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  • [Livre] Les règles d'usage

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    Résumé : Wendy, treize ans, vit à Brooklyn. Le 11 septembre 2001, son monde est complètement chamboulé : sa mère part travailler et ne revient pas. L’espoir s’amenuise jour après jour et, à mesure que les affichettes DISPARUE se décollent, fait place à la sidération. Le lecteur suit la lente et terrible prise de conscience de Wendy et de sa famille, ainsi que leurs tentatives pour continuer à vivre. Le chemin de la jeune fille la mène bientôt en Californie chez son père biologique qu’elle connaît à peine – et idéalise. Son beau-père et son petit frère la laissent partir le coeur lourd, mais avec l’espoir que cette expérience lui sera salutaire. Assaillie par les souvenirs, Wendy est tiraillée entre cette vie inédite et son foyer new-yorkais qui lui manque. Elle délaisse les bancs de son nouveau collège et, chaque matin, part à la découverte de ce qui l’entoure, faisant d’étonnantes rencontres : une adolescente tout juste devenue mère, un libraire clairvoyant et son fils autiste, un jeune à la marge qui recherche son grand frère à travers tout le pays. Wendy lit beaucoup, découvre Le Journal d’Anne Frank et Frankie Addams, apprend à connaître son père, se lie d’amitié avec sa belle-mère éleveuse de cactus, comprend peu à peu le couple que formaient ses parents – et les raisons de leur séparation. Ces semaines californiennes la prépareront-elles à aborder la nouvelle étape de sa vie ? Retournera-t-elle à Brooklyn auprès de ceux qui l’ont vue grandir ?

     

    Auteur : Joyce Maynard

     

    Edition : Philippe Rey

     

    Genre : roman contemporain

     

    Date de parution : 01 septembre 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Au début du roman, j’ai été très gênée dans ma lecture par le non respect des règles typographiques du dialogue. Il est difficile de distinguer les dialogues du récit et ça a considérablement ralenti ma lecture, même quand je m’y suis un peu habitué.
    C’est un point qui fera que je ne relirais pas ce roman et que je ne le conseillerais qu’avec quelques réserves et en mettant bien en garde de cette construction difficile.
    J’ai beaucoup aimé Josh et Carolyn. Les « pièces rapportées » de la famille sont aussi celles qui sont les plus attachantes.
    Garrett, le père de Wendy, reste un peu insouciant, même s’il semble s’être amélioré depuis l’époque où il était avec son ex femme.
    Pour Janet, c’est plus difficile, car on ne la connaît qu’à travers les souvenirs qu’en a Wendy. Et avec la culpabilité qu’elle ressent de ne pas avoir dit au revoir à sa mère ce matin là, elle a tendance à revoir leurs disputes plus que leurs bons moments. Ainsi on voit une femme qui m’a parut amère et vindicative, désireuse de voir sa fille en vouloir à son père autant qu’elle-même lui en veut. A chaque fois que Wendy repense aux moments où sa mère et elle parlaient de son père, elle se souvient de la hargne de Janet à l’encontre de Garrett.
    Kate, après la mort de Janet, se fait un peu le relais de cette colère. Et, alors que Josh décide de laisser partir Wendy, parce qu’il se dit qu’elle a peut être besoin de faire cette expérience pour surmonter la perte de sa mère, elle n’hésite pas à culpabiliser l’adolescente. J’ai trouvé qu’elle était un peu intrusive. Le fait d’avoir été la meilleure amie de Janet ne lui donne aucun droit de regard sur la vie de Wendy.
    Garrett a été agaçant au début. Cette manière de débarquer après plusieurs années d’absence pour récupérer sa fille en occultant presque l’existence de Josh et de Louis, le petit frère, en disant qu’il ne lui reste que lui, est particulièrement énervante, parce que Josh était là, lui, pendant tout ce temps où Garrett était absent. Mais on se rend vite compte que c’est plus de la maladresse qu’autre chose et son attitude, par la suite, le rachète largement à mes yeux.
    On croise beaucoup de personnages, Violet, Todd, Alan… qui vont aider Wendy à se reconstruire, chacun à leur niveau.
    L’auteur a réussi à nous faire ressentir toute l’angoisse de l’attente insupportable, le chagrin, le refus de regarder la réalité en face, que beaucoup de famille des victimes du 11 septembre ont du ressentir. Le fait que, n’ayant pas de corps à enterrer, certaines personnes ont eu du mal à faire leur deuil car, comment ne pas garder un infime espoir ?
    Le roman montre la reconstruction de Wendy, on la voit grandir aussi, pas seulement en âge, car il se déroule sur moins d’une année, mais aussi mentalement. Elle grandit, elle mûrit, elle avance, coûte que coûte.
    Pour moi, il n’y avait pas de « bonne » fin. Que Wendy décide de rester en Californie avec son père et Carolyn, ou de rentrer à New York avec Josh et Louis, dans un certain sens, une des parties sera toujours lésée. Que ce soit sa famille et ses amis en Californie ou son autre famille et ses autres amis à New York, elle manquera cruellement à quelqu’un. D’autant plus qu’il ne s’agit pas là seulement de vivre dans une ville ou une autre, mais dans l’un ou l’autre d’Etats qui ne peuvent pas être plus éloignés.
    Finalement, Wendy va devoir faire preuve d’un peu d’égoïsme, et choisir ce qui est le mieux pour elle.

    Même si Joyce Maynard nous offre un roman résolument optimiste, puisqu’il est question avant tout de reconstruction, j’ai été au bord des larmes pendant la majorité du roman, parce que, même si je ne suis pas américaine, que je n’étais pas à New York le 11 septembre et que je n’ai perdu personne dans la catastrophe, l’auteur nous a fait ressentir toutes ses émotions, presque comme si on y était. Mais seulement presque, heureusement.

     

    Un extrait : Plus tard, Wendy se repasserait ce matin-là pour tenter d’en graver le moindre détail dans sa mémoire. Elle n’oublierait jamais l’odeur du beurre chaud dans la poêle, ni la voix de Josh qui accompagnait Madonna. Ni le soleil doré qui tombait sur le toit de l’église de l’autre côté de la rue, en face de leur appartement, ni la femme qui était montée dans le bus à la même station qu’elle et déblatérait sur la liaison amoureuse d’un représentant du Congrès américain. Elle avait dû refaire trois fois la combinaison de son casier avant de réussir à en ouvrir le verrou. Le chef d’orchestre lui avait lancé : Je parie que tu es la seule clarinettiste à avoir travaillé ton instrument cet été, ce qui était vrai.
    Elle établirait la liste de tous les trucs qu’elle était prête à faire – se couper les cheveux, se couper un bras, les deux jambes, prendre vingt-cinq, cent kilos, ne jamais rencontrer quelqu’un qui tombe amoureux d’elle pour la vie, se mettre nue devant toute la classe en cours d’EPS – si seulement elle pouvait retourner en arrière.
    Pause, aimait dire Louis quand il se levait du canapé pour aller aux toilettes ou prendre un cookie et qu’il ne voulait pas qu’on fasse quoi que ce soit avant son retour. Rembobine, ordonnait-il quand il revenait en courant dans la pièce et croyait que le film avait continué sans lui. Parfois ils regardaient une vidéo, mais il le disait aussi quand on lui lisait un livre, quand ils jouaient au jeu des sept familles ou aux dames. Il pensait qu’on pouvait arrêter le temps dans la vraie vie comme dans les vidéos.
    Si on ne pouvait pas rembobiner, alors on se mettait sur pause. On s’immobilisait pour toujours à cet instant sans jamais passer au suivant, et c’était encore un million de fois plus supportable que ce qui arrivait quand on laissait tourner.

    Plus tard, elle reconstituerait ce qu’elle était en train de faire à la seconde exacte où c’était arrivé. Elle s’approchait du taille-crayon près du bureau de la classe et se demandait en aiguisant sa mine si les autres la trouvaient grosse. Griffonnait au dos de son cahier de textes une fille en combinaison orange style manga japonais avec une coupe punk et un ghetto-blaster sur l’épaule, un dessin qu’elle ne finirait jamais. Entrouvrait son classeur pour jeter un nouveau regard à la photo de la cabane aux cactus que son père lui avait envoyée. Les belles-de-jour, le pick-up vert funky et son papa adoré serrant le chiot contre sa poitrine.

    Je parie qu’ils ont encore déréglé la sonnerie car elle aurait dû déjà retentir, leur dit Mrs Volt. Si elle n’a pas encore sonné dans une ou deux minutes, je vais vous envoyer à votre premier cours.
    A cet instant précis, la voix du principal résonna dans le haut-parleur.
    Je vous prie tous de garder votre calme. Nous cherchons encore des informations. Il y a eu un accident.