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  • [Livre] Une si jolie petite fille

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    Résumé : 1968. Angleterre. En quelques semaines, deux petits garçons de 3 et 4 ans sont assassinés. Très rapidement, Mary Bell, 11 ans, est arrêtée, condamnée et emprisonnée. Qui est cette fillette vive, jolie et si intelligente ?

    Près de 30 ans plus tard, la journaliste Gitta Sereny la retrouve. Avec elle, lors de longs entretiens, se rejoue l'enquête et se précisent les mystérieux mécanismes qui ont conduit à l'indicible.

    Une seule question subsiste : le mal est-il en chacun de nous?

     

    Auteur : Gitta Sereny

     

    Edition : Plein jour

     

    Genre : Biographie

     

    Date de parution : 11 Septembre 2014

     

    Prix moyen : 23€

     

    Mon avis : Dès le début du livre, l’auteur nous prévient que son livre n’est pas fait pour excuser les crimes de Mary Bell mais pour dénoncer le système judiciaire britannique en ce qui concerne les enfants criminels à travers l’histoire de Mary.
    J’ai beaucoup aimé ce livre et j’ai été très intéressée par l’histoire de Mary. Choquée aussi à de nombreuses reprises. Curieusement, ce qui m’a le plus choqué n’est pas le meurtre des deux petits garçons. Bien sûr c’est affreux, et choquant aussi de constater qu’un tel acte peut être commis par un enfant, surtout en considérant que les parents ne vont pas se méfier de voir une fillette de 11 ans jouer avec leur enfant de 3 ou 4 ans, comme ils se méfieraient de voir un adulte lui tourner autour.
    Malgré tout, j’ai été davantage choqué par la suite. D’abord par le fait que Mary ait été immédiatement incarcérée le temps du procès tandis que Norma était placée dans un hôpital et ensuite par la partialité du procureur. Son attitude envers les deux fillettes a clairement influencé le jury sur le fait que Norma devait être acquittée et Mary, condamnée.
    Si cet homme est encore en vie, ou s’il a de la famille, je me demande s’il ou ils sont fier(s) de cet épisode de sa carrière.
    Autre point extrêmement choquant a été la décision de juger les fillettes comme des adultes. Et cela sous le seul prétexte qu’à onze ans, on doit pouvoir distinguer le bien du mal, sans pour autant que leur passé, leur conditions de vie, leur famille soient évoquées, ni qu’elles soient toutes deux soumises à une sérieuse expertise psychologique. Or, l’enquête de la journaliste a révélé que si, effectivement, Mary pouvait distinguer le bien du mal, elle n’avait pas la notion du caractère définitif de la mort. Elle n’avait dont pas pleinement conscience de son geste. C’est d’ailleurs dans cette optique que l’avocat de Mary a décidé de plaider coupable avec responsabilité atténuée, ce qui aurait du être en faveur de Mary lors du prononcé de la peine. Mais le procureur et le juge ont tellement diabolisé la fillette en parlant d’elle comme d’un monstre, d’une enfant malveillante, de l’engeance du diable etc… que Mary, malgré ses 11 ans, a été condamnée à perpétuité.

    Alors certes, elle a été libérée à 23 ans, mais elle vit en liberté conditionnelle. Elle n’est pas réellement libre. Elle n’a jamais pu choisir librement ou et avec qui elle allait vivre, quel métier elle allait exercer, tout devait être soumis à la validation de son officier de probation. Elle a d’ailleurs  eu de la chance car ses officiers de probation ont été géniales et se sont vraiment battues pour que Mary ait la vie la plus normale possible.
    Pour autant, elle a du changer d’identité à plusieurs reprises, les journalistes, tant anglais qu’étranger, cherchant régulièrement à la retrouver.
    Je ressors toutefois de ma lecture mitigée, non pas à cause de l’histoire en elle-même, car on plonge vraiment dans la tête de Mary Belle, mais à cause de l’auteur.
    Ici, on n’a pas un pur témoignage, comme on peut en lire régulièrement, à la première personne. C’est clairement Gitta Sereny qui raconte, qui donne une voix à Mary mais aussi à d’autres personnes, comme ses officiers de probations, des éducateurs qu’elle a croisé, certaines personnes de son entourage etc…
    C’est un choix de récit intelligent, car, après l’enfance désastreuse (qu’on découvre dans la dernière partie du livre) et les chaos qui ont jalonnés la vie de Mary après son procès, sa mémoire n’est pas toujours très juste et elle confond parfois les personnages et les dates. Le point de vue de personnes extérieures permet donc d’avoir une idée plus précise des évènements.
    Cependant, à plusieurs reprises, Gitta Sereny a poussé Mary dans ses retranchements, malgré l’avis d’un psychiatre qui s’est inquiété de ce travail d’enquête, craignant que faire ressortir des souvenirs si profondément enfouis ne soit préjudiciable à Mary. Il dit clairement que ce travail aurait s’étaler sur plusieurs années et dans le cadre d’une thérapie. Mais l’auteur, obsédé par Mary depuis son procès, auquel elle a assisté, n’a pas semblé vouloir prendre la moindre précaution, le plus important étant la sortie du livre.
    J’ai aussi été assez choquée de voir que dans ses remerciements, Gitta Sereny ne prend pas la peine de remercier Mary Bell. Pourtant, il me semble que cela aurait été la moindre des choses puisque sans le témoignage et le travail de Mary, qui a accepté de se replonger, des mois durant, dans des souvenirs douloureux et pénibles, ce livre n’aurait jamais vu le jour.
    Puisqu’elle a décidé de ne pas la citer comme co-auteur, contrairement à ce que font la plupart des journalistes qui écrivent sur la base des souvenirs de quelqu’un, elle aurait pu au moins la remercier de son implication comme l’a fait Jean P. Sasson, qui à la fin du livre Sultana, dans les remerciements débutent par « Merci Sultana, pour avoir bravement partagé avec le monde l’histoire de ta vie ».
    Ces remerciements sont pour moi une preuve de l’honnêteté de l’auteur, qui reconnaît qu’il n’a fait qu’une maigre partie du travail en retranscrivant la vie d’une autre. Une honnêteté qui semble faire défaut à Gitta Sereny.

     

    Un extrait : À la fin de la première journée du procès, le point de vue du procureur ne pouvait faire aucun doute dans l’esprit de qui que ce fût. Il avait déjà déposé dans l’esprit des jurés les germes de ce que serait le verdict, deux semaines plus tard : non coupable pour Norma, coupable d’homicide involontaire pour cause de responsabilité atténuée pour Mary.

    « Vous verrez, dit-il en achevant son long exposé, que Norma est une jeune fille immature, arriérée. Elle ne se serait jamais trouvée dans la terrible situation où elle est aujourd’hui si elle n’avait pas habité à côté de Mary. Celle-ci, en revanche, ainsi que plusieurs témoins le confirmeront, a une évidente propension à mettre ses mains sur la gorge des enfants plus jeunes qu’elle. Même si elle a deux ans et deux mois de moins que Norma, elle est la plus intelligente des deux, et c’est elle qui domine. C’est elle aussi, d’ailleurs, qui dans l’une de ses dépositions a utilisé la ruse pour tenter d’impliquer un petit garçon parfaitement innocent dans le meurtre de Brian Howe. »

    Ses derniers mots furent pour désigner Mary, non pas comme une enfant malade ou perturbée, mais comme un être mauvais et, sans égard pour son âge, un monstre. Il dramatisa l’histoire du petit A. accusé à tort, puérile et pathétique tentative qu’elle avait faite pour se protéger, et donna à ce fait une importance démesurée par rapport à la vraie tragédie – la mort des deux petits garçons. Il en fit l’acte répréhensible par excellence, à l’aune duquel tout le reste devait se mesurer. « Cela vous donne une idée du genre de fille dont il s’agit », assena-t-il pour conclure.

    Tard ce soir-là, dans le petit appartement au dernier étage du centre d’accueil de Fernwood où elle devait rester isolée sous la surveillance de la police pendant les neuf jours (et les deux week-ends) que durerait le procès, Mary demanda à l’agent, Barbara F., le sens du mot « immature ». Chaque agent réagissait à sa manière face à Mary. Barbara F., quand elle me raconta la scène, me dit franchement qu’elle ne l’aimait pas. « Elle me donnait la chair de poule, vous comprenez ? Mais bien sûr, lorsqu’elle m’interrogeait, j’essayais de répondre. »

    « Alors, si Norma est immature, et si je suis la plus intelligente, tout va me retomber dessus ? » lui demanda Mary.

    « J’ai juste haussé les épaules, conclut la jeune femme. Qu’est-ce que je pouvais dire ? »