconter ma journée de classe, comme Eli et moi le faisions chaque soir, encore en juin dernier, ponctuant nos récits de moues et d’exclamations. Mais j’étais paralysée. Ma seule certitude, c’était qu’il y avait eu, quinze jours auparavant, un enterrement qui ne pouvait pas être celui d’Eli. C’est en débarrassant la table ce soir-là que je décidai de commencer les listes.
- Maman a ouvert ton courrier par inadvertance (rouge)
- Le pauvre type a envoyé ton brevet de natation (bleu)
Je me forçais même en fredonner en replaçant les cahiers dans un tiroir de mon bureau. On fait les choses à fond ou on ne les fait pas.