Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • [Livre] Les cœurs fêlés

    les coeurs feles.jpg

     

    Résumé : Brit, 16 ans, en pleine rébellion adolescente, est envoyée par son père dans une institution pour adolescents difficiles (enfermée pour guérir d'une maladie qu'elle n'a pas), Red Rock, aux méthodes aussi musclées que cruelles. Organisée par niveaux de brimades, encourageant la délation, la méthode a pour objectif de briser les caractères rétifs et fait vivre un enfer aux pensionnaires. Dans ce cauchemar sans issue, éperdue par son impuissance, Brit manque de sombrer. Mais l'amitié secrète (car interdite) qui se noue avec trois jeunes filles enfermées ici elles aussi pour des raisons disproportionnées lui redonne l'espoir... et la force de résister. Une force difficile à puiser en soi quand on a 16 ans.

     

    Auteur : Gayle Forman

     

    Edition : OH éditions

     

    Genre : Young Adult

     

    Date de parution : 03 mars 2011

     

    Prix moyen : 7€

     

    Mon avis : A chaque fois (ou presque) que je lis un roman de Gayle Forman, c’est un coup de cœur. Celui-ci ne déroge pas à la règle.
    Comme dans « J’étais là » l’accent est mis sur l’amitié mais ici, contrairement au précédent, l’amitié est au présent, on la vit en même temps que les héroïnes et nous ne rencontrons pas les personnages au travers de simples souvenirs.
    Leur amitié est d’autant plus forte qu’elle se fait face à l’adversité. Un réel adversaire cette fois, qui n’est pas, comme souvent, une petite peste de l’école, mais une maison de redressement pour fille se faisant passer pour un internat strict.
    Cette « école » fait froid dans le dos. Tout y passe, des humiliations aux quasi-tortures psychologiques et physiques. Les cours y sont quasi inexistants, d’un niveau bien trop faible pour les élèves.
    Celles-ci se retrouvent dans cette école sur inscription de leurs parents pour des « infractions » telle qu’avoir un petit ami mexicain, être homosexuelle ou avoir du poids à perdre.
    Quand je vois la fréquence de l’apparition de telles institutions dans les livres et les séries, je me dis qu’il ne peut pas y avoir de fumée sans feu et je me demande comment des établissements qui violent avec autant d’arrogance les plus élémentaires des droits humains peuvent encore exister (Un peu comme les couvent des sœurs Madeleine, en Irlande, qui n’ont fermés qu’en 1996).
    Le sentiment qui m’a dominée, pendant toute ma lecture, a été la colère : colère contre les surveillants, la psy et le directeur de l’école, mais surtout colère contre les parents qui enferment leurs enfants parce qu’ils sont différents (pas indisciplinés ou délinquants) sans jamais se donner la peine de vérifier les conditions dans lesquelles ils vivent. Le père de Brit m’a particulièrement donné envie de lui coller de grandes baffes (et un petit tour en taule ne lui aurait pas fait de mal…Je suis dure ? Peut-être, mais je n’ai aucune compassion pour ce genre de mec… Lisez le livre, et que celle qui n’a pas envie de lui arracher les yeux me jette le premier harlequin !).
    Même si j’ai été en colère contre beaucoup de personnages, j’ai éprouvé toutes sortes d’émotions, et à plusieurs reprises, j’ai eu une boule dans la gorge devant ce à quoi doivent faire face les sœurs du club fermé des fêlés.
    Encore une fois, le titre français n’est pas à la hauteur du titre anglais, on se demande même comment l’éditeur français en est arrivé à ce titre puisque littéralement, sisters of sanity veut dire : « sœurs de la santé mentale »… Je pense qu’un titre plus adéquat que les cœurs fêlés aurait pu être trouvé, non ?
    Même si ce livre est un coup de cœur, j’ai deux petits reproches à lui faire : La fin est, à mon sens, trop rapide. J’aurais aimé voir plus en détail cette fin, en voir les conséquences, qu’elles soient judiciaires ou personnelles.

     

    Un extrait : Ce devait être une excursion au Grand Canyon et je n’avais aucune envie d’y aller. En plein été, il devait bien faire trois mille degrés dans ce désert. Entre le climat et les deux jours de trajet en voiture avec mon père et le Monstre, sa seconde femme, j’étais sûre d’y laisser ma peau. Le Monstre est toujours après moi. Tout y passe : mes cheveux, rouges avec des mèches noires, ou noirs avec des mèches rouges, si l’on préfère ; mes tatouages — un brassard celtique, une guirlande de pâquerettes sur la cheville, et un cœur situé à un endroit qu’elle ne risque pas de voir ; ma prétendue mauvaise influence sur Billy, mon demi-frère, qui n’est encore qu’un bébé et doit prendre mes tatouages pour de la BD, si même il les a remarqués.

    En plus, c’était mon dernier week-end de liberté avant l’entrée en première et il s’annonçait d’enfer. Je joue de la guitare dans un groupe, Clod, et on devait se produire au Festival de l’été indien d’Olympia parmi des orchestres top niveau, le genre qui est sous contrat avec des producteurs. Rien à voir avec les cafés et les soirées particulières où l’on jouait d’habitude. Mais, bien sûr, le Monstre s’en fichait. Elle considère le rock punk comme une sorte de culte diabolique. D’ailleurs, après la naissance de Billy, elle m’a interdit de continuer à répéter dans le sous-sol pour protéger le petit trésor. Du coup, je dois me replier chez Jed, qu’elle n’aime pas non plus parce qu’il a dix-neuf ans et qu’il habite — horreur! — non pas avec ses parents, mais en colocation.

    J’ai donc refusé poliment. Bon, d’accord, peut-être pas si poliment que ça. J’ai dit que je préférais bouffer du verre pilé, ce qui a fait se précipiter le Monstre vers papa, lequel m’a demandé d’un air las la raison de ma mauvaise humeur. J’ai expliqué l’histoire du concert. Dans une vie antérieure, mon père s’est s’intéressé à la musique, mais, là, il s’est contenté d’ôter ses lunettes et de se masser la cloison nasale en déclarant que c’était comme ça et pas autrement. On allait au Grand Canyon en famille, point final. Comme je n’avais pas l’intention de me laisser faire, j’ai sorti tout mon arsenal d’arguments : pleurs, silence obstiné, vaisselle fracassée. Pour rien. Le Monstre a refusé de discuter et je me suis retrouvée face à papa, à qui je n’aime pas faire de la peine. Résultat, j’ai cédé.

    J’ai dû annoncer la nouvelle au groupe. Erik, le batteur, amateur de fumette, s’est contenté de lâcher mollement un juron, mais Denise et Jed étaient contrariés. « On a tellement bossé, tu as tellement bossé », s’est lamenté Jed. J’étais désolée de le voir si déçu. D’autant qu’il avait raison. J’étais sur le point de participer à un méga-concert alors que, trois ans plus tôt, j’étais incapable de faire la différence entre un accord de do et un fa. J’allais devoir tirer un trait dessus et Clod serait réduit à un trio lors du festival. Ça me ravageait de ne pas pouvoir y aller, mais, en même temps, la réaction de Jed me réchauffait le cœur.

    J’aurais dû me douter qu’un coup tordu se préparait quand, le vendredi matin, j’ai vu papa en train de charger seul le monospace marronnasse que le Monstre lui a fait acheter à la naissance de Billy. Ni elle ni mon petit frère n’étaient présents.

     

    coup de coeur.jpg