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  • [Livre] Je voulais juste vivre

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    Résumé : Après des années de privations et de harcèlement, par une nuit glaciale, Yeonmi, 13 ans, et sa mère, réussissent à traverser le fleuve Yalu qui marque la frontière entre la Corée du Nord et la Chine. Elles laissent derrière elles leur pays natal et ses horreurs : la faim, la délation constante et surtout une répression impitoyable et le risque permanent d’être exécutées pour la moindre infraction. Mais leur joie n’est que de courte durée. Rien ne les a préparées à ce qui les attend entre les mains des passeurs. Après plusieurs années d’épreuves inhumaines et un périple à travers la Chine et la Mongolie, Yeonmi atteint finalement la Corée du Sud.
    À 22 ans, Yeonmi est désormais une combattante : c’est l’une des plus influentes dissidentes nord-coréennes et une activiste reconnue des droits de l’homme.


    Auteur : Yeonmi Park

     

    Edition : Le livre de poche

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 12 Avril 2017

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : L’auteur raconte son histoire en trois parties : sa vie en Corée du Nord, sa fuite en Chine et son installation en Corée du Sud.
    Dans la première partie, elle nous décrit une vie digne des pires moments du moyen-âge : la famine, la saleté, le défaut de soins, les arrestations et la peur, cette peur qui ne lâche aucun individu depuis le premier jour où il a été capable de formuler une phrase. L’embrigadement est tel que la population croit réellement leur dirigeant immortel et capable de lire dans les pensées. La délation est obligatoire : ne pas dénoncer c’est soi-même commettre un crime.
    Chacun est en permanence sous surveillance et la moindre étincelle d’individualité, de pensée, d’analyse, est réprimée par l’envoie dans les camps de rééducation ou de travail (selon l’ampleur de la faute).
    La population n’est même plus capable de réaliser à quel point les déclarations du gouvernement sont remplis de contradictions.
    Parce qu’ils n’ont plus d’autres issues, sinon celle de mourir de faim, les parents de Yeonmi envisagent de fuir vers la Chine. La sœur ainée partira la première, Yeonmi et sa mère suivront quelques jours plus tard.
    Le père sera le dernier à se lancer, de peur que sa fuite ne provoque l’arrestation de ses frères et sœurs.

    On entre dans la seconde partie avec un sentiment d’horreur qui va crescendo. Car la Chine, c’est pire encore que la Corée du Nord si cela est possible. Traqués par la police qui cherche à les renvoyer en Corée du Nord (ce qui signifie la torture et/ou la mort), vendu par les passeurs, les trasfuges passent d’une dictature à une vie d’esclavage. Surtout les femmes : battues, violées par les différents intermédiaires, parquées dans des bordels ou réduites au rang d’esclave par des « maris » et leurs familles, elles ont à peine plus à manger qu’en Corée du Nord.
    Fuir la Chine s’avère aussi dangereux que fuir la Corée du Nord, les deux pays entretenant des relations que la Chine ne veut à aucun prix détériorer quand bien même cela signifie sacrifier la vie de millier de transfuges.
    Yeonmi et sa mère ont vécu des horreurs, traitées successivement comme des marchandises, des criminelles, des indésirables.
    Même l’arrivée en Corée du Sud, qui devrait être la fin du calvaire, puisque ce pays considère les Nord-Corréens comment des citoyens, a été difficile. Yeonmi ne savait pas comment se comporter, comment vivre cette liberté terrifiante, comment penser par elle-même sans qu’il y ait forcément de mauvaise réponses.

    De plus, la Corée du Sud étant un pays très élitiste et compétitifs, dès son arrivée, les officiels et les professeurs ont fait sentir à Yeonmi qu’elle n’avait aucune chance de se créer une vie meilleure et ce n’est que grâce à sa ténacité que la jeune fille a franchi les différents obstacles que l’on mettait encore en travers de sa route.

    Aujourd’hui militante pour le respect des droits de l’homme en Corée, Yeonmi est victime de sévères critiques. Son récit est jugé peu crédible (même si beaucoup de ses détracteurs sont des pro-Nord-Corréens).
    La première critique qui lui est faite est que d’autres transfuges ne racontent pas les mêmes exactions de la part du régime Nord-Coréen. Pour moi cette critique ne tient pas la route pour deux raisons : d’une part, avec la corruption qu’il y a dans ce pays, les habitants de deux villages différents ont pu être traités de manières plus ou moins sévères. Ensuite, il faut prendre en compte que, même sortis de Corrée du Nord, bon nombres de transfuges ont peur des représailles et se refuse à donner une image trop négative du régime.
    La seconde critique la plus rencontrée est que Yeonmi s’emmêle parfois dans les faits, les dates etc… Ici encore, ce n’est pas très probant car Yeonmi avait seulement 13 ans quand elle a fui en Chine. Vu son âge et ce qu'elle a traversé, il est possible qu'elle attribue à une personne les actions d'une autre, que ses repères temporels ne soient pas toujours parfaits et que son esprit ait pu combler certains blancs sans qu'elle en ait conscience. De là à penser qu’elle a inventé son histoire, c’est aller un peu loin.

    Pour finir, je dirai que le récit de Yeonmi est bouleversant mais que jamais l’auteur ne tombe dans le larmoyant ou se répète pour tirer des larmes aux lecteurs. L’auteur ne veut pas de la pitié de la communauté international, elle veut dénoncer les horreurs de son pays et celles commises par les passeurs et intermédiaires chinois qui se livrent ni plus ni moins au trafic d’êtres humains.

     

    Un extrait : Le Yalu serpente comme la queue d’un dragon entre la Chine et la Corée du Nord pour rejoindre la mer Jaune. À Hyesan, il débouche dans la vallée du mont Paektu, où la ville de 200 000 habitants s’étend entre les collines ondoyantes et un haut plateau recouvert de champs, de bosquets d’arbres et de tombes. Le fleuve, généralement calme et peu profond, gèle complètement en hiver, qui dure une bonne partie de l’année. C’est l’endroit le plus froid de Corée du Nord, avec des températures qui descendent parfois jusqu’à -40 °C. Seuls les plus résistants y survivent.

    Hyesan, c’était chez moi.

    Sur l’autre rive du fleuve, se trouve la ville chinoise de Changbai, dont un grand pourcentage de la population est d’origine coréenne. Les familles des deux côtés de la frontière commercent les unes avec les autres depuis des générations. Enfant, dissimulée dans l’obscurité, je scrutais souvent depuis la berge les lumières de Changbai de l’autre côté du fleuve, me demandant ce qu’il se passait au-delà des limites de ma ville. C’était excitant d’observer les feux d’artifice colorés qui explosaient dans le ciel de velours noir durant les fêtes et pour le Nouvel An chinois. Nous n’avions pas cela de notre côté de la frontière. Parfois, lorsque je descendais au fleuve pour remplir mes seaux d’eau et que le vent soufflait dans la bonne direction, je pouvais sentir la bonne odeur de nourriture, des nouilles et des raviolis chinois qu’on préparait dans les cuisines de l’autre côté. Ce même vent apportait les voix des enfants chinois qui jouaient sur la rive opposée.

    « Hé, toi ! Tu as faim ? criaient les garçons en coréen.

    — Non ! Tais-toi, espèce de gros Chinois ! » leur répondais-je.

    C’était un mensonge. En réalité, j’avais très faim mais à quoi bon s’en plaindre ?

     

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