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  • [Livre] Sultana

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    Résumé : Protégée par un pseudonyme, une femme musulmane révèle, pour la première fois, les secrets de son pays, l'Arabie Saoudite. Sultana est née princesse mais la vie qu'elle retrace dans ce témoignage bouleversant est celle de l'esclavage auquel sont soumise toutes les Saoudiennes. Enfance dominée, mariage forcé, lapidation, enfermement à vie, humiliations, soumissions, exclusion... La liste est longue, tout aussi longue que les interdits qui pèsent sur ces femmes dépourvues de tout droit.

    Mais pour Sultana, princesse féministe, ce livre est le commencement du changement, et un message d'espoir.

     

    Auteur : Jean P. Sasson

     

    Edition : Pocket

     

    Genre : Témoignage

     

    Date de parution : 01 Janvier 1994

     

    Prix moyen : 4€

     

    Mon avis : J’ai toujours été partagée en lisant l’histoire de Sultana. Car s’il est vrai qu’elle ne maîtrise pas sa propre vie, son enfance étant dirigée par son père puis sa vie d’adulte par un époux choisi par ce dernier, elle a quand même plus de chance que n’importe qu’elle autre femme ordinaire de son pays ou même de tout autre pays islamiste comme l’Iran.
    Car après tout, sa vie est peut être un long sacrifice, mais comme le dit Marius à Fanny dans la trilogie de Pagnol, elle se sacrifie de bon appétit : des milliers de dollars d’argent de poche, se levant à midi puisque les domestiques s’occupent des enfants, se faisant masser les pieds, vivant dans des maisons immense pourvues de tout le confort moderne, voyageant dans compter entre les différentes capitales, juste pour faire du shopping…
    Quant à ses « manquements » aux règles, ils ne sont guère sanctionnés. Là où toute autre jeune fille serait emprisonnée et risquerait la flagellation ou même la mort, Sultana ne récolte que des regards noirs et des sermons.
    Mais d’un autre côté, c’est cette « protection » que lui donne sa naissance royale (car les hommes de sa famille craignent plus que tout un scandale public et ne peuvent pas punir de manière trop cruelles leurs filles ou épouses, au risque que la raison de cette punition ne se sache) qui lui permet de nous dévoiler les dessous de la vie des saoudiennes, celles qui n’ont pas sa chance.
    Comme la jeune fille de 13 ans, lapidée pour avoir eu des relations sexuelles alors qu’elle a été violée par les amis de son frère en l’absence de ses parents, celle de 17 ans, mariée à un homme de 57 ans au fond du désert pour avoir eu un comportement déplacé, au même âge, et pour la même faute, une autre sera exécutée par son père…
    Sultana nous parle aussi des domestiques, surtout les philippines, qui sont régulièrement battues et violées par les familles qui les emploient.
    Même si la vie de Sultana est contrôlée par les hommes et par les lois clairement faites contre les femmes dans son pays, je la trouve parfois très naïve. Elle vit sur un tapis d’or, son père lui a choisi un époux assez proche d’elle en âge, séduisant, aux idées assez modernes pour un saoudien, elle n’a pas été excisée, son père ayant interdit cette pratique après qu’un médecin l’ait informé que sa femme l’avait fait sur ses trois filles aînée et lui ait expliqué les dangers de la pratique, elle a été éduquée, d’abord enfant, puis en reprenant des études une fois adulte… Je ne sais pas si elle réalise à quel point sa vie est facile comparée à celle des femmes de conditions plus modestes.
    Ce livre est très intéressant car il parle de la condition féminine en Arabie Saoudite, mais il faut parfois remettre les choses à leur place et imaginer les mêmes situations dans une famille qui ne dépense pas 6 millions de dollars comme nous dépensons 5€.

    Un extrait : En 1968, j’ai douze ans et mon père devient incroyablement riche. Malgré cette richesse, il est le moins extravagant des Al Sa’ud. Pourtant, il a décidé e faire construire pour chacune de ses quatre familles quatre palais, à Riyad, Djeddah, Tayf et en Espagne. Les palais sont exactement semblables dans chacune des villes, jusqu’à la couleur des tapis et au choix des meubles. Mon père déteste le changement, il veut se sentir chez lui, dans la même maison, tout en voyageant d’une ville à l’autre. Il exige que ma mère nous achète quatre fois chaque objet personnel, y compris les sous vêtements. Il refuse que sa famille s’encombre de bagages. On se procure mes livres et mes jouets par paquets de quatre destinés à chacun des palais. C’est troublant pour moi de me retrouver dans une chambre à Djeddah pareille à celle de Tayf, identique à celle de Riyad, devant les mêmes vêtements suspendus dans les mêmes penderies.
    Ma mère se plaint rarement mais, lorsque mon père achète quatre Porsche rouges identiques à mon frère Ali, qui n’a alors que quatorze ans, elle gémit tout haut que c’est une honte, un tel gaspillage avec autant de pauvres dans le monde.

    Mais dès qu’il s’agit d’Ali, aucune dépense ne compte…
    A dix ans, Alia reçu sa première montre Rolex en or. Je suis particulièrement jalouse, car j’ai demandé à mon père un lourd bracelet d’or aperçu au souk, et il a brutalement refusé. Pendant deux semaines, Ali fait grand cas de Rolex, puis je m’aperçois, un jour, qu’il l’a oublié sur une table, à côté de la piscine. Morte de jalousie, je prends une pierre et je mets la montre en morceaux.
    Pour une fois, ma méchanceté n’est as découverte et c’est avec un vrai plaisir que j’assiste aux réprimandes de mon père, reprochant à Ali sa négligence et lui recommandant de prendre soin, à l’avenir, de ce qui lui appartient.
    Bien entendu, au bout d’une semaine à peine, on offre à Ali une nouvelle Rolex en or, et ma rancune d’enfant se transforme en réel désir de vengeance.

    Ma mère me parle souvent de cette haine pour mon frère. En femme sage, elle a bien vu cette flamme dans mes yeux, même quand je m’incline devant l’inévitable. Je suis la plus jeune de la famille, donc dorlotée par ma mère, mes sœurs et mes autres parents. En y repensant, je ne peux pas nier que j’étais outrageusement gâtée. A cause de ma petite taille pour mon âge, en comparaison de mes sœurs, grandes et bien charpentées, on m’a traité comme un bébé pendant toute mon enfance. Mes sœurs étaient sages et réservées, de convenables princesses saoudiennes. J’étais dissipée et insoumise, me préoccupant fort peu de ma royale image. Comme j’ai dû abuser de leur patience !
    Mais, aujourd’hui encore, chacune de mes sœurs se précipiterait pour prendre ma défense au moindre danger.
    Triste contraste, pour mon père, je représente, fillette, le summum des déceptions. Et je passe mon enfance à essayer de gagner son affection… Finalement, désespérant d’obtenir son amour, je m’efforce d’attirer son attention par n’importe quel moyen, au risque qu’elle prenne la forme de punition pour mes nombreux méfaits.
    Je me dis que si mon père est contraint de me regarder aussi souvent que possible, il sera obligé de reconnaître mon caractère particulier et se mettra à m’aimer autant qu’il aime Ali. Mais les moyens tortueux et frondeurs que j’emprunte le mènent de la totale indifférence au véritable rejet.
    Ma mère a accepté le fait que ce pays où nous sommes nées prédestine à l’incompréhension entre les sexes. Je suis encore une enfant, le monde est devant moi, j’ai du mal à parvenir à une telle conclusion.