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  • [Livre] La perle et la coquille

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    Résumé : Kaboul, 2007 : les Talibans font la loi dans les rues. Avec un père toxicomane et sans frère, Rahima et ses sœurs ne peuvent quitter la maison. Leur seul espoir réside dans la tradition des bacha posh, qui permettra à la jeune Rahima de se travestir jusqu’à ce qu’elle soit en âge de se marier. Elle jouit alors d’une liberté qui va la transformer à jamais, comme le fit, un siècle plus tôt, son ancêtre Shekiba. Les destinées de ces deux femmes se font écho, et permettent une exploration captivante de la condition féminine en Afghanistan.

     

    Auteur : Nadia Hashimi

     

    Edition : Milady

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 17 juin 2016

     

    Prix moyen : 8€

     

    Mon avis : L’auteur nous dévoile parallèlement les histoires de Shekiba et de Rahima, la première étant l’arrière-arrière-grand-mère de la seconde. Les deux histoires, qui ont eu lieu à un siècle d’intervalle, sont étrangement similaires malgré les années qui les séparent. A première vue, on se dit que les choses n’ont pas changé et puis on se rend compte que non, certaines choses ont changé, mais qu’il y a eu un retour en arrière, surtout au niveau du sort des femmes.
    En 1911, Shekiba perd toute sa famille du choléra. Si elle essaie de continuer à vivre seule un temps, son secret est vite découvert, et, ses oncles convoitant la terre de son père, l’envoie vivre avec sa grand-mère qui la traite en esclave. Il faut dire que Shekiba traine deux boulets : le premier est un visage à moitié brûlé lors d’un accident domestique dans un pays qui ne tolère pas les handicaps. Le second est que son père a refusé d’épouser la femme qui lui destinait pour choisir à la place celle qui sera la mère de Shekiba. Avec un prénom qui, ironiquement, signifie cadeau, Shekiba va passer de mains en mains pour échouer au harem du roi, non pas comme concubine, mais comme garde. En effet, le roi, paranoïaque, refuse que ses femmes soient gardées par des hommes et leur préfère des femmes déguisées en homme. Une nouvelle liberté pour Shekiba, mais aussi un cadeau empoisonné.
    Un siècle plus tard, Rahima, 9 ans, est retirée de l’école avec ses sœurs par son père car des garçons les ennuient sur le trajet, et que dans ces cas-là, la faute retombe sur les filles qui sont vite mal vues par les voisins.
    Sur les conseils de leur tante Shaima, Rahima va être transformée en Bacha Posh : une fillette que l’on déguise en garçon jusqu’à ce qu’elle soit en âge de se marier afin qu’elle puisse aider sa famille et servir de chaperon à ses sœurs. Mais après avoir goûté une telle liberté, le retour à une vie de femme, avec en plus un mariage détestable va être un véritable drame dans la vie de Rahima.
    A travers les deux histoires, l’auteur dénonce les conditions de vie des femmes qui ne sont que des objets que l’on peut déplacer, vendre, louer, au gré des envies des hommes de la famille, et qui ne connaissent qu’une vie d’esclavage et de violence, souvent sous la coupe d’une belle-mère qui prend une revanche sur la vie en maltraitant ses belles-filles.
    Au cours de l’histoire de Shekiba, on reprend espoir pour les femmes quand le nouveau roi veut les libérer de leur voile, leur donner une voix. Mais force est de constater qu’un siècle plus tard, surtout dans les campagnes, les conditions de vie ne se sont absolument pas améliorées, et ceux malgré des lois censées en faire des citoyennes à part entière.
    La plume de Nadia Hashimi est puissante, pendant la moitié du livre, j’ai tremblé pour ses héroïnes, j’ai pleuré, j’ai trépigné… bref, comme on dit, je l’ai vécu intensément et j’ai eu un énorme coup de cœur !

     

    Un extrait : En effet, quand vint le moment d’affronter notre père, la petite fille de neuf ans que j’étais alors ne fit pas la fière. Lèvres scellées, je gardai mes pensées pour moi. Au bout du compte, Padar-jan décida une fois de plus de nous retirer de l’école.

    Nous le suppliâmes de changer d’avis. Une des professeurs de Parwin, une amie d’enfance de Madar-jan, vint même à la maison pour raisonner mes parents. Padar-jan avait déjà fléchi par le passé mais cette fois-ci, c’était différent. Il aurait préféré que nous soyons scolarisées mais ne voyait pas comment faire pour que cela se passe sans encombre. Que penseraient les gens en voyant ses filles pourchassées par des garçons du village ? Des choses affreuses, pour sûr.

    — Si j’avais eu un fils, ce genre de choses n’arriverait pas ! Bon sang ! Fallait-il que nous ayons une maison pleine de filles ? Pas une, pas deux, mais cinq ! s’énervait-il.

    Pendant ce temps, Madar-jan s’occupait des tâches domestiques, le dos courbé sous le poids de la déception.

    Les humeurs de notre père avaient empiré ces derniers temps. Madar-jan nous conseillait de nous taire et de nous montrer respectueuses. Elle nous expliqua qu’une accumulation de malheurs s’était abattue sur Padar-jan, d’où ses colères répétées. Si nous nous comportions bien, nous dit-elle, il reviendrait bientôt à son état normal. Pourtant, nous avions de plus en plus de mal à nous souvenir d’un temps où Padar-jan n’était pas furieux et ne criait pas.

    Comme nous étions à la maison, je reçus pour mission de m’occuper des courses. Mes sœurs aînées étaient mises en quarantaine puisqu’elles étaient plus âgées et attiraient donc davantage l’attention. Quant à moi, encore parfaitement transparente aux yeux des garçons, je ne risquais rien.

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