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  • [Livre] Bleu passion

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    Résumé : Milan, Italie, 1487

    Giulia, 17 ans, va passer le reste de sa vie au couvent de Sainte Marta. Une chose impossible pour elle, qui voudrait un mari et un foyer. La jeune fille trouve de l'aide auprès d'un sorcier qui lui confectionne un talisman magique: avant l'hiver, son désir le plus cher aura été accompli. Elle entre au couvent, persuadée qu'un miracle se produira. Soeur Humilitià, qui y enseigne le dessin et la peinture, décèle le talent de Giulia et lui offre une place dans son atelier. Cet endroit merveilleux où l'on fabrique en secret la couleur tant convoitée du Bleu Passion. Et si le destin de Giulia était la peinture...?

     

    Auteur : Victoria Strauss

     

    Edition : Albin Michel

     

    Genre : Jeunesse

     

    Date de parution : 3 Février 2014

     

    Prix moyen : 18€

     

    Mon avis : L’auteur a écrit un livre bien documenté, où, au-delà de la fiction, on en apprend beaucoup sur la vie des novices dans un couvent du XVème siècle et sur la manière dont la peinture est faite à cette époque. Beaucoup de termes techniques, que ce soit des termes de couvent ou des termes de peinture, sont assortis d’un petit astérisque et on peut en découvrir une définition détaillée dans le glossaire à la fin du roman. Petit bémol sur le fait de devoir faire des allers-retours entre ce glossaire et le texte, j’aurais préféré que les explications soit en note de bas de page, ça aurait été plus simple pour le lecteur (et rien n’empêchait de faire aussi le glossaire pour tout réunir).

    Giulia est la fille illégitime d’un comte, qui, s’il a toujours donné un toit à sa fille, malgré la mort de sa maîtresse 10 ans plus tôt, n’a jamais pris la peine de la reconnaître. A sa mort, il laisse un testament dans lequel il lègue une somme d’argent à la jeune fille, somme d’argent qui doit, stipule-t-il servir de dot pour qu’elle se marie.
    Mais la femme du comte, exécuteur testamentaire de son défunt mari, voit là sa revanche pour l’humiliation d’avoir eu la bâtarde de son mari employée sous son toit.
    Puisque le désir de son mari était que Giulia soit mariée, et qu’elle se doute que c’est là également le désir de la jeune fille, elle va la marier, oui, mais à Jésus Christ, et l’expédier finir ses jours dans un couvent auquel elle versera sa dot pour son entrée en religion.
    Le monde de Giulia s’effondre, elle qui rêve d’un mari, d’enfants et d’un foyer bien à elle, la voilà novice dans un couvent.
    Cela dit, quand on voit les règles du couvent, on se dit qu’il y a pire dans le genre. Ici les religieuses n’ont pas à se lever la nuit pour les prières comme dans d’autres cloîtres, les repas sont abondants, bref, c’est un couvent  où la vie est moins dure qu’ailleurs, d’autant que la mère supérieure, bien qu’elle ne puisse rien faire contre cela, est révoltée par toutes ces familles qui enferment les filles dont ils ne veulent pas s’occuper.
    Assez vite, Giulia est repérée par sœur Humilata qui l’introduit dans son atelier de peinture. Giulia est impressionnée et il y a de quoi, il faut dire qu’au XVème siècle, les femmes ne peuvent pas être peintre. Pire encore, on ne se contente pas de les exclure de la profession, on les considère comme incapables de peintre du seul fait de leur condition féminine.
    Humilata est si douée qu’elle a crée une couleur éclatante, un bleu flamboyant qu’elle a nommé le bleu passion et dont la recette est gardée secrète.

    Giulia est douée d’une grande force de caractère, mais elle a aussi une grande naïveté, ce qui n’est pas étonnant car elle ne connaît pas grand-chose du monde.
    Elle est fermement décidée à s’enfuir du couvent et à réaliser ses rêves, mais cela lui fait parfois faire des choix stupides, sans songer aux conséquences.
    Il va lui falloir du temps pour admettre que peut-être la voie de l’indépendance et du bonheur est différente de celle qu’elle avait imaginée.

    Autour de Giulia, il y a beaucoup de personnages sympathiques mais aussi quelques belles pestes comme Alessia qui n’a pas l’intention de perdre son statut d’aristocrate.
    Il faut dire que pour un lieu où toutes devraient être égales devant Dieu, la différence de classe est bien marquée entre les sœurs de cœur, issues de la noblesse (ou d’une forte dot) et les sœurs converses, qui servent de domestiques aux premières. J’ai été choquée par cette différence faite au sein même d’une maison de Dieu.
    Une scène m’a marquée : celles où plusieurs religieuses qui semblent être heureuses au couvent expliquent à Giulia comment elles sont devenus religieuses, et elle va pouvoir voir qu’elle est loin d’être la seule à n’avoir pas eu le choix.

    C’est un livre qui se lit vite, personnellement, je l’ai terminé en une après-midi. Et, même si j’ai trouvé la fin un peu trop moralisatrice, j’ai beaucoup aimé cette lecture.

    Un extrait : La femme la conduisit jusqu’à l’escalier de marbre qui menait aux suites et aux chambres de la famille Borromeo, dans les étages supérieurs. L’escalier, réservé aux maîtres et à leurs invités, n’étaient pas plus autorisé aux domestiques qu’aux bâtards. C’était la première fois de sa vie que Giulia y posait le pied.
    La servante laissa Giulia dans une antichambre dépourvue de meubles, mais dont les murs étaient décorés de fresques aux teintes passées représentant des scènes de chasse. Au bout d’un temps interminable, une éternité, la comtesse entre, dans un tourbillon de velours et de brocart.

    - Madame la comtesse…

    Giulia fit une profonde révérence. Elle se rendit compte trop tard que ses doigts étaient tachés de fusain. En se relevant, elle s’efforça de les cacher dans les plis de sa jupe.

    - Mon mari m’a nommée exécutrice testamentaire de sa fortune, et je suis chargée de faire respecter ses dernières volontés, dit la comtesse d’une voix aussi glaciale que le marbre du sol de l’antichambre. Désormais, toutes les décisions passent par moi.

    - Oui, madame la comtesse.

    Giulia avait toujours senti la haine que cette femme lui vouait depuis sa naissance, et elle pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de phrases qu’elle lui avait adressées dans sa vie.

    - Quel âge as-tu ? Seize ans ?

    - Dix-sept depuis le mois de mars, madame la comtesse.

    - Mon mari t’a couchée sur son testament. Il te lègue une somme de trois cents ducats, pour ta dot.

    Giulia resta interdite. Malgré elle, elle leva les yeux vers la comtesse et rencontra son regard sombre et dur. Elle baissa la tête aussitôt.

    - Je vois que tu es surprise. Tout comme moi. Mon mari ne m’avait jamais fait part de cette intention.

    - Madame…je ne savais pas…je veux dire que je ne m’attendais pas à…

    - Aucune importance. (La comtesse balaya d’un geste les propos de Giulia). Je me suis occupée de te trouver un chaperon, comme il se doit. Demain à midi, tu partiras pour Padoue où tu commenceras ton noviciat au couvent de Sainte Marta.

    - Au couvent ? Madame la comtesse…Je ne comprends pas.

    - C’est très simple. Le comte souhaitait que tu te maries. Eh bien, j’ai pris des dispositions pour que tu deviennes l’épouse de Notre Seigneur Jesus-Christ. Ta dot est modeste, mais les religieuses ont bien voulu l’accepter pour rendre service à ma famille. Padoue, comme tu le sais, est la ville où je suis née.

    - Mais… (Giulia eut du mal à reprendre sa respiration.) Madame la comtesse, je ne veux pas devenir religieuse.

    - Et que veux-tu que cela me fasse ? Cette demeure est maintenant la mienne. Et j’exige que tu en partes ! (La comtesse perdait son sang-froid, sa voix était pleine de rage) Qu’est ce que tu t’imaginais ? Tu croyais qu’après la mort de ton père, tout allait continuer comme avant ?

    Bien entendu, Giulia n’était pas assez sotte pour avoir cru cela. Sa mère, la plus douée des couturières de la maison, avait également été la maîtresse préférée du comte, lequel de ce fait avait toujours protégé Giulia. Il avait pris des dispositions pour qu’Annalena, la cuisinière, s’occupe de la jeune fille après le décès de sa mère : qu’elle veille à ce que Giulia lui succède à l’atelier de couture dès qu’elle serait en âge de le faire, et vérifie tous les ans si cette activité lui convenait toujours. Giulia savait pertinemment que la disparition du comte remettait tout en cause. Néanmoins, elle avait espéré qu’on lui permît de rester. La vie au palazzo Borromeo n’était pas toujours facile, mais c’était le seul foyer qu’elle connaissait.
    Elle avait essayé de se préparer au pire. Mais jamais, même dans ses plus terribles cauchemars, elle n’avait imaginé une chose pareille.
    Le legs du comte était inattendu, mais le sort que lui réservait la comtesse était inconcevable.