Résumé : Dans son deuxième livre présenté à l'automne 2009, Les Femmes de la honte, Samia Shariff propose aux lecteurs de partager, en toute confiance, les péripéties survenues depuis son arrivée au Québec avec ses cinq enfants, dans cette enclave francophone des vastes Amériques, où règnent liberté et tolérance. Ecrit avec le cœur, son nouveau témoignage n'est pas une critique de l'islam, même s'il met en accusation le comportement abject de trop de Musulmans envers leurs femmes et leurs filles. Il est en effet clair pour Samia que si ces derniers suivaient vraiment les enseignements et les prescriptions de l'islam, les femmes n'en seraient jamais arrivées là, dans des conditions d'apartheid à peine concevables au XXIe siècle. Avec son second livre, Samia veut donc apporter de l'espoir à toutes les femmes qui se débattent et cherchent à survivre à la violence, quel que soit son visage. Car la peur n'est plus une maîtresse qui dicte sournoisement sa conduite. Même omniprésente, la peur n'a plus le dernier mot...
Auteur : Samia Shariff
Edition : JCL
Genre : Témoignage
Date de parution : 2008
Prix moyen : 7€
Mon avis : Dans ce second livre, Samia raconte sa vie depuis la sortie du « voile de la peur » son premier roman, dans lequel elle rapportait les souffrances endurées auprès de sa famille et de son époux.
Libre, enfin, et vivant au Canada, elle a du mal à se défaire complètement de son éducation, et certaines de ses réactions, hésitations irritent sa fille Norah qui voudrait que sa mère soit aussi libre dans sa tête.
Elle flagelle sans compassion les arabo-musulmans, ne concédant que du bout des lèvres que tous ne sont pas des monstres.
A chaque fois qu’elle voit une scène qui lui rappelle son passé, même de loin, elle essais, sans beaucoup de succès mais avec beaucoup d’imprudence et d’inconscience, de pousser les femmes à la révolte. Mais une telle révolte ne se décide pas comme ça, dans un terminal d’aéroport. Elle harangue un époux musulman qu’elle trouve odieux avec son épouse sans réfléchir au fait que c’est ladite épouse qui risque de faire les frais de l’irritation du mari, elle pousse sa sœur à fuir l’Algérie sans vraiment réfléchir aux dangers que cela pourrait comporter face à une famille méfiante qui s’est déjà « fait avoir » par leur aînée, elle encourage une égyptienne à divorcer parce que son mari souhaite une seconde épouse, la première ne pouvant plus lui donner d’enfants… Bref, elle se montre assez intrusive et vindicative et devrait prendre un peu de recul et réaliser que chaque cas est différent, que les dangers sont également différents et qu’on ne peut pas agir par impulsion en permanence.
Autre chose étrange, dans toute la première partie de son récit, Samia parle du manque d’argent, du fait que ses filles doivent travailler (Norah à plein temps, Melissa après l’école) mais elle peut en même temps payer le voyage pour l’Algérie à ses trois fils pour qu’ils voient leur père (le second mari de Samia) et un voyage en Egypte pour elle-même... Depuis le Canada, ça ne doit pas être particulièrement donné…
Je comprends son envie, presque son besoin, de venir en aide aux femmes qui subissent ce qu’elle-même a subi, parfois même pire. Mais elle le fait sans aucune réflexion, elle en vient à se surendetter et à ne plus pouvoir ni payer son loyer ni nourrir ses enfants.
Quant à l’écriture, de toute évidence, comme il s’agit d’un second livre, son éditeur s’est dit qu’elle n’avait plus besoin d’autant de relecture. Du coup, on croule sous les répétitions, pas seulement de mots mais parfois de phrases entières.
Les hommes qu’elle rencontre et qui tentent de justifier leur attitude envers les femmes m’ont énervée car ils invoquent le nom de Dieu comme justification de tout, alors même que les pratiques concernées ne sont pas marquées dans le Coran (quand celui-ci ne préconisent pas carrément le contraire).
Mais l’auteur m’a tout autant agacée. Elle oscille entre inconscience et agressivité, veut « sauver le monde » seule plutôt que de rejoindre une association. En fait, elle veut tout régler, tout de suite, en oubliant que certaines actions prennent du temps.
Cela dit, la lecture de cet ouvrage reste intéressante, et c’est un plaisir de découvrir comment les choses ont évoluées pour Samia et ses enfants depuis leur arrivée au Canada.
Un extrait : Mes années d’enfance et d’adolescence ont non seulement baigné dans un profond climat d’insécurité et de carence affective, mais elles ont aussi été marquées par diverses atrocités. Mes proches nourrissaient l’idée que ces abominations avaient une fin, celle de me préparer à devenir une femme à part entière.
Très jeune, j’ai constaté avec effroi qu’être femme dans un milieu où les hommes sont rois était une position intenable. Aspirer à devenir une femme libre dans une société croulant sous le poids des archaïsmes s’est révélé une mission impossible.
Aux yeux de plusieurs, je n’étais qu’une prétentieuse qu’il fallait sans cesse rappeler à l’ordre.
Et surtout, je n’étais qu’une femme, une vérité que je ne devais pas oublier. J’étais donc incapable par nature et il fallait tout me dicter, me confiner aussi sur un territoire de seconde zone, là où régnait et règne encore un pouvoir masculin absolu.
Sur ce territoire, le gouvernement domine le peuple, le père régente la mère, le frère, la sœur et le mari, sa femme. Dans cette hiérarchie, le bébé mâle qui vient de naître occupe, il va sans dire, une position supérieure à la nouveau-née. La réalité est plus crue encore : un bébé mâle, encore vagissant, est déjà sacré supérieur à ses sœurs, même les plus âgées.
Bienvenue dans un monde d’hommes qui n’a aucune pitié pour les révoltées comme moi, et moins encore pour celles plus révoltées et dont le nombre pourrait surprendre. Mais à quoi peut bien servir la révolte, si personne n’écoute, ou pire, si personne ne voit en nous un être humain à part entière qui possède des droits et qui partage un même besoin de s’affirmer et de s’épanouir?
Un être, de l’espèce femme. Simplement.
Alors que j’étais en pleine adolescence, mes parents ont scellé mon destin en m’imposant un mari qui, à peine la fête nuptiale achevée, m’a fait comprendre par la force que j’étais désormais sa propriété. Comme si cela se pouvait, ma situation s’est aggravée sans cesse, à un point où, aujourd’hui encore, je me demande comment j’ai pu y survivre pendant quinze ans.
Sous le joug de cet homme d’une violence extrême et qui avait deux fois mon âge, j’ai résisté tant bien que mal, le plus souvent très mal. À travers cette grande noirceur, un terrible dilemme s’est peu à peu posé, puis imposé : fuir ou mourir.
J’ai choisi de m’évader, contre vents et marées, contre traditions et soumission. J’ai choisi de me sauver et de sauver mes cinq enfants, surtout mes deux filles. J’ai enfin compris qu’elles subiraient le même sort que moi et qu’il fallait à n’importe quel prix tenter cette fuite téméraire, presque insensée.
J’étais la seule adulte de cette famille et mon devoir exigeait de la soustraire à cette infamie.