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  • [Livre] Le dernier des nôtres

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    Résumé : « La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue… » Cette jeune femme qui descend l’escalier d’un restaurant de Manhattan, élégante, rieuse, assurée, c’est Rebecca Lynch. Werner Zilch, qui l’observe, ne sait pas encore que la jeune artiste est aussi une richissime héritière. Werner n’a pour lui que ses yeux bleus délavés. Son nom étrange. Et une énergie folle : enfant adopté par un couple de la classe moyenne, il rêve de conquérir New-York avec son ami Marcus.

    Werner poursuit Rebecca, se donne à elle, la prend : leur amour fou les conduit dans la ville en pleine effervescence au temps de Warhol, Patti Smith et Bob Dylan… Jusqu’au jour où Werner est présenté à la mère de Rebecca, Judith, qui s’effondre en voyant son visage. Ainsi se rouvre le dossier douloureux des origines de Werner. Qui Judith a-t-elle reconnue dans ces traits blonds et ces yeux presque gris ? Quels souvenirs hideux cache-t-elle sous ses bracelets d’or ?

     

    Auteur : Adélaïde De Clermont-Tonnerre

     

    Edition : Grasset

     

    Genre : Roman contemporain

     

    Date de parution : 17 Août 2016

     

    Prix moyen : 22€

     

    Mon avis : Je ressors de ma lecture un peu mitigée.
    J’ai beaucoup aimé l’alternance entre les deux époques 1945 et 1969 et le lien qui les relient et qui va au-delà du personnage de Werner. Le fait que 1945 soit raconté à la troisième personne et que 1969 le soit à la première personne du point de vue de Werner nous permet de savoir immédiatement à quel moment du récit on se trouve, même si on n’a pas fait attention à la mention de la date en début de chapitre (cela dit, même si j’apprécie que l’auteur distingue ainsi les deux périodes, il est difficile de les confondre).

    Concernant les personnages, je n’ai pas réussi à m’y attacher et pour moi c’est un vrai problème dans un livre.
    J’ai déjà lu des livres dans lequel le personnage principal était antipathique, mais soit son caractère était nécessaire à l’histoire, soit il était contrebalancé par des personnages secondaires plus attachants.
    Ici, non seulement les caractères abominables de la plupart des personnages n’apportent rien à l’histoire, mais il y a une caricature systématique des personnages. A l’exception de Marcus, l’associé et ami de Werner, qui, bien qu’il soit toujours là, n’est qu’un personnage secondaire, et de quelques personnages sans grande importance, on a vraiment le sentiment qu’il n’y a rien de bon chez les protagonistes. L’un est égoïste, arrogant et possessif, l’autre odieux, la troisième une enfant gâtée qui se fiche des conséquences de son comportement…
    Je ne vais pas aller jusqu’à dire que ces personnages à dominante négative m’ont empêché de me plonger dans l’histoire, mais, ne ressentant pas d’empathie à leur égard, j’ai été plutôt indifférente quant à la réalisation de leur quête. Je me fichais un peu qu’ils découvrent ou non la vérité, d’autant plus que cette vérité, je l’ai vu arriver comme un camion près de 200 pages avant qu’elle ne soit enfin révélée. Alors pour l’effet de surprise…
    De surprise, il y en a effectivement une, dans les derniers chapitres, mais une surprise sur 496 pages, c’est trop peu pour moi.
    Au final j’ai beaucoup apprécié les parties se déroulant en 1945, tout ce qui entoure la fin de la guerre ; un peu moins les parties 1969 que j’ai trouvé trop centré sur le côté « je t’aime moi non plus » de la relation entre Werner et Rebecca.
    L’histoire est un peu lente à démarrer, mais le livre reste difficile à lâcher malgré tout.
    On peut dire que c’est un roman assez addictif, mais le manque d’attachement que suscitent les personnages fait qu’il ne restera pas gravé dans ma mémoire.

    Un extrait : Nous déjeunions avec Marcus au rez-de-chaussée de cette trattoria de SoHo. Nous y venions presque tous les jours. Le patron accueillait Shakespeare, mon chien, comme une divinité. Il lui préparait de généreuses gamelles. C’était précieux car Shakespeare en effrayait plus d’un. Dressé sur ses pattes arrière, il atteignait le mètre quatre-vingts. Sa fourrure d’ours beige et feu ne faisait pas oublier sa gueule qui, s’il n’avait eu si bon caractère, aurait pu régler son compte à un homme en quelques secondes. Je me penchais avec appétit sur mes spaghettis al pesto, lorsque la cheville qui allait changer ma vision des femmes apparut sur les tomettes de l’escalier. Elle capta immédiatement mon attention. Sa propriétaire, qui descendait de la salle au premier étage, marqua une pause. Elle parlait à quelqu’un. Je mis un certain temps à isoler sa voix, moqueuse, dans le brouhaha des discussions et des bruits de couverts. Ses pieds pivotèrent légèrement. J’admirai ses orteils enfantins aux ongles brillants. Elle continuait à parler d’une voix insistante. Elle voulait déjeuner en bas. En haut la salle était presque vide. Il n’y avait personne, c’était triste. Une voix d’homme, dont j’apercevais les mocassins marron, protestait. C’était plus calme en haut. Le pied gauche de la fille descendit une marche, dévoila le début d’un mollet. Il remonta, descendit à nouveau, et enfin s’engagea. A mesure qu’elle se révélait, je caressais du regard la ligne fine de ses tibias, ses genoux, le début de ses cuisses que creuse cette diagonale du muscle qui m’affole chez une femme. La peau à peine dorée, d’une perfection irréelle, disparaissait ensuite sous la corolle d’une étoffe bleue. Une ceinture mettait en valeur sa taille où j’aurais voulu d’emblée ancrer mes mains. Son chemisier sans manches laissait voir des bras d’une fraîcheur ronde, appétissante. Plus haut, dans l’échancrure, émergeait un cou élégant que j’aurais pu briser d’une main. Elle dévala les trois dernières marches en riant. Une lumière entra avec elle dans la pièce, celle de ses cheveux. Elle traînait par la cravate un homme d’une quarantaine d’années, habillé d’un pantalon beige et d’un blazer bleu marine à pochette jaune. Tiré par le col, rouge et très contrarié, il tentait de la suivre sans tomber. Elle lui rendit sa liberté en laissant filer la cravate entre ses doigts presque transparents de finesse puis s’exclama :

    « Ernie, tu es assommant ! »

    Je l’observais avec une telle attention qu’alertée par un instinct animal, elle croisa mon regard et s’immobilisa une fraction de seconde. Dès qu’elle tourna ses yeux insolents vers moi, je sus que cette fille me plaisait plus que toutes celles que j’avais pu connaître ou simplement désirer. J’eus l’impression qu’une lave coulait en moi, mais la jeune femme ne sembla pas troublée, ou, si elle le fut, mon étincelante créature avait suffisamment de retenue pour ne pas le montrer. Le type au blazer s’agaça de l’intérêt que je lui portais. Il me dévisagea d’un air irrité. Instantanément, mon corps se tendit. J’étais prêt à me battre. Il n’avait rien à faire dans ce restaurant. Il ne méritait pas cette déesse. Je voulais qu’il me la laisse et qu’il foute le camp. Je lui adressai un sourire narquois, espérant qu’il viendrait me provoquer, mais Ernie était un pleutre. Il détourna les yeux. Ma beauté fit une volte-face gracieuse lorsque le serveur, aussi ébloui que moi, lui indiqua leur table. Il écartait les chaises sur son passage, tandis qu’elle avançait, tête légèrement baissée, avec cet air modeste des filles qui se savent admirées.